« Night eternal, our world is burning, our world is dying »… Les paroles d’apocalypse et le chant bestial de Moonspell feraient une bande son metal idéale pour accompagner l’ouverture de The Divide : par la baie vitrée d’un gratte-ciel, une belle jeune femme, Eva, voit le feu nucléaire s’abattre sur New York. Derrière elle, c’est la panique, les autres habitants du building dévalent les escaliers. Le temps d’une larme, et Eva est emportée par le flux humain… Elle se retrouve une centaine de mètres plus bas, claustrée dans un sous-sol où elle et huit autres survivants vont cohabiter à l’abri des radiations mortelles. À l’intérieur du blockhaus, les rapports humains, tendus dès la première minute, vont subir une dégradation inexorable, un retour à la barbarie déclenché par la recherche du pouvoir et de la nourriture…

Glissant des flammes infernales qui ravagent la surface jusqu’aux profondeurs souterraines, le troisième film de Xavier Gens s’impose comme une métaphore de la fin de la civilisation, c’est un cauchemar nihiliste dont on ressort le regard un peu perdu et les mains tremblantes. Une expérience-limite que le réalisateur fait vivre aux spectateurs comme il l’a partagée avec ses comédiens, transformant les 30 jours de tournage en une sorte de happening en huis clos. Cloîtrée dans un studio de Winnipeg, l’équipe a tourné le film dans l’ordre chronologique des séquences, pratiquement sans sortir. L’isolement, un régime alimentaire drastique (« pas un seul vrai repas en un mois », témoignent les comédiens dans les suppléments du dvd) ont valu aux acteurs de se transformer jusqu’à devenir des silhouettes maigrichonnes et blafardes, fantomatiques. Une abnégation sans doute indispensable pour mener à bien le projet, dont le scénario ne repose pas vraiment sur une intrigue. The Divide (« La Division » ou « L’Opposition ») fait surtout état de la volonté de survie des personnages, dépeignant deux heures durant les rapports de force qui gouvernent le groupe.

Xavier Gens a laissé les coudées franches à son casting. Les comédiens se sont livrés à de nombreuses improvisations, construisant au jour le jour des parties entières du film. Milo Ventimiglia et Michael Eklund, habités par leurs personnages de salauds, sont sidérants ; Michael Biehn, Kyle Reese de légende, campe un ex-pompier, traumatisé par le 11-septembre, avec tout le charisme qu’on lui connaît … Difficile, enfin, de louer les prestations des acteurs sans accorder une mention spéciale à la revenante Rosanna Arquette, aujourd’hui plus discrète que sa sœur Patricia et qu’on n’avait plus vue sur le devant de la scène depuis un bout de temps. L’actrice, aussi belle qu’à l’époque du Grand Bleu, n’a pas craint de laisser quelques plumes en incarnant Marylin, au destin douloureux. Les épreuves endurées par le personnage auraient fait reculer bien des consœurs comédiennes à la notoriété équivalente, et Rosanna s’en tire avec tous les honneurs. Il y aurait de quoi briguer un Oscar du second rôle si ce genre de film extrême avait droit de cité dans la short list de la grand messe hollywoodienne.

The Divide sort dans trois éditions — dvd simple, blu-ray et édition collector blu-ray+dvd. Je ne chronique ici que la version dvd simple, celle arrivée sur mon bureau. Outre le film lui-même et les traditionnelles bandes annonces de l’éditeur, on trouve au menu de la galette deux modules « behind the scenes » et une scène coupée.

La première vidéo est un making-of de 25’. On y entrevoit le tournage de quelques scènes-clés, notamment l’arrivée des « Hazmats » dans l’abri antiatomique. Le documentaire est surtout l’occasion pour chaque comédien (sauf Rosanna, pourquoi ?) de présenter rapidement son personnage et faire part de son vécu sur The Divide (les entretiens ont manifestement été filmés en fin de tournage). Interviennent également les producteurs, les deux scénaristes Eron Sheean et Karl Muller et, bien sûr, Xavier Gens, s’amusant lui-même de son anglais très Maurice Chevalier, « wiz a strongue accente ». Sinon, pour l’ensemble du reportage, attention aux sous-titres, parsemés d’erreurs de traduction !

Le second module, très court (8’ à peine), s’intitule « Les Dérapages du tournage ». Y aurait-il eu des débordements violents sur le plateau, causés par l’atmosphère tendue du huis clos ? Mais non : ce supplément n’est autre qu’un bêtisier, pas toujours très drôle, du style à faire sourire ceux qui ont pris part à l’aventure du tournage, mais pas les spectateurs.

Quid de la scène coupée ? Rien de renversant : il s’agit d’un dialogue de 2 minutes, non mixé (c’est à dire sans bruitages d’ambiance), entre Josh (Milo Ventimiglia) et Adrian (Ashton Holmes). Josh fait à son frère le récit de sa courte expédition hors de l’abri en combinaison hazmat, en fin de premier acte.

Les deux autres éditions, blu-ray et collector blu-ray+dvd, sont plus riches en suppléments, que je n’ai pas vus mais en voici la liste :

— Xavier Gens, son parcours en tant que réalisateur (édition collector seulement)
— Courts métrages de Xavier Gens : Au petit matin, Born to Kast, Les incroyables aventures de Fusion Man (édition collector)
— De The Shelter à The Divide : interview de Xavier Gens
— Les effets spéciaux du film
— La musique de The Divide
— La préparation au financement
— Fin alternative
— Bande annonce

Et n’oubliez pas de lire notre entretien avec Xavier Gens, rencontré en janvier dernier au 19ème Festival de Gérardmer, où The Divide a été projeté en séance de clôture.



Dvd et blu-ray disponibles à partir du 1er juin 2012 (BAC Vidéo).