Une sortie en salles au cœur de l’été n’était sans doute pas le meilleur traitement à accorder à ce biopic pluvieux en costumes dans lequel Elle Fanning prête ses traits à Mary Shelley. La vie et l’œuvre de l’auteure, à 19 ans, de Frankenstein ou le Prométhée moderne entre cependant en résonance parfaite avec le contexte actuel de fortes revendications féministes. Réalisé par Haifaa Al Mansour, officiellement première femme cinéaste saoudienne, Mary Shelley s’emploie à célébrer la force créatrice de la jeune romancière au sein d’une société anglaise prévictorienne qui faisait peu de cas des initiatives féminines, entre autres artistiques et littéraires.

Le récit démarre alors que Mary Wollstonecraft Godwin, 16 ans, vit encore avec son père et sa marâtre de belle-mère. William Godwin est éditeur et libraire, il a aussi commis des écrits politiques de tendance anarchiste en rupture avec l’esprit conservateur de l’Angleterre d’alors. La pensée progressiste de son père s’incarne dans le personnage de Mary, qui écrit elle aussi mais sans avoir encore trouvé son style ni sa voie. Sa rencontre et son histoire d’amour tumultueuse avec Percy Shelley, poète scandaleux qu’on qualifierait aujourd’hui de libertaire, sera déterminante.

Linéaire, le film ne renouvelle en aucune façon le genre convenu du biopic, il est trop long (deux heures) et se permet des arrangements avec la chronologie réelle des événements qui ont jalonné la vie de Mary. Mais à vrai dire, cela n’importe pas tant que ça : la genèse de Frankenstein est un sujet passionnant, et on guette la révélation des expériences et découvertes cruciales qui ont constitué les pierres de fondation du célèbre roman. Le script n’oublie aucune des séquences « à faire », telles que les rencontres romantiques au cimetière de Percy et Mary (sur la tombe de sa propre mère), et en seconde moitié de métrage survient le fameux défi littéraire lancé par le riche et fantasque Lord Byron à ses invités (écrire une « histoire de fantôme » pour tromper l’ennui d’un été trop humide sur les bords du Léman). On saisit fort bien la part de vécu que la romancière a investie, consciemment ou non, dans son histoire. Mary Shelley ne relate pas la totalité de la vie de l’auteure, il s’arrête à la publication en 1818 de son œuvre-phare, dans une première édition publiée anonymement (car il était impensable d’admettre qu’un récit gothique aussi noir que Frankenstein puisse être le fruit de l’imagination d’une jeune femme). Elle Fanning livre une superbe prestation en héroïne de conviction qui s’accroche à ses idéaux malgré les tourments (l’inconséquence de son compagnon, le manque d’argent et, surtout, la perte de son premier enfant). Face à elle, Douglas Booth, alias Percy, est un choix de casting plutôt convenu, le comédien devenant peu à peu un habitué des productions historiques en costumes 19ème-siècle (après les récents Orgueil et Préjugés et Zombies et Golem). Note aux fans de Game of Thrones : Maisie Williams figure elle aussi dans la distribution mais n’a qu’un rôle minuscule à défendre.

Dans les salles françaises le 8 août 2018.