Le début sent déjà à plein nez la manip démago prompte à tirer les larmes des bons Américains : en pleine bataille stellaire, George Kirk, jeune officier, est bombardé commandant de vaisseau suite au décès malencontreux du pacha. Il a tout juste le temps de faire évacuer l’équipage et sa femme en plein travail (mais qu’est-ce qu’elle fichait là, d’abord ?) avant de casser sa pipe seul au gouvernail. Le futur Capitaine James T. Kirk pousse ainsi ses premiers vagissements en capsule de sauvetage alors que son fier papa se sacrifie, avec force cuivres et violons, en allant bêtement se crasher contre les ennemis de la Fédération.

Je comprends qu’on puisse éprouver de la sympathie pour Star Trek, en tout cas pour la série télé originale créée dans les années 1960 par Gene Roddenberry, un fan de la chose spatiale qui demanda par testament que ses cendres soient dispersées dans le cosmos. Quoique… Au 21ème siècle, le ton de la série, d’un sérieux papal, la rigidité psychologique proverbiale du célèbre M. Spock ou encore les décors, costumes et trucages rudimentaires peuvent lasser. Mais voilà qu’arrive ce lifting opéré par J.J. Abrams, réalisateur et producteur vedette des séries Alias et Lost, devenu cinéaste avec le troisième volet de Mission: Impossible (2007).

Un lifting ou plutôt une cure de jouvence, puisque ce onzième opus sur grand écran de Randonnée dans les étoiles (eh oui, en français, voilà ce que ça donne, « Star Trek » !) propose de suivre les premiers hauts faits de Kirk, Spock, Uhura, Sulu, Chekov et McCoy. En guise de baptème du feu, cette troupe juvénile doit affronter un gigantesque vaisseau tenu par des destructeurs de planètes, tous vétus de noir, tatoués, mal rasés — ouh, les vilains ! Tiens, l’intrigue vous fait penser à celle des Chroniques de Riddick de David Twohy ? C’est aussi le cas pour moi, à tel point que j’en sois venu à fantasmer, au long des deux heures et quelques de métrage, sur l’apparition d’un Vin Diesel à lunettes fumées prêt à baffer cet équipage aux torses bombés, tous droits comme des I dans leurs bottes.

La conclusion, après moult péripéties pas toutes crédibles, voit bien sûr Jim Kirk accéder solennellement au rang de commandant de l’USS Enterprise. Les clés de la bécane lui sont remises devant une assemblée peignée en rangs d’oignons par un sage amiral en fauteuil roulant. Et le vétéran de transmettre au jeune loup, pour les générations à venir, les valeurs nobles de Starfleet… Et maman Kirk, alors ? Elle n’est même pas là pour écraser une larme sous sa voilette ! Non, vraiment, depuis les années 1960, la S.F. a changé, et après Alien et Blade Runner, après le diptyque Pitch Black/Riddick et, évidemment, Starship Troopers de Verhoeven, un tel spectacle n’est plus possible.