Les œuvres emblématiques des années 1980 sont plus que jamais en grâce avec cet étonnant projet de résurrection de Dark Crystal, le film d’animation avec marionnettes de Jim Henson et Frank Oz, Grand Prix du Festival d’Avoriaz en 1983. Soit plusieurs romans et une série TV (The Dark Crystal — Age of Resistance, 10 épisodes qui seront visibles prochainement sur Netflix) grâce auxquels nous allons nous replonger dans l’univers de fantasy des gracieux Gelflings, des Mystiques débonnaires et des machiavéliques Skeksès.

Sorti en librairie ce printemps, Les Ombres du Dark Crystal s’avère être non un prolongement du long métrage originel, mais une « prequel », relatant des événements très antérieurs à ceux du film de Jim Henson (décédé en 1990). Source de vie et d’harmonie dans le monde de Thra, le fameux Crystal est depuis des temps immémoriaux sous la bonne garde des seigneurs Skeksès. Mais voilà que dans les marais, dans les forêts, des animaux adoptent un comportement étrangement violent… Les veines du Crystal, qui irriguent la terre, ont pris une effrayante teinte violacée. Bref, quelque chose ne tourne plus rond, et des événements terribles, peut-être, se préparent, risquant de bouleverser à jamais l’équilibre de la planète.

Marqué par Dark Crystal dès son plus jeune âge, l’auteur du roman J.M. Lee a choisi, comme Jim Henson autrefois, de raconter son histoire du point de vue des Gelflings, peuple d’allure elfique. Le récit est celui de Naia, fille de la « Maudra » de son village (les Gelflings forment une société matriarcale), amenée à quitter pour la première fois de sa jeune vie le marais de Sog. Son jumeau Gurjin, au service des Skeksès au Château du Crystal, est accusé par ses maîtres de trahison. Pour plaider la cause de son frère, Naia se lance dans un long et dangereux périple.

Ce premier tome (le suivant, Le Chant du Dark Crystal, paraîtra en octobre) adopte un schéma classique de récit d’apprentissage. Naia, dont l’existence a été paisible dans le cocon de son village, va de découverte en découverte, fait des rencontres, trouve un ami et compagnon de route. Elle quitte l’enfance et doit ouvrir les yeux sur ce que la vie recèle de plus noir, les luttes de pouvoir, les mensonges, les faux-semblants… Il n’est pas dit que les lecteurs adultes déjà au fait de telles vicissitudes (et tous ceux coutumiers de longue date de la littérature de fantasy) trouvent les vingt-sept chapitres d’un intérêt égal. En revanche, les ados rêveurs ont toutes les chances d’être séduits par l’odyssée de Naia à travers le monde de Thra. Linguiste de formation, J.M. Lee a par ailleurs truffé son texte de néologismes qui rendent compte des traits les plus particuliers du monde du Crystal, ajoutant beaucoup au charme dépaysant de l’aventure. Pour les esprits éventuellement réfractaires à ce type d’invention, pas d’angoisse : une annexe et un glossaire, en fin de volume, apportent toutes les informations nécessaires pour ne pas être perdu.

Disponible en librairie depuis le 12 avril 2018.