Nerve est adapté du roman éponyme (quoique sorti en France sous le titre Addict) de Jeanne Ryan, mais l’intrigue a tout l’air d’une version 3.0 — avec pléthore de smartphones, ordis et tablettes — du thriller 13 Sins de Daniel Stamm (lequel, déjà, était le remake de 13 Jeux de morts, film thaïlandais de 2006). On ne ressent donc pas une grande impression de nouveauté en suivant les malheurs de Vee (Emma Roberts), qui se laisse appâter par un jeu en ligne particulièrement tordu. « Nerve » (« le cran ») propose à ses joueurs de relever des défis en leur faisant miroiter une récompense financière. Les challenges sont, au départ, anodins — aller embrasser un inconnu, demander à essayer une robe de haute couture — mais très vite la mécanique perverse s’emballe en poussant les joueurs à se livrer à des actes de plus en plus fous, voire dangereux…

Le film d’Henry Joost et Ariel Schulman fait du pied aux ados qui ne peuvent pas se décrocher de leur téléphone portable. Les petits écrans tactiles sont quasi-omniprésents, y apparaissent les défis proposés aux « players » ainsi que le palmarès, actualisé en temps réel, des plus audacieux d’entre eux. Je ne dirai pas que l’engrenage ludique est en soi désagréable à suivre, mais l’enchaînement répétitif des défis finit quand même par lasser, surtout que la production dévoile assez vite ses limites : Nerve est un film tiédasse qui prend garde de ne jamais incommoder le jeune public visé et se contente d’aligner des paris idiots à la « Jackass » (genre rouler à 100 à l’heure les yeux bandés, se suspendre à une grue, etc.) alors qu’un scénario plus osé aurait imposé aux héros des dilemmes moraux où le choix de relever ou non un défi était à même de peser sur leur conscience. Mais non : le spectacle se déroule une heure trente durant, superficiel et inoffensif, dépourvu de toute violence, physique comme psychologique. Du point de vue de l’écriture, ce n’est pas non plus très bien foutu (le jeu en ligne, par nature, est planétaire, on dirait pourtant que seuls les New-Yorkais y jouent), mais le pire réside encore dans les personnages, tous jeunes et « trendy », et qui néanmoins font figure de vieux réacs conservateurs, à la poursuite effrénée du fric et de la reconnaissance sociale. Une idéologie désolante, des portraits désespérants. Quant à la morale de la fable, elle est d’une subversion digne d’un reportage du 13-Heures de TF1 (en substance : attention, Internet et les réseaux sociaux peuvent faire ressortir le mauvais côté des gens !). Pour une expérience autrement plus décapante, suivant un argument de départ semblable, on ne saurait trop vous conseiller — en plus de 13 Sins, cité plus haut — le terriblement grinçant Would You Rather, avec Jeffrey Combs, sorti il y a trois ans.

Film sorti le 24 août 2016 dans les salles françaises.