Khimaira : Stéphane, pour ceux qui n’ont pas la chance de te connaître, peux-tu nous parler de toi et de ton parcours ?

Stéphane Galas : Bonjour Khimaira ! Merci de votre invitation. Je m’appelle Stéphane Galas. J’ai 49 ans. Je suis originaire de Longwy (Lorraine). J’ai d’abord gravité dans le milieu des arts graphiques jusqu’à ce qu’un concours de scénario bouleverse ma vie. Le texte que j’ai écrit a retenu l’attention de la réalisatrice Marion Vernoux qui en a fait un magnifique court-métrage : Dedans, avec Eric Caravaca. Grâce à ce film j’ai pu me présenter au concours d’entrée du Conservatoire Européen d’Écriture Audiovisuelle et depuis, je n’ai plus arrêté d’écrire. Ce que je faisais, en réalité, depuis gamin, mais sans jamais avoir imaginé que j’allais un jour pouvoir en vivre.

K : « Un signe d’elle » est ton premier roman. Comment est-il né ? Qu’est-ce qui t’a poussé à prendre la plume ?

SG : Je suis arrivé aux États-Unis totalement désabusé, fatigué, lessivé par la difficulté et les aléas du métier de scénariste. Avez-vous entendu Caroline Bongrand, la scénariste du film « Eiffel » sur Kombini ? Ce qu’elle raconte n’est pas rare. C’est un métier où l’on rencontre des gens formidables, des producteurs, des réalisateurs, des artistes inspirants mais où chaque projet est un combat à porter. De mon côté, après 16 ans de montagnes russes, j’étais arrivé au bout de ce que je pouvais encaisser. Mais une fois installé à Boston, rapidement, mon nouvel environnement m’a inspiré. J’étais en Nouvelle-Angleterre, sur les terres de Stephen King, d’Edgar Allan Poe, de H. P. Lovecraft, ces auteurs qui m’ont donné le goût de l’imaginaire et j’y ai vu un signe. Alors bien sûr, les signes ne sont que des bouées de sauvetage que l’on repère très consciemment autour de nous pour nous aider à rester à flot. Mais le savoir n’enlève rien à leur utilité. Je me suis accroché à cette idée et malgré l’appréhension, je me suis lancé dans l’écriture de mon premier roman, une envie que j’avais depuis si longtemps sans oser le faire. J’ai beau avoir écrit des dizaines et des dizaines de synopsis, de développements, de scénarios, écrire un livre, c’est autre chose. C’est un objet fini qui existe par et pour lui-même. Un scénario, c’est un outil de travail, un document de référence dans lequel le réalisateur, les comédiens, les techniciens puisent les informations dont ils ont besoin pour en faire un autre objet. Un scénario, c’est une passerelle, un pont vers une autre forme. Un roman, c’est une rencontre à chaque fois unique entre un texte et un lecteur, une lectrice. C’est une mise en relation intime et directe. Le texte et le lecteur se regardent droit dans les yeux, sans artifice. Un loupé et c’est terminé. C’est d’autant plus vrai quand on se lance dans un page-turner.

K : Peux-tu nous dire quelques mots de l’intrigue ?

SG : Nous sommes avec deux adolescents amoureux fous. Stella et Niels. Stella se dit que l’amour finit toujours par s’épuiser alors elle propose à son petit ami de sceller leur destin en se suicidant ensemble. Niels accepte mais Stella sent bien qu’il pourrait flancher alors elle prévient : « Si je me retrouve seule de l’autre côté alors je reviendrai d’entre les morts et je te pourrirai la vie jusqu’à ce que tu me rejoignes ». Au moment de sauter, Niels renonce. Stella est la seule à s’écraser sur le bitume, au pied de son immeuble. Bouffé par la culpabilité, Niels garde secret ce pacte brisé. 15 ans plus tard, un message apparait sur la buée d’un miroir : « Tu as promis ». Niels en est persuadé, Stella est de retour.

K : « Un signe d’elle » est un récit qui mêle polar et paranormal. Pourquoi choisir ces thématiques ? Qu’avais-tu envie d’aborder dans ce roman ?

