Retour vers le futur : les gamins et ados des années 1980 sevrés au fantastique et à la S.F. sont devenus grands, mais ils n’ont pas oublié leurs émois de cinéphiles découvrant les séries A, B et Z de ce que d’aucuns appellent un âge d’or. Certains écument les conventions et festivals de genre — et c’est très bien —, d’autres sont devenus eux-mêmes cinéastes et livrent des premières œuvres marquées par le style du cinoche d’exploitation des « golden eighties ».

Conçu dans cet esprit, Turbo Kid s’impose comme une belle petite épopée post-apo. dont les prémisses furent un court métrage, T is for Turbo (tourné avec les moyens du bord dans le but de briguer une place dans l’anthologie The ABCs of Death). Nous sommes dans le futur, soit en… 1997 ! La planète n’est plus qu’un champ de ruines pollué, l’eau une denrée rare. Dans un coin de ce qui fut le Canada circule le « Kid » (Munro Chambers), post-ado fan de comics qui, comme tout le monde, se déplace à vélo (il n’y a plus de pétrole non plus). Non loin sévit Zeus, petit potentat machiavélique gardant le secret d’une mystérieuse source d’eau potable. La vie du Kid bascule lorsque, par un beau jour gris dans le no man’s land, il fait la rencontre d’Apple, blonde, charmante, pétillante et surtout very high-tech — c’est un robot !

Les auteurs sont donc canadiens : François Simard et les frangin-frangine Anouk et Yoann-Karl Whissel. Un trio comblé car leur film a collectionné les récompenses dans moult festivals où il a été programmé. Car c’est un fait : les spectateurs aiment Turbo Kid. Non seulement parce qu’ils le trouvent réussi, mais aussi parce qu’ils éprouvent de l’affection pour le film, une œuvre limitée en termes de moyens (le budget de tournage était modeste, cela se voit) mais portée par l’imagination fertile et l’enthousiasme communicatif de ses auteurs. En somme, une foi énergique qu’on retrouve tout entière dans le personnage d’Apple, la gentille androïde, personnage qui aurait pu sombrer dans le cliché (des jolies « robotes », on en a déjà vu plein) mais qui y échappe prestement. La bande de cinéastes a eu le génie de confier le rôle à une comédienne qu’on prend illico en sympathie, Laurence Lebœuf, au visage et aux grands yeux merveilleusement expressifs. On aime Laurence, on aime que le Kid aime Laurence, et on suit avec un plaisir gourmand leur combat sur bicross contre cette vieille baderne de Michael Ironside, qui joue Zeus, le super-méchant, avec une joie elle aussi contagieuse. Simard & Co lui ont adjoint une crapule masquée bien lookée, au regard fou  (photo ci-dessous), qui file accomplir pour lui les basses besognes (car non, les réals n’ont quand même pas eu le culot d’imposer à Ironside de poser lui aussi les fesses sur une selle de BMX !).

Turbo Kid a beau singer les séries B des années 1980 (musique au synthé et avec boîte à rythmes, effets spéciaux en latex, titrage aux couleurs tapageuses, etc.), le scénario a l’intelligence de ne jamais verser dans la parodie distanciée. Les auteurs ne se moquent pas d’un style révolu, ils entendent bien raconter une histoire qui, même si elle est simple, n’a rien d’un prétexte à la basse rigolade. En outre, François, Anouk et Yoann-Karl, droits dans leurs bottes, ne se privent pas non plus de mettre en scène plus d’une séquence marquée par des effets gore outranciers qui ne sont pas sans rappeler le Peter Jackson des débuts, et cela aussi fait très plaisir. Cette somme de qualités festives finit donc par nous faire accepter la nature tout de même paradoxale du film — un œuvre de S.F. tournée vers le passé — et nous faire guetter avec une curiosité jubilatoire les créations futures du trio québécois.

Turbo Kid a été présenté le mois dernier en avant-première à l’édition 2015 de l’Étrange Festival, à Paris. Aucune info, malheureusement, à transmettre pour l’instant concernant une prochaine sortie officielle française.