…autrement dit, L’Abécédaire de la mort, soit 26 réalisateurs américains, européens, asiatiques, tous actifs dans le cinéma de genre, à qui la production a attribué une lettre de l’alphabet. Leur mission diabolique ? Imaginer et tourner un court métrage en 6 mois, 6 semaines et 6 jours (!) en jouissant d’une liberté artistique totale, pourvu que le film ait la mort pour thème et que le titre débute par la lettre choisie. Fruit de ce concept ambitieux, The ABCs of Death pulvérise sans doute le record du nombre de segments dans un film à sketches, mais c’est une perf dont on se moque bien. L’essentiel, c’est le résultat, une hallucinante réunion de courts de factures très diverses, parfois inégaux (A, B et C ne sont d’ailleurs pas les meilleurs du lot), mais — presque — tous aussi déviants, dépravés et obscènes les uns que les autres. Prêt à réviser votre alphabet ?

L’Espagnol Nacho Vigalondo (réalisateur en 2008 du formidable Timecrimes) a écopé de la lettre A, c’était donc à lui qu’incombait la tâche d’ouvrir le bal macabre. Apocalypse se déroule dans la chambre d’un appartement où un mari alité subit les assauts ménagers (au couteau de cuisine, à la poêle à frire…) de sa chère et tendre. Pourquoi tant de haine ? La réponse est dans la fin à chute, figure de style caractéristique des histoires courtes. Une entrée en matière plaisante, sans plus, en tout cas moins frappante qu’un autre court métrage récent tout aussi gore et au titre identique, qui n’a rien à voir avec The ABCs… mais que je vous invite à découvrir ici.

Bigfoot est mexicain ! C’est ce qu’avancent un père et une mère lorsque, pour coucher leur fillette de bonne heure et pouvoir niquer tranquilles, ils prétendent devant la gamine que l’Abominable Homme des neiges sillonne la ville le soir pour enlever les enfants encore debout après 20 heures. Un chapelet de bobards effrayants débités en duo, mais les vilains menteurs, coupables d’abus de confiance sur mineure de moins de douze ans, seront in fine bien attrapés… Petite histoire sympa, un peu dans l’esprit d’Eerie et Creepy, les fameux périodiques américains des années 1950-60 spécialisés dans les récits courts d’épouvante (et tout récemment réédités en France par Delirium — achetez-les !).

On reste en Amérique latine avec Cycle, signé du Chilien Ernesto Diaz Espinoza. Attention, ce flim n’est pas un flim sur le cyclimse ! On parle ici d’une espèce de boucle temporelle dans laquelle le héros est enfermé. Une trouée sombre dans les buissons de son jardin permet au personnage de remonter le temps de quelques heures et de se retrouver… face à lui-même. Un scénario qui rappelle un peu La Porte d’Anno Saul, Grand Prix 2010 du Festival de Gérardmer, mais qui n’aboutit pas à grand-chose. Un des segments les plus faibles de la collection.

On songe encore à Gérardmer lorsque débute le court suivant, tourné par l’Américain Marcel Sarmiento (coréalisateur de Deadgirl, une histoire douteuse de viols répétés sur zombie présentée en 2009 dans le festival vosgien). Dogfight est un court sans parole, qui mise donc tout sur les images… et quelles images ! Ce quatrième film fait partie de ceux qui marquent durablement la rétine. Dans un hangar peuplé d’individus patibulaires se tiennent des combats de chiens. Sauf que… si l’un des combattants est bien un bâtard à crocs baveux, son adversaire est humain et va devoir défendre chèrement sa vie avec ses poings. D’une violence inouïe, Dogfight a de quoi donner des cauchemars à tout le personnel de la S.P.A. (comment diable sont-ils arrivés à simuler les directs assénés au clébard ? Il s’avère que Steve Berens (le lutteur bipède) n’est autre que le dresseur de Riley, le chien). Les plans sur les yeux du brave toutou sont bouleversants, et heureusement le fighter canin aura sa revanche sur les salauds qui lui font affronter la mort. Life’s a bitch !