SG : Un signe d’elle était à l’origine un projet de scénario, sous la forme d’un développement d’une vingtaine de page. Tous les producteurs qui l’ont lu m’ont dit : « C’est une histoire dingue et très originale mais je ne vois vraiment pas à qui je pourrais la proposer. Seuls les américains savent réaliser des films comme ça ». On était en 2008. Aujourd’hui, on ne m’aurait certainement pas répondu la même chose. J’ai tenté de le présenter à nouveau quelques années plus tard, en 2014 je crois, en y associant Guy Edouin, un ami réalisateur dont j’adore le travail, ses cadres précis d’une beauté plastique incroyable, sa direction d’acteurs. Mais ça n’a pas pris. En arrivant à Boston, j’ai ressorti du fond de mon tiroir ce texte auquel je croyais beaucoup et je me suis mis à bosser dessus, à l’amplifier, pour en faire un roman. J’ai toujours aimé l’idée du puzzle, du jeu. J’aime surprendre avec des personnages borderline, révélés par leurs fêlures. Et j’aime le fantastique parce que c’est un genre qui permet de poser des différents niveaux de lecture. Tu traites d’un sujet mais tu le dissimules sous la peur, le suspense. Aux lecteurs de capter le sous texte. Je crois au pouvoir réparateur et éclairant de la fiction. Alors pourquoi une histoire de fantôme ? Un fantôme, c’est ce qu’il reste d’une personne après sa mort, une image d’elle, sa représentation. Un signe d’elle parle justement des représentations sociales, de ces stéréotypes, ancrés en nous, qui sont comme des carcans qui nous empêchent d’atteindre ce que nous sommes, de découvrir réellement les autres, de les accepter tels qu’ils sont. La quête d’identité, c’est vraiment la thématique qui parcourt tout mon travail.

K : Quelles ont été tes inspirations et tes influences ?

SG : Ce n’est pas très original mais j’ai beaucoup pensé à Stephen King en écrivant. Cet auteur m’a remué un nombre incalculable de fois. On le sait bien mais, ce qui intéresse King avant tout, c’est la fresque humaine, c’est l’idée de disséquer au scalpel nos faiblesses, nos lâchetés, nos travers et nos angoisses. King se délecte de nos traumas. C’est un incroyable conteur de l’âme humaine. Et en plus de ça, il a cette capacité incroyable de trouver, et ce depuis des décennies, des postulats de départ incroyablement efficaces qui promettent aux lecteurs de grandes histoires. Trois lignes et ça t’embarque. Vraiment, son nom de famille lui va comme un gant (un gant de cuir noir tâché de sang). Un signe d’elle se positionne dans cette lignée, une histoire « catchy » et des personnages intrigants, attachants. Un peu partout dans le texte, je me suis aussi amusé à glisser des tas de clin d’œil, des références aux livres, films, séries horrifiques que j’adore. Enfin, Amanda est un hommage au personnage de Tangina Barrons jouée par Zelda Rubinstein. Poltergeist, c’est ma madeleine de Proust. Spielberg en est le scénariste et il était au sommet de son art. Tout y est parfait. Magique et oppressant.

K : Tu travailles aussi comme scénariste et documentariste. Est-ce que cela a influencé ton écriture, ta façon de travailler ?

SG : Certainement. Je crois que cela se sent surtout au niveau du rythme, du découpage et de l’action, très cinématographique. Peut-être aussi dans la façon de démarrer chaque chapitre au plus près du cœur de la scène. Pour autant, je me suis aussi frotté à l’exploration des sentiments d’une façon très littéraire, à la possibilité qu’offre le roman d’entrer dans la tête d’un personnage et de suivre le fil de ses pensées. Ce qui est très difficile au cinéma sauf utilisation d’une voix-off.

K : Aimerais-tu adapter ton roman pour le cinéma ou la télévision ?

SG : Ce serait génial si un producteur, réalisateur ou scénariste souhaitait adapter le roman à l’écran. Néanmoins, je ne suis pas sûr de vouloir m’impliquer personnellement dans le travail d’adaptation. L’idée de travailler à nouveau sur cette histoire pendant six mois ou un an, alors que je la connais tellement bien, ne m’emballerait pas vraiment. Je suis actuellement sur l’écriture de mon second roman et cette histoire toute neuve m’électrise. J’ai envie de la pousser à son maximum, d’en tirer le meilleur et pour ça, il faut être à 200% dessus.

