Nous devons cette anthologie de dix « contes d’Halloween » à Axelle Carolyn, réalisatrice bruxelloise et épouse, depuis 2007, du cinéaste britannique Neil Marshall (qu’on ne présente plus). Toute belge qu’elle est, Axelle Carolyn aime la fête d’Halloween, elle lui a déjà consacré le court métrage The Halloween Kid (2011), poème à la Tim Burton, narré en voix off par Derek Jacobi, dans lequel un jeune garçon, Henry, est sans cesse mis à l’index car taxé d’éternel rêveur, en somme de bon à rien. Sauf qu’Henry ne rêve pas, il aperçoit des choses effrayantes que personne d’autre ne voit. Un très joli film de sept minutes que je vous invite à découvrir ici sans plus tarder :

Axelle Carolyn a donc initié la mise en œuvre de Tales of Halloween avec le concours de la société Epic Pictures. Sur l’affiche, la production annonce un line-up d’enfer, celui des cinéastes enrôlés dans l’aventure, mais tous n’ont pas le même pedigree ni la même renommée. Le dénommé David Parker ouvre le bal. Auteur d’une série B/Z déjà lointaine, Les Morts haïssent les vivants (2000), et d’un thriller, ColdWater, en 2014, Parker signe ici Sweet Tooth, qui met en scène une situation et des personnages archi-communs dans le cinéma d’horreur américain : de retour à la maison après la chasse aux bonbecs du 31/10, un jeune garçon dévore son butin devant sa baby-sitter et le boyfriend d’icelle, venu en douce lui tenir compagnie. À la télé passe La Nuit des morts-vivants de George Romero, l’ambiance est idéale pour que le gamin entende de la bouche des jeunes adultes la terrible histoire du petit Timmy Blake, alias « Sweet Tooth », à qui ses affreux parents interdisaient d’avaler la moindre sucrerie… Un point de départ banal, donc, mais le développement de l’histoire finit par nous accrocher, d’autant que le finale assez gore (où apparaît Caroline Williams, alias Stretch dans Massacre à la tronçonneuse 2) indique que Tales of Halloween ne va pas hésiter à verser dans l’hémoglobine et la tripaille. Et on se cale plus confortablement dans le fauteuil pour admirer la suite.

Darren Lynn Bousman (Saw IIIIIIV, Mother’s Day, 11-Eleven) affectionne les masques et tous les artifices du spectacle (il a aussi mis en scène le film musical Repo! The Genetic Opera ainsi que le long clip Fight Like a Girl d’Emilie Autumn). Il aime donc forcément une soirée comme Halloween, où l’on s’amuse grimé. Dans The Night Billy Raised Hell, le deuxième segment, le jeune héros Billy, déguisé en petit diable, frappe à la porte d’un vieux bonhomme impressionnant, M. Abbadon (Barry Bostwick, 1m93, The Rocky Horror Picture Show). Abbadon n’a pas de bonbons dans son sac, juste une bonne leçon à inculquer (ou plutôt infliger) au pauvre gamin. Comme promis par le titre, Billy va vivre une soirée d’enfer… Très bon petit film (petit car, comme tous les autres segments, il ne dépasse pas dix minutes) en forme de jeu de massacre, à la conclusion vacharde et relevé par la fugace apparition dans son propre rôle d’Adrianne Curry, qui remporta en 2003 la première édition de l’émission de téléréalité America’s Next Top Model (et posa par la suite deux fois pour le magazine Playboy — prière de lire cet article jusqu’au bout avant de vous ruer sur Google Images !).

