Esther a l’air d’un petit ange aux cheveux noirs, elle a de la répartie, beaucoup d’imagination, elle sait peindre avec talent et elle a en plus d’excellentes manières. A se demander pourquoi l’orpheline n’a pas été adoptée plus tôt. Incapables de faire le deuil de leur troisième enfant, mort-né, John et Kate Coleman accueillent la gamine dans leur famille…

Esther (Orphan en v.o.) est un peu énervant. Non pas que le film ne soit pas bon, car il l’est, mais il vient surtout après Joshua de George Ratliffe, suspense brillant à l’argument comparable, sorti il y a deux ans dans l’indifférence générale. Joshua était un enfant de 9 ans supérieurement intelligent qui entreprenait de façon méthodique — et à dessein — de détruire sa famille. Esther a le même âge, et c’est un monstre de perversité qui se lance elle aussi dans un travail de sape, rongeant sa famille d’adoption tel un cancer. Les deux productions sont bien sûr indépendantes, mais la similitude est d’autant plus frappante que le personnage de la mère de famille est interprété, dans l’un et l’autre film, par la même comédienne, Vera Farmiga.

"Pour qu’un film soit réussi, il faut que le "méchant" soit réussi". La citation d’Hitchcock est célèbre et, de ce point de vue, Esther atteint son but : la petite brune est une calamité qu’on s’empresse de détester. Ses manoeuvres cruelles font grimper la tension et on se prend vite de pitié pour la petite famille d’accueil, tout particulièrement pour le personnage de Maxine, 5 ans, la fille du couple, toute mignonne mais atteinte de surdité. Manipulatrice experte, Esther en fait la complice de ses méfaits et, partant, ravage psychologiquement la fillette. C’est de loin l’aspect le plus noir du film, et le plus troublant. Le reste, il faut le reconnaître, est moins subtil, surtout le final, très hollywoodien dans sa manière de sortir la grosse artillerie pour faire bondir le spectateur (on n’a droit en fait qu’à un bête jeu de cache-cache avec bagarre et rebondissements téléphonés comme on en a déjà vu cent fois dans ce genre de film).

Visible ci-dessous, la bande annonce lance un défi au public : "Jamais vous ne devinerez son secret". Alors attendez-vous à des révélations frappantes sur la peste à couettes dans la dernière bobine. Une chute en effet originale, inattendue comme doivent l’être tous les twists, et pourtant légèrement frustrante car elle permet aux scénaristes de se défiler sans aller au bout de leur sujet, le portrait d’un enfant pervers. Un peu dommage, mais ça n’empêchera pas la plupart des spectateurs de sortir un peu chamboulés de la salle. Sorti pendant les vacances, Esther va sans doute trouver son public. On ne peut que s’en réjouir, même si on en aurait souhaité autant à Joshua