Le côté « revival eighties » commence à me lasser. La vague nous a apporté quelques bonnes choses ces dernières années (et on en a parlé sur Khimaira — Kung Fury, Turbo Kid), et aussi de beaux navets (Freaks of Nature, par exemple). Quoiqu’il en soit, cette sorte de fétichisme pour le cinéma des années 1980 me dépasse complètement : les films tournés à cette époque sont visibles aujourd’hui en DVD, et je ne vois pas l’intérêt de chercher à en copier le style pour faire « comme si » on était encore en 1984 ou 85. J’ai de plus vécu cette période, j’ai découvert en salles Terminator, Evil Dead 2, House, Gremlins, etc. Ce fut magnifique de voir sur grand écran des films comme ceux-là (maintenant certains de ces titres fileraient direct en vidéo), mais je ne cultive aucune nostalgie de l’époque car il y a eu depuis (et heureusement il y a encore) des œuvres excellentes à découvrir.

D’où ma perplexité face à ce second long métrage de François Simard, Anouk & Yoann-Karl Whissel (alias le collectif québécois « RKSS », auteurs en 2015 de Turbo Kid, cité plus haut). Comme l’annonce le titre, nous sommes donc au début des vacances d’été de 1984, dans une banlieue résidentielle typique des panoramas urbains américains. Le jeune Davey, 15 ans, n’est pas encore allé voir le fameux Gremlins de Joe Dante (sorti aux US en juin de cette année-là), occupé qu’il est à se faire de l’argent de poche en distribuant le journal dans les boîtes aux lettres de son quartier. Le soir, il se livre avec ses potes à des parties de cache-cache avec lampes-torches (ils appellent ça des « chasses à l’homme », c’est plus viril) et fantasme sur la belle Nikki, son ex-babysitter, qui vit juste en face et qu’il mate avec ses jumelles à la nuit tombée. Ce loisir n’est pas sans rappeler l’activité de voyeur de James Stewart dans Fenêtre sur cour, le chef-d’œuvre d’Hitchcock auquel Summer of ’84 emprunte d’ailleurs toute son intrigue : n’ayant jamais les yeux dans sa poche, Davey remarque un comportement insolite chez l’occupant de la maison d’à-côté, un agent de police du nom de Mackey. Se pourrait-il que ce citoyen respectable en uniforme soit le tueur en série qui, depuis des mois, fait disparaître les adolescents du coin ?

On ne mettra donc pas en avant l’originalité de l’histoire, d’autant qu’à plus d’un égard, Summer of ‘84 réveille aussi le souvenir de Disturbia (2007, en VF Paranoiak), déjà un remake en version ado de Rear Window. Cela dit, on comprend à la vision du film que les auteurs sont conscients de ces analogies et qu’ils ne s’en cachent pas. Le trio recycle le scénario hitchcockien pour explorer de fond en comble ce fameux décor de « suburbia » (The Burbs/Les Banlieusards, également signé Joe Dante en 1989, s’impose aussi en parent proche, de même que Fright Night) et faire revivre à l’image l’époque du milieu des années 1980. Outre les références explicites aux films du moment, rien ne semble manquer à cette reconstitution historique, ni les fringues, ni les véhicules… On repère aussi les combinés téléphoniques avec les cordons hélicoïdaux de six mètres de long, les caméras vidéo king size, les premières consoles de jeu Coleco… une multitude de détails « authentiques » qui tapent dans l’œil de façon ludique. Il n’empêche que l’ennui pointe souvent son vilain museau, la faute à l’intrigue rebattue et malgré une galerie de portraits finement croqués (l’interprétation est formidable). Une surprise de taille survient cependant en toute fin, sous la forme d’un basculement de ton radical qui vient nous cueillir à froid. Le dernier quart d’heure fait une croix sur les nombreux traits d’humour qui ont bercé l’audience depuis le début de la projo. Glaçante, la conclusion n’en est pas moins salutaire, elle témoigne de la patte indiscutable du trio de cinéastes et s’avère porteuse de riches prospectives quant à leurs œuvres à venir…

Après des présentations en début d’année au festival de Sundance et cet été à Montréal au festival Fantasia, Summer of ’84 est visible depuis quelques jours en VOD sur iTunes USA et Canada. Pas de date officielle de diffusion française.