Youpi, Exterminate a été mis en scène par l’étonnante Angela Bettis. La comédienne-fétiche de Lucky McKee (May, Sick Girl, The Woman) passe derrière la caméra pour filmer les affres d’un type lambda aux prises avec une ch’tite araignée qui n’a de cesse de lui grimper dessus dès qu’il ronfle. Le bonhomme finira par expédier l’intruse à huit pattes dans la cuvette des chiottes, mais ce sera trop tard… Serré, tout noir et vite savouré, comme un bon espresso !

Les réalisateurs japonais sont, dans cet abécédaire, au nombre de trois et relèvent tous de la déviante scène Z nipponne. « Outrepassons les frontières du bon goût » (dixit le dialogue) avec ce premier segment venu du Soleil levant et intitulé Fart (« le pet »). Dans ces quelques minutes scato filmées du côté de Tokyo ou d’Okinawa, des lycéennes en jupettes exhibent leur petite culotte alors qu’elles se répandent en flatulences. « Melle Yumi, quel beau derrière ! » s’exclame l’héroïne le nez sur le cul de sa prof lesbienne avant de se suicider au gaz intestinal. Même dans l’au-delà, les belles pètent encore tout en s’adonnant à des léchouilles saphiques éthérées. Vous n’aviez jamais imaginé voir ça, alors vous êtes priés de dire merci à Noboru Igushi (The Machine Girl).

Pour l’Australien Andrew Traucki, l’eau est synonyme de danger. J’en veux pour preuve ses films Black Water (et son croco féroce) et The Reef (humains à la baille contre requin blanc). Dans Gravity, une caméra subjective nous pose sur la planche d’un surfeur qui s’élance à l’assaut des vagues. La mer est plutôt calme, ce qui n’empêche pas le sportif de trouver la mort… en se cassant la gueule ! D’où le titre. L’argument est un peu léger, oui, alors guettons le prochain long du réalisateur, The Jungle, qui délaisse l’environnement aquatique pour s’enfoncer dans des forêts indonésiennes hantées par un bon gros léopard…

Dans Hydro-electric Diffusion, Thomas Cappelen Malling (Norvège) dissimule les traits de ses comédiens sous un grimage intégral façon cartoon. On est en 1944, le bouledogue Bertie, aviateur dans la RAF, en pince méchamment pour la volcanique Frau Scheisse, une chienne de luxe qui fait du strip dans un club de nuit. Le canin se prend pour le loup de Tex Avery (langue pendante, globes oculaires qui s’évadent à trois mètres de leur orbite), mais la femelle schleu, évidemment, roule pour les Nazis et réserve un bien mauvais traitement à son fan british… Bien fichu, c’est sûr, mais le film est quand même moins drôle que les dessins animés auxquels il rend hommage.

Le visionnement d’Ingrown (qu’on pourrait traduire par « le mal enraciné ») de Jorge Michel Grau s’accompagne d’une explication incluse dans le générique de fin : « Au Mexique, 2015 femmes ont été tuées au cours de ces dix dernières années, soit 200 par an. L’horreur véritable ne se trouve pas dans les salles de cinéma. » D’où ce réquisitoire contre les conjoints violents, dans lequel trouve la mort une femme bâillonnée et ligotée dans une baignoire. Après Ne nous jugez pas (2010), son premier long métrage, Jorge Michel Grau persiste dans la voie d’une épouvante à dimension sociale. Sinistre et glaçant.

