C’est en passe de devenir une sorte de tradition : depuis maintenant deux ans, la cinéaste nord-catalane Natacha Thomas nous console de la rentrée en dévoilant sa nouvelle réalisation. Privilégiant encore — pour l’instant — le format court, après Red Tale (septembre 2017) et Blossom (09/2018), Natacha sort ce mois-ci de la salle de montage en portant au creux de sa main son nouveau bijou, j’ai nommé Alchemia. Le titre ne renvoie ni à l’héritage de Nicolas Flamel, ni à tout essai de transmutation métallique, mais à la réaction physique, psychologique se produisant entre deux êtres qui reconnaissent dans l’autre leur âme sœur.

Dans le cas d’un coup de foudre, tout semble limpide, simple, évident : les tourtereaux sont faits l’un pour l’autre. Cependant Natacha, cultivant toujours quelque idée plaisamment tordue et nourrissant un attrait sans faille pour les affaires d’amours compliquées, Natacha, dis-je, entreprend cette fois de relater, dans le style coloré orgiaque qui la caractérise, l’histoire d’un duo sentimental de tueurs en série. La femme (Leslie Carles) et l’homme (Iván González) s’adonnent ainsi à des préliminaires d’un genre particulier, partant ensemble à la rencontre d’une proie à la nuit tombée. La caméra cadre des objets à la symbolique riche de sens (les alliances identiques aux doigts des amants, le tranchant d’une lame effilée qu’ils se passent à tour de rôle), et les gouttes de sang, que les lumières du chef-op Nicholas Kent font scintiller, figurent autant de gemmes précieuses disséminées sur les pas du couple meurtrier.

Comme les œuvres précédentes de la réalisatrice, Alchemia est un film sans dialogue : le cinéma de Natacha est à vocation universelle, il se passe des mots et la bande son cède toute la place à la musique. Pas de tango, cette fois, mais une composition electro/synthwave toute en pulsations signée Grégory Semah, dont le rythme épouse à merveille celui du montage (à moins que ce ne soit l’inverse). Visuellement, le film est à la hauteur des précédents titres de Natacha Thomas, qui défend avec brio l’idée d’un cinéma français proposant une réelle expérience esthétique, en même temps qu’il aborde une question troublante et complexe (la rencontre des deux amants est perçue comme celle de « la mèche » et de « l’allumette », autrement dit la passion amoureuse sert de révélateur, de déclencheur à la folie meurtrière).

A-t-on une objection à ce spectacle ? Une, peut-être : la projection est cette fois très, très courte (à peine et exactement 2 minutes 57), et pour un regard non averti, le visionnement pourrait donner l’impression d’être face à une bande annonce, certes très sophistiquée. Partant, on pourrait envisager Alchemia sinon comme une ébauche, en tout cas comme le prélude à un projet de grand œuvre, à l’idéal d’un long métrage… On souhaite bien entendu à Natacha d’atteindre ce stade (si telle est son ambition). Une info supplémentaire sur le projet : de son propre aveu, Natacha Thomas a été inspirée à l’écriture par un couple français bien réel d’infâmes tueurs en série, à nous de deviner lequel…

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