Edgar Allan Poe en vedette d’un thriller, à la poursuite d’un assassin psychopathe dans les rues de Baltimore. Un pitch séduisant sur le papier. Le scénario, signé Ben Livingston et Hannah Shakespeare, mélange quelques faits avérés de la fin de vie de Poe à une intrigue policière qui peine hélas à enthousiasmer.
Interprété par un John Cusack portant bouc et longs cheveux noirs (qui ne ressemble pas tellement au poète romancier mais comme un frère à Nicolas Cage), Poe s’apprête à épouser la blonde Emily (l’Anglaise Alice Eve, fadasse) alors que la ville est le théâtre de meurtres horribles, manifestement inspirés des écrits de l’auteur du Corbeau et du Cœur solitaire. La police fait appel à Poe pour l’aider à démasquer l’assassin, lequel s’en prend à Emily, enlevée un soir de bal costumé. Le tueur entame un jeu pervers avec l’écrivain : à chaque nouveau meurtre, il laissera sur la scène de crime des indices cryptés permettant à Poe de retrouver la trace de sa fiancée.
La traque prend un tour de jeu de piste macabre, mais l’intérêt ludique qu’on porte à l’affaire tourne court car Poe et son ami flic Reynolds (Luke Evans) ne mettent jamais longtemps à résoudre les énigmes qui leur sont imposées. On suit leurs déductions d’un œil un peu distrait. L’enquête a un mérite : remettre au premier plan les œuvres du grand Edgar, du coup abondamment citées. Un peu trop, même. Cusack ouvre souvent la bouche pour réciter des lignes entières tirées des nouvelles de Poe. Le procédé finit par devenir pesant et a tendance à réduire l’homme à son travail littéraire — considérable, il est vrai. Par ailleurs, le personnage tel qu’il est dépeint verse dans les clichés qu’on a tendance à accoler à l’écrivain, notamment son prétendu alcoolisme. Un vice qui, pourtant, n’entame en rien sa sagacité et ne l’empêche pas de cavaler revolver au poing pour sauver sa belle Emily…
Il est logique que le cinéma ait fini par rendre une telle dédicace à l’auteur américain, dont les œuvres ont inspiré des dizaines de longs métrages (et même un épisode d’Halloween des Simpson !). L’hommage est donc sincère, mais le film de James McTeigue (V for Vendetta) est loin de valoir, par exemple, le coup de génie de Nicholas Meyer mettant en scène, en 1979, un autre romancier illustre, H.G. Wells, poursuivant lui aussi un tueur en série, Jack l’Éventreur, grâce à sa machine à voyager dans le temps. C’était demain (en v.o. Time After Time) avait remporté un Grand Prix mérité au Festival d’Avoriaz, ce fut aussi un de mes tout premiers chocs cinématographiques. Pas dit que L’Ombre du mal produise en tel effet sur le public, fût-il jeune et vierge de tout frisson sur grand écran.
Sortie dans les salles françaises le 20 juin 2012.