Depuis la nuit des temps, au fin fond du Mexique, les esprits passent d’un monde à l’autre le jour de la Fête des Morts. Dans le village de San Angel, Manolo, un jeune rêveur tiraillé entre les attentes de sa famille et celles de son cœur, est mis au défi par les dieux. Afin de conquérir le cœur de sa bien-aimée Maria, il devra partir au-delà des mondes et affronter ses plus grandes peurs. Une aventure épique qui déterminera non seulement son sort, mais celui de tous ceux qui l’entourent.

Ce qui est sûr avec ce nouveau film d’animation, c’est que l’on est surpris! Surpris par l’univers choisi, mais aussi par l’humour assez adulte auquel on ne s’attend pas du tout.

Jorge Gutiérrez est un animateur phare de chez Nickelodeon qui signe ici son premier long-métrage soutenu par Guillermo del Toro comme producteur. C’est une première réussie pour le Mexicain qui nous propose un film haut en couleur, parsemé de références jusqu’alors jamais vues et d’un univers original.

Ça ne s’arrête jamais!

Le dynamisme du film est assez frappant, car en 1h35, pas le temps de vous ennuyer, notamment grâce un humour finement travaillé. Même les gags sont loin d’être enfantins et la mort y est traitée avec sérieux, bien que dédramatisée. On notera d’ailleurs la culture mexicaine autour de la mort, présentée de façon beaucoup plus gaie que par chez nous avec un vrai respect des ancêtres. L’au-delà des Mexicains est un endroit où on fait la fête avec ceux qui nous sont chers. Ici on danse, on ne se repose pas!

On pourra reprocher à La légende de Manolo un peu la même chose qu’à son homologue aussi réussi Les Boxtrolls, le manque d’émotion. Car on ne sent jamais réellement les personnages en danger et l’on est vite sûr que Manolo va devenir le grand héros de l’histoire. La fin assez prévisible avec un matraquage final du message vraiment dommage et le manque de travail dans les émotions restent cependant les deux seuls points négatifs du film.

Tous les personnages sont uniformément travaillés et surtout leurs relations très claires du début à la fin. On assiste à deux intrigues finalement: le pari entre les deux divinités amantes La Muerte et Xibalba puis sur terre le face à face entre Manolo et Joachin pour obtenir la main de Maria. La Muerte et Xibalba sont deux incroyables personnages entretenant une relation complexe basée à la fois sur l’amour et le rejet.

La Muerte est magnifique, un brin coquine avec toujours un bon mot pour ses morts qu’elle veille avec soin et Xibalba n’est pas travaillé comme un antagoniste typique. Il est finalement assez drôle et complètement raide dingue de la Muerte tout en lui refusant la primeur de gagner. Finalement, les deux jouent avec les humains et créent parfois des problèmes. Ce pari, c’est un peu pour pimenter leur vie de couple et on comprend qu’ils l’ont déjà fait avant!

Au niveau humains, Manolo et Joachin se font face. Les deux amis ainsi que leur amour de jeunesse Maria, tout comme le père de Manolo, sa grand-mère ou encore le général, père de Maria sont extrêmement maîtrisés. Les auteurs ont pris soin de brosser leur portrait dès le départ avec des traits de caractère précis nous permettant d’identifier très vite les archétypes de l’histoire: le doux rêveur, le chevalier au grand cœur, le père poule et le père dérangé ou encore la jolie aventurière qui ne mâche pas ses mots. Ça parait un peu simple ainsi, mais la construction de l’intrigue et l’évolution des personnages étant très structurées, tout ceci colle à la perfection.

Surprise à la fin de découvrir Channing Tatum doubler Joachin! La voix de l’acteur est méconnaissable et comme tout le reste du casting (Ron Perlman en Xibalba ou Zoe Zaldana en Maria), il incarne vraiment son personnage.

Maria répond directement au personnage de la Muerte, car elle est finalement exactement comme la divinité: une jeune fille volontaire, un peu coquine et qui ne se laisse pas faire par les hommes. Maria est attachante; elle nous rappelle un peu nous, les filles. Sorte de bonne copine rigolote, mais décidée, la jeune fille est une belle figure pour les jeunes spectatrices, bien différentes des princesses habituelles. Car Maria n’est pas une princesse justement, elle est fille de général dans une petite ville perdue à la merci des bandits depuis des générations. Maria est juste une jeune fille cultivée et intelligente qui prend sa vie en main.

Les auteurs ont pris soin de travailler leurs personnages pour que nous nous attachions à tous. Ainsi, même si Manolo est le héros, on suit avec plaisir l’évolution de Joachin notamment et sa relation à l’héroïsme. Son égocentrisme originel et son besoin de reconnaissance laissent place à une véritable découverte de son amitié partagée avec Manolo. Il lui reconnaît alors ses véritables qualités et comprend finalement Maria qui n’a rien d’une petite femme tranquille.

Concernant thèmes et messages justement, Jorge Gutierez ne lésine pas sur un scénario soutenu par de véritables valeurs sans trop en rajouter. On comprend facilement les enjeux et ce qu’il cherche à nous dire notamment sur notre relation à la mort et à nos ancêtres; un thème récurrent pendant tout le film (la grand-mère, les ancêtres de Manolo, sa mère…). La question du destin est également beaucoup abordée à savoir sommes-nous prédestinés à accomplir la tâche commencée par nos ancêtres? Un sujet important pour la cible visée quand on connaît la pression imposée aux enfants concernant leur futur.

La BO est GÉNIALE avec de nombreuses reprises version spanish qui participent à l’humour. Quant aux thèmes musicaux, ils sont toujours en adéquation avec les scènes et contribuent à l’émerveillement général procuré par le film.

Un univers haut en couleur

La Légende de Manolo offre aux spectateurs un univers magistral, magnifiquement coloré, mais pas que. Le design des personnages est assez original et le choix de l’effet marionnette pour conter l’histoire marche très bien.

Les décors sont époustouflants et l’on voit du monde des morts juste suffisamment pour être émerveillé, mais sans surcharge de plans.

 

Les traditions et le folklore mexicain sont bien représentés avec des divinités jamais vues et un conte au final différent de ce que l’on a l’habitude d’entendre. On se rend alors compte de la richesse de cette culture et le film permettra aux enfants de la découvrir non pas en profondeur, mais d’avoir plus qu’un bel aperçu pour aller ensuite glaner d’autres informations. 

CONCLUSION

La légende de Manolo est un superbe film d’animation produit par un Del Toro qui a eu du nez et un animateur jusque-là inconnu que l’on a envie de voir travaillé sur d’autres projets d’aussi belle envergure. A voir absolument!