J comme… Jidai-geki, autrement dit « film de samouraï ». Deux hommes portent des tenues japonaises traditionnelles. Le montage passe alternativement de l’un à l’autre mais le cadre est serré, et on ne comprend pas tout de suite ce qui se passe. Le type debout, bras levés, semble extrêmement stressé, le gars à genoux change d’expression à chaque fois qu’on revient sur lui. Au final, c’est gore et rigolo, à condition d’être au fait des modalités d’exécution d’un certain rituel samouraï. Yudai Yamaguchi (Meatball Machine) tourne en dérision une vieille tradition japonaise et c’est très bien ainsi.

Klutz n’est pas une onomatopée, en argot ricain, le mot signifie « empoté(e) ». Lors d’une soirée, une blonde à talons vit une mésaventure à la Jean-Claude Tergal en s’évertuant à faire disparaître son caca dans les toilettes. Pas moyen : l’ignoble étron est récalcitrant et s’obstine à flotter dans la cuvette. Dehors, on tambourine à la porte du pipi-room, et c’est la menace d’une mort sociale qui pèse sur l’héroïne ! Après Fart, voici une deuxième parenthèse scato, sous forme de film d’animation. Un choix artistique avisé de la part du Danois Anders Morganthaler, qui lui permet de faire accomplir aisément à la selle moulée toutes sortes de prouesses — pirouettes et saltos. Trois minutes de marrade dans la droite ligne de Liquid TV, l’émission-culte que la chaîne MTV consacra aux courts d’animation dans les années 1990.

Après Dogfight, Libido est, en termes d’horreur, une autre pièce maîtresse de l’Abécédaire de la mort (qui tue). Timo Tjahjanto d’Indonésie s’est employé à illustrer la frontière floue qui sépare l’excitation sexuelle « normale » et la perversion, au moyen d’un dispositif salement délirant : deux types en caleçon sanglés sur des chaises sont sommés par une beauté fatale (le top-model Kelly Tandiono) de se livrer à un concours de branlette. Le perdant est mis à mort d’une façon… pénétrante, le gagnant a le droit de rejouer. Les adversaires sont contraints à bander devant des tableaux érotiques vivants de plus en plus en dégueulasses au fur et à mesure qu’on avance dans la compétition. Sperme, sang, vomi… les personnages expriment tous les fluides corporels imaginables jusqu’au final, gore et nécrophile. Une exploration extrême — et néanmoins ludique — du fond de l’abîme.

Nous arrivons à mi-parcours avec la lettre M et Miscarriage de Ti West. Après V/H/S, le réalisateur de House of the Devil et de The Innkeepers donne une nouvelle fois dans le film à sketches en prenant part aux ABCs. Un effort minimal dont le résultat tombe singulièrement à plat, surtout venant juste après Libido. Et comme dans Klutz, il est à nouveau question d’une jeune femme face à une cuvette de toilettes. « Miscarriage » signifiant « fausse couche », je vous laisse imaginer ce qu’il y a au fond. Un court sans impact et sans objet.

Nuptials de Banjong Pisanthanakum (Thaïlande) manque également d’épaisseur mais il nous fait quand même bien rire avec une demande en mariage insolite : le fiancé fait sa proposition par l’intermédiaire d’un perroquet, lequel n’a pas sa langue dans sa poche et en racontera bien plus que ce qu’il était censé dire. Pas de chance : la future mariée était en train de faire la cuisine un long couteau à la main… Vaudeville gore.

Pour le quinzième film de l’orgie filmique, les Français Hélène Cattet et Bruno Forzani ont fait preuve de malice en abordant le thème imposé de la Camarde sous son acception de « petite mort ». Ils livrent par la même occasion une sorte de version filmée de l’affiche de leur long métrage Amer (2009) ! Orgasm est un montage grâce auquel les cinéastes illustrent l’acmé du plaisir féminin en mariant leurs fétiches visuels « giallesques » préférés (gants noirs, inserts…) et une imagerie assez gentiment érotique (une poitrine dénudée et puis c’est tout). Sur fond noir, des couleurs vives s’irisent à la surface de bulles de savon qui éclatent au moment décisif, et la bande son suggère les délices du sadomasochisme en associant crissements et claquements du cuir aux soupirs de plaisir. La « mort » finale est-elle réelle ou métaphorique ? Seuls les auteurs le savent. En tout cas, « c’est beau comme un orgasme », eût pu s’écrier Frédéric Dard… Le second long métrage d’Hélène et Bruno, L’Étrange Couleur des larmes de ton corps, sortira dans le courant de l’année dans les salles françaises.

