Le sujet de la composition : « La science-fiction est-elle un genre propice à rendre compte des problèmes socio-économiques actuels ? » Prenez vos stylos, vous avez une heure trente !

Cette entrée en matière peut surprendre, pourtant la question est au cœur de Dark Skies, qui va sortir en juin dans les salles françaises. Le film de Scott Stewart (Priest, Légion) nous plonge dans le quotidien de la famille Barrett, pour qui la vie n’est pas rose : Daniel, le père, est à la recherche d’un emploi d’architecte après son licenciement ; les entretiens d’embauche se succèdent, sans résultat, tandis que les avis d’impayés des échéances de prêt immobilier s’empilent sur le bureau. L’avenir des siens dans le quartier résidentiel où il a acheté leur maison n’est plus garanti, et son épouse Lacy est au fait de ce genre de problème puisqu’elle-même travaille pour un agent immobilier. D’ailleurs, les ventes de biens stagnent depuis quelque temps, les acheteurs potentiels se font rares… Et voilà que des phénomènes troublants viennent chambouler l’existence déjà compliquée des Barrett : une présence étrangère — hostile ? — se met à visiter régulièrement, la nuit, la demeure de la famille. Au départ, rien de bien méchant, des objets sont déplacés, parfois disparaissent. Puis l’état physique général de Daniel, Lacy et de leurs deux enfants paraît se détériorer. Maux de tête, acouphènes, pertes de mémoire… jusqu’à d’étranges marques sur le corps du plus jeune fils. Ces Américains moyens seraient-ils devenus les sujets d’expériences de visiteurs extraterrestres ?

Le film joue sur deux niveaux de lecture. Les Barrett font état des intrusions nocturnes, mais ils n’arrivent pas à obtenir d’aide de la police, qui se désintéresse de leur cas, persuadée que leur problème ne vient pas de l’extérieur et se trouve au sein même du foyer. L’un des garçons, ou l’un des parents, perturbé par la situation précaire de la famille, se mettrait-il à perdre les pédales et souffrir de somnambulisme ? Installé par Daniel, un système de vidéosurveillance capte dans la maison la présence d’ombres noires furtives venant rôder autour des lits. Mais là encore, rien de précis : ces formes sombres pourraient très bien relever d’une mauvaise interprétation des images vidéo, d’une défaillance du matériel.

Dark Skies brosse avec un talent certain le portrait de la classe moyenne américaine, paupérisée, traumatisée par la fameuse crise des « subprimes » et par le spectre du déclassement social. La menace économique qui plane sur les Barrett est largement suffisante pour occasionner un haut niveau de stress et les symptômes somatiques qui en découlent, et les « cieux obscurs » du titre, s’ils peuvent se rapporter à un danger nocturne venu de l’espace, évoquent aussi bien l’horizon bouché d’Américains lambda en pleine panade financière. Alors, Dark Skies est-il réellement un récit de science-fiction ? Oui : une citation d’Arthur C. Clarke placée en exergue du métrage laisse penser que le réalisateur croit à l’histoire des Barrett, et que la famille fait bien l’objet d’une attention extraterrestre malveillante. L’apparition, dans le dernier tiers, de J.K. Simmons (J. Jonah Jameson dans les Spider-Man de Sam Raimi) en ermite théoricien de l’invasion spatiale oriente le film sur les rails de la série B purement S.F., dans la veine parano des X-Files, sauf que Mulder et Scully ne viendront pas aider les Barrett.

Au final, un bon film, certes peu spectaculaire (on n’est pas chez Michael Bay ni devant le pendant négatif de Rencontres du troisième type de Spielberg), mais angoissant et à la démarche honnête et rigoureuse. Enfin, l’interprétation, assurée par des quasi inconnus, s’avère excellente et suscite un vif sentiment d’empathie pour les pauvres héros de l’histoire.

 

Sortie dans les salles le 26 juin 2013.