Angela, une charmante jeune femme, est dérangée par la musique venant de l’appartement voisin. Alors qu’elle va demander aux occupants de baisser le son, elle est invitée à prendre part à une orgie par la maîtresse des lieux, Anna Maria, une voyante d’origine roumaine. Angela refuse mais reste troublée par les avances de cette femme d’allure mystérieuse. Elle retrouve Anna Maria peu de temps après sauvagement assassinée dans son appartement. Sur les lieux du crime, Angela tombe sur une sorte de boule de cristal, qui lui permet de voir l’avenir. Elle décide de fuir avec l’objet…

Après le célèbre Amer, voici Blackaria, une autre production française rendant hommage au giallo. Fervent adepte du genre, je ne peux que vous avouer mon émoi lorsque j’ai vu arriver sur mon bureau de chroniqueur le précieux dvd (ainsi que celui du film à sketches Ouvert 24/7, tous deux sortis chez le label Le Chat qui fume, jeune et dynamique maison d’édition et de production). Les coréalisateurs François Gaillard et Christophe Robin apparaissent dès qu’on a lancé le film, à l’occasion d’une courte présentation où, assis sur un canapé, ils déclarent avoir « pris un grand plaisir au cours du tournage » et souhaitent aux spectateurs d’en éprouver autant au cours du visionnage.

François et Christophe sont deux petits coquins qui prennent effectivement le plaisir (des yeux) très au sérieux… Blackaria apparaît comme un étonnant délire d’otakus friands de gore à l’italienne, de lingerie fine et de jolies poitrines, déployant à l’écran une vaste collection d’images érotiques ou macabres. La caméra épouse les pas de l’héroïne, Angela, toujours parée de hauts talons et d’émoustillants bas noirs. Entre deux passages sur le divan de son psy et confident Marco, où elle retrousse (innocemment ?) sa jupe, la belle s’emploie à maîtriser l’usage de sa trouvaille, la boule de cristal d’Anna Maria, ou plutôt des éclats de ladite boule, fracassée au sol, qu’elle a l’idée de faire retailler en verres de lunettes ! Dès qu’elle chausse les binocles magiques apparaissent des images de l’avenir ou du passé, autant de flashes pouvant lui permettre de percer le mystère de la mort de sa voisine, pour qui elle éprouvait une trouble attirance saphique.

Le béguin d’Angela pour sa voisine se concrétise à l’image par des fantasmes que les auteurs se plaisent à mettre en scène, notamment lors d’un arrêt devant le miroir d’un ascenseur. La jeune femme roule des patins langoureux à son propre reflet, s’imaginant qu’elle a en face d’elle Anna Maria. Impliquant un jeu sur les reflets, la séquence est superbement mise en scène et dégage une sensualité torride. Une manière adroite, également, de souligner le narcissisme prononcé d’Angela, personnage qui, au fil du métrage, apparaîtra de plus en plus opportuniste, et de moins en moins sympathique. La conclusion de cette scène onirique voit l’irruption d’un assassin masqué, ganté de cuir noir. Une prémonition funeste qui fait basculer le film dans l’univers « giallesco », le meurtrier sans visage armé d’un rasoir étant une silhouette indissociable du genre transalpin.

Bien sûr, Blackaria n’a pas que des qualités, et même si Gaillard et Robin, toujours en intro, déclarent avoir fait ce film « avec leurs tripes », ils n’en reconnaissent pas moins l’avoir produit « avec les moyens du bord », soit en totale indépendance, en semi-pro, avec un budget restreint. La tare principale du métrage est l’interprétation, très approximative (les dialogues récités rappellent les prestations d’acteurs des films de feu Jean Rollin), mais le film tient en haleine, grâce à une photo somptueuse (signée de la chef op’ Anna Naigeon, également interprète d’Anna Maria) et, impossible de le nier, grâce au charme presque intimidant de la comédienne Clara Vallet dans le rôle d’Angela (quelles jambes, et quelle bouche !). Les carences de budget, en revanche, n’excuseront pas une intrigue criminelle brouillonne et, au final, un peu pauvrette… Cette année, le duo de réalisateurs va récidiver en proposant un second long métrage, Last Caress, dont on espère le script plus abouti. Aucune date de sortie n’est encore fixée, mais un certain nombre de visuels sont disponibles sur le site officiel du film, révélant que les deux compères ont trouvé de nouvelles astuces de scénario pour filmer leurs copines comédiennes en porte-jarretelles. Qu’ils en soient d’ores et déjà remerciés !

Dvd disponible à la vente depuis le 2 novembre 2010 (Le Chat qui fume).

Image: 1.85, 16/9 compatible 4/3

Son: non précisé.

Durée: 71′

Suppléments: surprise ! Le dvd de Blackaria regorge littéralement de bonus, à savoir des entretiens avec les réalisateurs, avec Clara Vallet, Anna Naigeon et Aurélie Godefroy (l’Exécutrice rouge, en photo ci-dessus), ainsi qu’avec Double Dragon, le duo de compositeurs auteurs de la bande originale. Egalement proposés, un commentaire audio de Gaillard et Robin, des courts métrages (All Murder, All Fun, All Guts et Under The Blade) et la bande originale du film, carrément, sur un second disque (CD).