Retour en Amérique latine avec Pressure de Simon Rumley, qui, après Jorge Michel Grau et Ingrown, plonge à son tour dans le marasme de la misère sociale. L’héroïne tapine pour nourrir ses trois enfants. La fille aînée aimerait un vélo pour son anniversaire, mais comment faire avec, par-dessus le marché, un père de famille qui vide régulièrement le pot commun pour s’en aller assouvir on ne sait quel vice ? Le final cruel achève de dépeindre un monde actuel horrible où la vie n’a de valeur que pécuniaire et où l’innocence n’a plus sa place. Il est juste dommage que l’interprétation soit approximative, au point que l’on se demande si les comédiens sont pros ou amateurs.

Dans Quack (« coin, coin ! »), Adam Wingard (V/H/S, You’re Next — voir la chronique du film dans notre compte rendu du 20ème Festival de Gérardmer) se met en scène en compagnie de son scénariste Simon Barrett. Ils ont hérité de la lettre Q — Naaan, mais franchement, que vont-ils pouvoir faire avec ça ? Les compères râlent, se creusent le ciboulot et, en définitive, ne trouvent rien de très probant… La mise en abyme manque de profondeur, l’autodérision est bien vaine. Sans substance aucune, un des… couacs de l’anthologie.

Srdjan Spasojevic imagine ses films en exploitant les thèmes de la souffrance et de la violence, et il ne s’est pas fait tellement d’amis (ni d’admirateurs) avec son long métrage extrême et très controversé A Serbian Film (2010). Les producteurs des ABCs, Ant Timpson et Tim League, ont misé sur la réputation sulfureuse du cinéaste des Balkans pour lui confier les rênes d’un des segments de l’anthologie. Le résultat s’intitule Removed, et il prend au pied de la lettre l’argument de la douleur comme matière première cinématographique : dans une clinique, alors que trois types, à l’entrée du bâtiment, visionnent L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat des frères Lumière, un médecin prélève au scalpel une large bande de peau sur le dos brûlé au troisième degré d’un patient/cobaye dont on ne verra jamais le visage. Après traitement chimique, l’échantillon d’épiderme devient pellicule de film. Le martyr va finir par se rebiffer et aller se promener au dehors dans une rotonde où il fait avancer à la force de ses bras une vieille loco… Il y a forcément une symbolique cachée derrière ces images qui évoquent les origines mêmes du média cinéma, mais Spasojevic ne prend pas la peine de nous livrer le mode d’emploi de son court surréaliste et ferroviaire. De l’art et essieu, quoi.

Avec sa chevelure blonde peroxydée, Jake West est un joyeux punk bien sympathique. Ayant pour tâche d’illustrer la lettre S, le réalisateur d’Evil Aliens et de Doghouse aurait pu mettre en scène des bestioles totalement flippantes telles que les « snakes », « scorpions » ou « spiders »… Mais non : plutôt que s’embêter à filmer des rampants, l’Anglais a préféré s’adjoindre les services de Darenzia, beauté new-yorkaise et mannequin-vedette de la scène fetish américaine. Pour les besoins de Speed, la brune a sans doute pioché dans sa garde-robe perso (photo ci-dessus) pour interpréter Roxanne, menottée et bientôt séquestrée dans un coffre de voiture par la dénommée Lulu (Lucy Clements). Physiquement, cette dernière n’est pas mal non plus, elle tente d’échapper à un sale type dissimulé sous un manteau à capuche. Contact, pleins gaz, les filles filent à travers le désert des Mojaves mais la fuite à toute allure est peut-être sans issue, et l’histoire pourrait se conclure par une chute… ou une descente. Pour nous spectateurs, un bon trip.

