Sur les fiches de films du site encyclopédique américain IMDb, il y a une rubrique que j’aime beaucoup, celle des « Plot Keywords », dans laquelle sont énumérés — sous forme de mots-clés, donc — les différents thèmes abordés dans les œuvres. Par exemple, dans le cas du formidable Skyfall, le dernier Bond, on trouve évidemment listés les thèmes « espionnage », « vengeance », « services secrets », mais aussi des éléments qui farfouillent un peu plus dans les détails du script comme « fille mystérieuse », « scène de séduction homosexuelle » (entre Craig et Javier Bardem, il faut voir ça !), « personnage atteint d’une balle dans la poitrine »… Le répertoire de thèmes est parfois long comme le bras, et je me demande bien comment ils font pour élaborer ces index (j’imagine une légion de mecs et de nanas chargés de visionner tous les films de la Terre un calepin à la main !). Sur la fiche de l’obscur Devil Seed, le titre qui nous intéresse ici (et dont je ne savais rien avant d’avoir entre les mains le dvd à chroniquer), le staff a recensé « possession démoniaque », « exorcisme », « référence à Robinson Crusoé » (ah bon ?) mais aussi des trucs assez intrigants comme « salope », « nudité féminine », « cunnilingus lesbien » et j’en passe. Merci IMDb, voilà de quoi motiver le rédacteur blasé par trop de séries B/Z à chroniquer. PLAY…

Devil Seed raconte l’histoire d’Alexandra, une étudiante qui, après les vacances d’été, revient dans sa ville universitaire, où elle emménage dans une petite maison avec ses deux colocataires, Jessica et Bree. La pauvre est triste car, loin de là, sa grand-mère se meurt d’un cancer. Les copines emmènent Alex se détendre en boîte, elles boivent un peu trop. Sur le chemin du retour, elles s’amusent à entrer dans l’échoppe d’une diseuse de bonne aventure qui a tôt fait de détecter une menace pesant sur l’héroïne. Le fait est que la nouvelle chambre d’Alex, dans la maison des filles, a été des années plus tôt le théâtre de faits diaboliques s’étant conclus par un « exorcisme » (nous y voici !). L’esprit malin est toujours dans le coin, il va enquiquiner la belle, au demeurant vierge et réticente de passer aux choses sérieuses avec Brian, son petit copain qui patiente, la quéquette en berne — officiellement — depuis deux ans.

Dans ses « Plot Keywords », IMDb lance des indices en évoquant un « sous-texte lesbien » : Alexandra se refuse-t-elle à Brian parce qu’elle est, sans se l’avouer, homosexuelle ? Ou bien est-elle frigide ? Ou alors nourrit-elle une peur panique du sexe, d’où cette métaphore qui s’impose comme une évidence : le démon du titre n’est autre que le grand méchant loup cher aux contes enfantins, ceux-là mêmes qui envoient des pucelles traverser de noires forêts (d’où, également, l’allusion à la grand-mère). Alex est bientôt visitée par une présence invisible qui se glisse sous ses draps et lui inflige de douloureuses griffures. Elle a des visions, se met à dessiner des crobards incompréhensibles, cabalistiques, raturant tous ses feuillets de cours sur « Robinson Crusoé ». Alors que, de son côté, sa camarade Jessica découvre la liaison entre le boyfriend Brian et Bree, l’autre coloc (une vraie « salope », toujours prompte à exposer sa « nudité féminine »), Alexandra mène à la B.U. les recherches indispensables pour remonter aux sources de son mal : ni une ni deux, elle est la victime d’un cas de « possession démoniaque ».

Jouant presque jusqu’au bout sur les deux niveaux de lecture possession réelle/fantasmée, Devil Seed constitue un effort méritoire de série B nourrissant l’ambition d’une certaine épaisseur. Même si l’association un poil réac démon+sexe n’a rien de novateur, c’est une bonne surprise car, avant visionnement, je n’aurais pas imaginé une seconde livrer pareille exégèse pour cette petite production canadienne. Seulement voilà : le film aurait pu s’avérer vraiment intéressant s’il avait bénéficié d’une mise en scène un peu plus inspirée, qui n’aurait pas discrédité le propos par des maladresses multiples. Car oui, le réalisateur Greg A. Sager, dont c’est le premier long métrage, a bien du mal à tirer profit de cette histoire à fort potentiel (comme on dit dans l’immobilier). Sager ne trouve pas souvent d’autre moyen pour effrayer l’auditoire que de faire circuler son héroïne dans des couloirs vides, où l’on est censé supputer un danger invisible. C’est pénible, tout autant que quelques scènes à suspense se soldant gauchement par un fondu au noir, comme si le cinéaste ne savait pas comment les conclure. Le dernier quart d’heure accuse des artifices ridicules pour représenter la réalité de la possession surnaturelle (tel un slide sur roulettes de la pauvre Alex dans le dos de sa copine Jess, ou encore des effets de maquillage low cost), et quant au trio d’actrices, elles sont mimi, mais elles ne jouent pas toujours juste et ne sont pas non plus très bien dirigées. Vous me direz, pour maintenir l’attention jusqu’au bout, il nous reste le cas sulfureux du « cunnilingus lesbien » inventorié par IMDb et qui n’arrive que dans les dernières minutes. Je vous en parle franchement ? Désolé, boys and girls, mais ça ne vaut vraiment pas le coup, vous allez être déçus… Jetez donc un œil sur le nullard Détour mortel 4, sorti le mois dernier et dont l’un des rares mérites est de proposer une friandise similaire dès le premier quart d’heure !

Dvd et blu-ray disponibles à partir du 6 novembre 2012 (Emylia).