Trick est signé Adam Gierasch (Autopsy, Night of the Demons). On assiste au spectacle consternant de quatre adultes fumeurs d’herbe vautrés devant le petit écran (au programme, La Nuit des morts vivants, leitmotiv télévisé rappelant que les dix contes se déroulent en simultané). Ils s’extirpent à tour de rôle du canapé pour ouvrir la porte aux kids en quête de sucreries. Se présente soudain une fillette armée d’un couteau, un vrai… Comme la plupart des autres courts métrages, Trick est doté d’une fin à chute qui l’apparente aux histoires d’horreur naguère racontées en BD chez DC Comics (en France dans des séries telles qu’Il est minuit… l’heure des sorcières). L’interprétation des enfants du casting est un peu faiblarde, cela dit elle n’enlève pas grand-chose à l’amertume du finale, parabole macabre sur le masque trompeur des apparences « normales » et les vices cachés de ces salauds d’adultes.

Paul Solet intervient en quatrième position avec The Weak and the Wicked. Le réalisateur du très remarqué Grace déçoit un peu avec une histoire de vengeance accomplie avec le concours des forces occultes. Une fille et deux garçons, unis depuis l’enfance par leur nature sadique, retrouvent des années plus tard un gamin à qui ils avaient causé beaucoup de tort. La caméra s’attarde un peu plus sur le trio d’enfer (et surtout sur la belle Grace Phipps, cinégénique et vue récemment dans la série Scream Queens) que sur le destin de leur ancienne victime, dont le parcours depuis une tragique nuit d’Halloween nous est conté en creux. Le montage est efficace et Solet a eu la bonne idée de styler l’histoire à la façon d’un western, mais l’argument de départ est tout de même trop ténu pour passionner.

Grimm Grinning Ghost est l’œuvre de la maîtresse de maison elle-même, Axelle Carolyn. Carolyn s’adonne à un pur exercice de mise en scène, porté par un pitch qui pourrait faire écho — pour qui s’en souvient — à la vieille chanson de The Cure Subway Song. Rentrant chez elle à pied après une fête d’Halloween, une lady costumée sent une présence sur ses talons. Elle hâte son allure, n’ose pas se retourner… Le film ne fait que jouer avec l’attente du spectateur, qui guette l’apparition de la menace. L’actrice principale (Alex Essoe) est belle à croquer dans sa robe victorienne violette, mais on se sent frustré par le manque d’épaisseur du scénario, d’autant qu’en scène d’ouverture, avant de jeter son héroïne seule sur le pavé, Axelle Carolyn a réuni devant sa caméra une merveilleuse assemblée d’Halloween qu’on aurait aimé côtoyer tout le film durant : Lin Shaye en conteuse gitane, Barbara Crampton en sorcière, Lisa Marie toute de noir vêtue, les réalisateurs Mick Garris et Stuart Gordon.

Neuf minutes à peine de métrage n’excluent pas de brosser un portrait psychologique d’une grande finesse doublé d’un spectacle effrayant. Lucky McKee réussit ce prodige dans le court suivant, Ding Dong. L’onomatopée amusante du titre ne laisse présager en rien la noirceur de ce qui va suivre. Nous sommes toujours la même nuit d’Halloween, à chaque coup de sonnette un couple ouvre sa porte aux gamins jouant à « trick or treat ». La dame est grimée en sorcière, son mari est affublé d’une perruque blonde et d’une culotte courte de garçonnet — il est déguisé en Hansel. Le couple est en crise : pour une raison qu’il est inutile de dévoiler ici, la raison de Bobbie, femme en souffrance, déraille et s’efface devant un alter-égo terrifiant qui vaut toutes les marâtres des contes…  Pour le rôle principal, McKee a réemployé la fascinante Pollyanna McIntosh, sa vedette de The Woman, dont la composition habitée glace le cœur et les tripes. Mise en scène, interprétation et montage sont au diapason, on tient là le chef-d’œuvre de ces Tales of Halloween !