Surprise, nous voici de retour aux cabinets avec Toilet, dont le titre annonce clairement la couleur. Un court d’animation 100% pâte à modeler signé Lee Hardcastle, expert en la matière molle. Le Britannique ne bénéficie pas des mêmes budgets, loin s’en faut, que ses compatriotes des studios Aardman, ce qui ne l’empêche pas de mettre en scène sur un coin de table de cuisine des films totalement barrés et sanglants à souhait. Ce troisième passage aux gogues de l’anthologie démoniaque se penche sur une étape décisive du développement de l’enfant, le passage du pot à la cuvette de toilette des grands. Ce n’est pas du tout cuit pour le loupiot de l’histoire, paniqué à l’idée de suspendre son derrière au-dessus de cette grande gueule ouverte. Et si les chiottes familiales étaient pour de bon un monstre vorace ? Gare, l’expédition-caca nocturne du petit gars sera aussi hilarante que méchante !

Grâce à son tournage en caméra subjective, Unearthed (« déterré ») nous met dans la peau d’un vampire. Pas le comte Dracula, non, juste un pékin dont les amis et voisins, hélas pour lui, ont découvert la nature de non-mort. Le pauvre cavale à toutes jambes pour échapper à la vindicte des villageois, sa fuite dans la nuit sera-t-elle couronnée de succès ? Un suspense original (pour une fois, le vampire est la victime) et une mise en scène qui ne l’est pas moins signée de l’Anglais Ben Wheatley, qui a le vent en poupe depuis les succès de Kill List et de Touristes.

Un titre en latin, ça peut sonner prétentieux mais Kaare Andrews (Canada) n’en a cure. Le vocable Vagitus désigne le vagissement poussé par un nouveau-né. Un cri qu’on n’a plus guère coutume d’entendre à New Vancouver, en l’an 2035 : pour éviter une surpopulation qui serait fatale à la planète, les couples n’ont, en vertu de la loi, plus le droit de procréer à moins de gagner un permis de fertilité. Arrivée au terme de dix années de service au sein de l’unité de « contrôle de la propagation », une fliquette, Lainey, espère obtenir le droit de fonder une famille. Du cinoche d’anticipation post-Matrix d’une belle facture visuelle avec des robots, des calibres qui pétaradent et des explosions. Rien de surprenant, cela dit, venant d’un réalisateur avant tout auteur de comics : dessinateur et scénariste, Andrews bosse depuis un petit paquet d’années pour Marvel, il a contribué aux X-Men, à Hulk, Spider-Man et… The Matrix Comics. Pour l’anecdote, le bébé qu’on voit dans le film est le propre fils de Kaare Andrews, et c’est aussi lui qu’on retrouve sur l’affiche des ABCs… entre les bras de la Grande Faucheuse.

Jon Schnepp sait tout faire ! Au sein de sa compagnie Schneppzone (la boîte travaille sur des courts métrages et des shows télé comme la série d’animation Metalocalypse), il est à la fois réalisateur, producteur, directeur de la photo, scénariste, acteur, monteur… Histoire de montrer l’étendue de sa polyvalence, Schnepp nous balance en pleine poire WTF (abbréviation de What The Fuck?, autrement dit « putain, c’est quoi, ce bordel ? »), invraisemblable fourre-tout dans lequel des scénaristes doux dingues voient les créatures qui peuplent leur imaginaire envahir le monde réel dans une bruyante anarchie. On peut aimer le film pour ce qu’il est (un bon gros délire visuel monté en virtuose) ou le rejeter pour ce qu’il n’est pas (une histoire solide et bien construite). Le fait est qu’ici, le style, tout débridé qu’il est, prime cruellement sur la substance…

