La machine à remakes hollywoodienne fonctionne aussi pour la télévision. Voici pour preuve cette nouvelle version de Rosemary’s Baby, récemment diffusée sur NBC, 46 ans après le célébrissime long métrage de Roman Polanski avec John Cassavetes et Mia Farrow. Le décor change : nous ne sommes plus à New York mais à Paris. Rosemary Woodhouse (Zoë Saldana), éprouvée par une fausse couche, et son mari Guy (Patrick J. Adams) quittent la Grosse Pomme pour s’installer près de la Sorbonne. Guy est un écrivain en panne d’inspiration, il brigue une chaire de littérature anglophone pour faire bouillir la marmite. De son côté, Rosemary fait la rencontre de Margaux et Roman Castevet (Carole Bouquet et Jason Isaacs), de grands bourgeois très attentionnés et sans enfant, qui se prennent d’affection pour le jeune couple. Bientôt, Margaux et Roman proposent aux Woodhouse de quitter leur taudis en cité U pour s’installer dans le luxueux immeuble (baptisé La Chimère, on ne peut que saluer l’idée !) dont ils sont propriétaires…

En 1968, Mia Farrow incarnait une Rosemary frêle, influençable, et qui, avant de tomber entre les griffes des satanistes Castevet, vivait déjà sous la coupe d’un mari plus âgé. Depuis, les héroïnes sur grand écran ont beaucoup changé, notamment celles du cinéma d’épouvante : Ellen Ripley a affronté les Aliens dans pas moins de quatre films, Sarah Connor a tenu tête au Terminator, Sidney/Neve Campbell ne s’est pas laissée découper par le tueur à capuche de Scream, etc. La liste des battantes s’allonge chaque année, d’où la surprise de voir cette histoire quasi anachronique, antiféministe, dont le personnage central est une femme au foyer n’ayant d’autre ambition que d’épauler son mari. Le couple est à court d’argent, pourtant Rosemary ne fait rien de ses journées sinon prendre des cours de… cuisine, qu’elle met à profit le soir venu pour faire plaisir à son homme ! Lorsqu’elle tombe à nouveau enceinte, elle se laisse prendre en charge en acceptant tout ce qui vient des Castevet — la fameuse potion aux herbes médicinales, le gynécologue réputé… Bien sûr, le scénario ne fait que respecter le récit d’origine, mais en 2014, un tel profil psychologique n’est plus recevable, et on se dit que même une héroïne de roman Harlequin se montrerait beaucoup plus combative.

S’agissant d’une histoire où plane l’ombre de Lucifer, il y avait pourtant matière à glisser des innovations importantes… et sulfureuses. Le téléfilm s’y risque un peu dans sa première moitié en introduisant un début de relation saphique entre Rosemary et Margaux, puis en suggérant de possibles rapports échangistes entre les deux couples-vedettes. Mais ces pistes sont abandonnées dès qu’est avérée la nouvelle grossesse de « Ro », l’œuvre de Satan en personne lors d’une messe noire présidée par les Castevet. Les péripéties imaginées par les scénaristes (Scott Abbott et James Wong, respectivement auteurs de La Reine des damnés et de Destination finale) donnent lieu à des scènes ridicules (entre autres, Rosemary enceinte bouffant du poulet cru — bonjour, salmonelle !) et une collection de vues de Paris virant au dépliant touristique (la caméra cadre Notre-Dame, les quais de Seine ou la Tour Eiffel dès que Rosemary met un pied dehors). Ajoutons enfin qu’à Lutèce, tout le monde parle anglais, les Castevet et leurs amis mais aussi les toubibs, les infirmières, les flics, concierges et curés.

Mis en scène par Agnieszka Holland, le film a été diffusé il y a quinze jours aux États-Unis sous la forme d’une minisérie de 2×85 minutes. Soit 4 heures de programme sur le network US, l’œuvre y étant saucissonnée par des pauses pub toutes les 20 minutes — voilà qui pénalise sérieusement le mystère ! On n’aura sans doute pas à en subir autant en France, où Rosemary & child ne manqueront pas de venir un de ces quatre pointer le bout de leur nez.