Andrew Kasch a derrière lui une longue carrière de chef monteur mais aussi un passé de cinéaste avec quelques documentaires et courts métrages au compteur (Thirsty vaut le coup d’œil, vous trouverez la vidéo insérée en fin d’article !). Ici associé à l’écrivain John Skipp, Kasch déterre la hache de guerre avec This Means War, où un vieux garçon se prend salement la tête avec des fêtards métalleux. Comme chaque année, Boris habille son carré de pelouse pour Halloween. Une déco chiadée mais de bon ton, rien à voir avec l’ambiance « Hellfest » de mise chez Dante, qui habite juste en face. Simple querelle de voisinage montée en mousse rouge sang. On suit l’escalade sans déplaisir le sourire en coin, mais quand même, pas de quoi fouetter un chat noir.

Sur dix courts métrages, il en fallait bien un qui verse dans le nawak total. Mike Mendez (Le Couvent, Big Ass Spider!) s’en charge avec Friday the 31st, dans lequel la jolie Dorothy renverse son panier de bonbons en croisant non pas le magicien d’Oz mais un tueur en salopette au faciès difforme qui tranche et découpe à tout va. Arrive un vaisseau spatial…  Le slasher ne bifurque pas pour autant vers la S.F. mais vire au film de possession démoniaque à la Evil Dead et se conclut dans le désordre le plus sanglant. Tout cela est assez facile, un peu artificiel, à l’image du maquillage tartignole du tueur et de la médiocrité (calculée ?) des effets d’incrustation.

Schifrin, Ryan Schifrin. Le patronyme dit forcément quelque chose à tous ceux s’intéressent aux bandes originales, de films comme de séries. Le réalisateur de The Ransom of Rusty Rex, avant-dernier segment, n’est autre que le fils de Lalo Schifrin, immense compositeur de dizaines de « scores » célèbres tels que ceux de Mission: Impossible, Starsky & Hutch, Mannix… Cela dit, le fiston Ryan n’a pas embauché son paternel pour apparaître devant la caméra mais un autre grand nom du cinéma, John Landis. Adoubé maître de l’horreur pour avoir réalisé Le Loup-Garou de Londres (1981) et le clip Thriller (1982) pour Michael Jackson, Landis joue ici le rôle d’un papa qui prend avec beaucoup d’humour l’enlèvement de son rejeton Rusty, au grand dam des deux pieds nickelés coupables du rapt, qui vont vite comprendre l’immensité de leur bévue. Non, Rusty, il ne fallait surtout pas le prendre en pension… Drôle et cauchemardesque !

L’heure est déjà venue de plier les gaules, enfin presque : il reste à découvrir le dernier film, tourné par M. Carolyn en personne, soit Neil Marshall. Marshall ne pouvait refuser à sa chère et tendre une participation au film, sa contribution s’intitule Bad Seed (« mauvaise graine »). L’histoire, extravagante, imagine ce qui se passerait si un « Jack O’Lantern » prenait vie et se mettait à croquer les gens avec sa grande gueule féroce. Filmer une citrouille qui mange les bipèdes, c’était une sacrée bonne idée car cet ultime segment (où apparaît Joe Dante dans un second rôle) termine la projection sur une note enlevée et, une fois encore, pleine d’humour. À retenir, quand même, dévoilée dans la dernière scène, une conception un peu curieuse de l’agriculture biologique.

Présente dans la séquence introductive du film, la voix d’Adrienne Barbeau revient dans les ultimes secondes pour prendre congé et nous souhaiter, « en attendant la prochaine fois », un joyeux Halloween. Aucun doute, cette fête d’Halloween-ci aura été mémorable, parce qu’une majorité de segments (comme dans l’excellent A Christmas Horror Story) se sont avérés de bonne (voire de très bonne) tenue, et aussi parce qu’elle nous a permis de retrouver des noms et des visages tous issus de la grande « famiglia » des films d’horreur. Et on espère donc que tous (et d’autres) seront de la partie pour un plausible Tales of Halloween 2. Ci-dessous, la bande annonce et, comme promis dans l’article, le court métrage Thirsty d’Andrew Kasch.

Tales of Halloween est sorti le 16 octobre dernier aux USA et la semaine suivante en DVD et blu-ray en Espagne et en Allemagne. Le film est à ce jour totalement inédit en France…