X comme Xavier Gens ! On attaque la dernière ligne droite avec un antépénultième segment tourné par notre compatriote français, auteur de Fontière(s), Hitman et The Divide. XXL est le court le plus gore de la collection (eh oui !), c’est aussi l’un des plus graves puisqu’il traite dans la douleur le cas d’une pauvre femme beaucoup trop ronde pour entrer dans le moule des canons esthétiques actuels. Pressurée par les médias qui n’ont de cesse de vanter la minceur, raillée dans la rue ou dans le RER (réalité ou délire paranoïaque ?), elle s’accorde une ultime razzia sur le frigo avant de s’attaquer — littéralement — à sa surcharge pondérale. Le récit imaginaire des ravages d’une dictature bien réelle. Pathétique et éprouvant.

Une dernière fausse note avec le film de Jason Eisener (Hobo With a Shotgun). Youngbuck (« jeune mâle ») est un « rape and revenge » où un adolescent victime d’agression sexuelle s’en prend à son violeur, qui n’est autre que le concierge du collège. Formellement, il n’y a rien à redire (belle mise en scène, chouette photo, montage impec), mais le scénario, beaucoup trop elliptique pour convaincre, se résume à peu de chose. Seule surprise : la bobine de Tim Dunn, le comédien chauve qui joue le concierge. Une vrai tronche de « perv » comme on n’aimerait pas en croiser le soir au coin d’un bois…

Et un Z qui veut dire… Zetsumetsu (« extinction ») ! Images porno, sang, violence, langage ordurier… tous les indicateurs virent au rouge dans cette apothéose issue de l’esprit de Yoshihiro Nishimura : de son propre aveu, le réalisateur de Tokyo Gore Police et Mutant Girls Squad puise son inspiration dans ses cauchemars ou… dans la bouteille, griffonnant généralement ses story-boards en état d’ébriété. C’est donc peut-être accoudé à une table de bistrot tokyoïte que le gaillard a imaginé ce brûlot expérimental où sévit un ersatz nippon du Docteur Folamour au verbe hargneux. Le type aboie des invectives au peuple japonais, aux Américains, et cette décharge d’énergie négative s’accompagne d’une série de métaphores érotiques et trash ressassant en vrac les traumatismes nucléaires vécus par le Japon (Fat Boy et Little Boy, mais aussi la catastrophe de Fukushima), l’occupation US après la défaite de 1945, les errances de la société nippone actuelle… Les phallus abondent, de chair ou de latex, une fille à oilpé se sert de son vagin comme d’un canon pour projeter fruits et légumes sur une nazillonne nippone en porte-jarretelles armée d’une bite géante… Oui, tout cela est vraiment bizarre, et il n’y a que le cinéma jap pour faire de telles propositions. À visionner plusieurs fois, pour parvenir à décrypter le discours de Nishimura et savourer le moindre plan de ce montage délirant.

Et voilà, c’est fini ! Passé les deux heures de projo, il ne reste plus qu’à s’instruire en regardant défiler le générique qui fait se succéder les équipes des 26 films. Dans la bande son, le défunt groupe australien Skyhooks entonne « Horror movie, right there on my TV », un tube de l’année 1974. The ABCs of Death, tout de suite, sur la télé, c’est aujourd’hui possible aux États-Unis, où le film est disponible en VOD (il a également été distribué en salles au début de ce mois de mars, dans un circuit restreint). Pour la France, en revanche, ce n’est pas pour tout de suite, aucune date d’exploitation n’étant prévue. On peut tout de même raisonnablement parier sur une sortie dvd/blu-ray dans les mois à venir. Histoire de vous faire patienter dans l’hilarité la plus complète, nous avons un cadeau pour vous, le court T is for Toilet de Lee Hardcastle, en ligne ici sur Khimaira ! Et ci-dessous, la bande annonce :