K : Tu vis à Boston. Est-ce que la vie d’auteur/artiste est plus facile là-bas qu’en France ?

SG : La différence majeure, c’est, je crois, la facilité avec laquelle tu peux créer des liens, des connections. Les américains sont toujours partants pour te rencontrer, te lire, t’écouter, te donner une chance. Aux States, on te respectera, quel que soit le niveau où tu te situes dans le milieu artistique auquel tu appartiens. L’important c’est de faire, de produire. Chacun est vu comme une réussite en devenir. Et si tu es convaincant, alors on t’aidera et on te proposera des choses. C’est une question de regard posé sur les artistes.

K : Quels sont tes projets ? Sur quoi travailles-tu ?

SG : Mon deuxième roman. Un scénario de film d’horreur écrit en anglais et que je vais bientôt faire lire. Je croise les doigts. Une nouvelle série de Podcasts pour l’application Linguistica 360 basée à Boston. Et mon troisième EP. Je suis aussi musicien.

K : Qu’est-ce que tu aimerais que les lecteurs retiennent de cette histoire ?

SG : Du plaisir. Un grand plaisir de lecture. Ça voudrait dire que j’ai atteint mon objectif. On attend du fantastique comme du polar une expérience sensorielle : la peur, le suspense, la surprise, de l’empathie ou de l’aversion pour les personnages, bref, des émotions. Ce que tu ressens doit être organique et cérébral. J’aimerais aussi qu’ils leur soient arrivés après une scène, une réplique, de se mettre à penser, à questionner, leurs représentations sociales.

K : Tu es également compositeur/interprète. Comment es-tu venu à la musique ?

SG : Grâce à Kevin Conrad, un musicien, un ingénieur du son, un passionné de musique. Il a écouté ce que je faisais, c’était tout en Beat-Box, et il m’a dit : « Ne laisse pas ça sur ton disque dur, essaie d’en faire quelque chose. Si tu veux, je peux t’aider. ». Je n’oublierai jamais cette main tendue, sa générosité.

C’était bouleversant parce que la musique, c’est la deuxième chose la plus importante dans ma vie artistique.

K : Tu as commencé tes études dans la publicité et l’illustration. Est-ce que cela t’a aidé dans ta carrière ?

SG : Complètement. L’image est au centre de tout. Quand j’écris, je vois les scènes. Par exemple, j’ai besoin de travailler la couverture du roman que j’écris. Pas forcément pour la proposer et qu’elle devienne la couverture, mais parce que ça m’aide à construire l’ambiance, l’atmosphère du livre. J’écoute aussi beaucoup de musique en écrivant. Des B.O. de films. Des artistes comme Ólafur Arnalds. D’ailleurs, en parlant de couverture, je vous encourage a jeté un œil sur le travail de Federico Bebber. Il nous a aimablement permis d’utiliser une de ses œuvres pour en faire la couverture du roman. C’est un artiste incroyable, qui a aussi illustré le livre de Stephen et Owen King « Sleeping Beauties ». Ça me rend dingo de joie quand j’y pense. Je dois me pincer pour y croire.

K : Pourrons-nous te rencontrer en France dans les mois à venir ?

SG : Oui, je rentre en France cet été. J’ai hâte de revoir ma famille, les amis. Et j’ai, pour le moment, deux séances de signatures prévues. Une le 28 août à Auchan, Mont-Saint-Martin, à partir de 15h et une autre en région parisienne à Varennes-sur-Seine, au centre commercial du Bréau, centre culturel Édouard Leclerc, à partir de 14h. J’espère être aussi invité par des librairies indépendantes lors de mes passages à Longwy, Metz, Strasbourg, Grenoble, Marseille et Paris…. À bon entendeur. On ne sait jamais. (Rires)

K : Encore bravo pour ton parcours personnel et artistique et merci d’avoir répondu à nos questions.