Pour le backpacker hollywoodien, le monde au-delà des USA s’étend tel un territoire de croyances barbares, de rituels macabres, où on ne pose ses bagages que pour affronter terreurs et maléfices… Qu’on se souvienne : Le Loup-Garou de Londres n’est pas un lycanthrope british, mais un touriste américain découvrant les mauvais côtés de la lande anglaise les soirs de pleine lune ; dans Hostel d’Eli Roth, ce sont trois étudiants d’outre-Atlantique qui, en virée en Europe de l’Est, échouent dans une effroyable maison des tortures. En Espagne, les ricains chopent la rage (Summer Camp), en Allemagne on les change en mille-pattes (The Human Centipede), au Canada en morse (Tusk) tandis qu’au Japon des fantômes les traquent dans les bois (The Forest). Achevons ce bref tour d’horizon avec The Door, sorti en salles l’an dernier, où l’Inde et ses temples hindous sont le théâtre des malheurs surnaturels d’un couple d’expatriés qui auraient été inspirés eux aussi de rester chez l’Oncle Sam…

« U.S. stay home! » semblent crier à leur tour cette année, à titre d’avertissement, Ghost House et Temple, deux productions bis où de nouveaux infortunés voyageurs découvrent l’horreur loin de New York, L.A. ou Chicago. Dans Ghost House, le refuge en ambassade ou le rapatriement sanitaire ne seraient d’aucun secours à Julie (Scout Taylor-Compton), en pleine exploration de Bangkok avec son futur époux. Les tourtereaux vivent un bonheur de vacanciers sans nuage jusqu’à ce qu’un geste indélicat de la pauvre Julie suffise à la rendre coupable de profanation d’une « maison aux esprits ». Ces drôles de petits autels pullulent en Thaïlande, et servent de réceptacles à moult esprits plus ou moins taquins. Celui dérangé par l’héroïne est de la pire eau, il s’agit du spectre d’une Japonaise jadis cocufiée par son mari thaï, et qui passa de vie à trépas dans de tragiques circonstances. Les apparitions répétées de l’horrible et griffue Watabe (le nom du fantôme) menacent de faire plonger la malheureuse touriste dans l’abîme de la folie, ou pire encore. Vite, pour la sauver le courageux fiancé Jim ne dispose que de trois jours. Passé ce délai, il aura perdu à jamais l’élue de son cœur.

« Aux États-Unis, on ne risque pas de croiser des spectres dans les rayons de WalMart ; ici, c’est une autre histoire », prévient, dans le film, un pseudo-chaman qui rend compte d’une réalité toute thaïlandaise : on n’ira pas jusqu’à affirmer sans détour que les fantômes peuplent le pays au même titre que les Thaïs bien portants, mais la culture traditionnelle de ce coin du monde accorde, c’est un fait, une part importante au monde des esprits (les légendes populaires abondent impliquant des apparitions horribles de personnages décapités tenant leur tête sous le bras, ou de parturientes mortes en couches que le ressentiment pousse à revenir harceler les vivants). Les scénaristes de Ghost House se sont sûrement frotté les mains en s’inspirant à plaisir de cette collection de spécimens morbides, sans éviter hélas de s’appuyer aussi sur des silhouettes-clichés déjà convoquées dans maints films de hantise folklorique (vieilles paysannes affolées, moines mutiques e tutti quanti). Mais ce bon petit divertissement horrifique se suit néanmoins sans aucun déplaisir, porté notamment par un rythme soutenu et une direction artistique soignée qui exploite à bon escient le cachet des décors locaux, naturels comme urbains. Une jolie séquence sur l’eau, filmée dans la brume et la grisaille du petit matin, se distingue par sa sobriété poétique autant que funèbre.

Les globe-trotters de Temple de Michael Barrett s’aventurent un peu plus à l’Est, direction le Japon, où les attend une série de lieux de cultes traditionnels à visiter. C’est en tout cas l’ambition de Kate, une thésarde qui planche sur les mythes, les légendes, la religion. L’accompagnent son petit copain James, pas très sympathique, et un ami d’enfance, Christopher. Loin des circuits des tour-operators et des recommandations du Guide du Routard, le trio commence son périple à la recherche d’un temple en pleine forêt, à proximité d’un minuscule village et d’une carrière désaffectée. Ils apprennent qu’une demi-douzaine d’enfants disparut là des années plus tôt, et qu’un moine-ermite habitant les lieux endura la vengeance de la population.

Temple présente un triangle amoureux assez singulier, dont les tergiversations sont presque plus intéressantes que l’intrigue fantastique. Entre ses deux hommes — le fiancé officiel et le confident au regard doux —, la jolie Kate (une certaine Natalia Warner, regard et sourire XXL) joue la carte de l’ambivalence. Elle couche avec l’un, partage des secrets avec l’autre, on se demande bien ce qu’elle cherche en déambulant en leur compagnie à l’autre bout du monde. Au contraire de Ghost House, le fantastique de Temple surgit non pas de manière frontale, en exhibant des spectres tels des monstres prédateurs, mais en suggérant que les fantômes (qui vont apparaître à proximité du temple, et peut-être même avant) hantent surtout l’esprit d’un des trois protagonistes, voire de deux. Une approche à la Todorov (semblable à celle de The Forest, cité plus haut), où l’étrange domine, où il est impossible de déterminer, dans les séquences de trouille, ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. La fin un peu gauche, où d’inutiles flashbacks explicatifs font office de « twist » et succèdent à une errance longuette dans des souterrains, ne rend pas tellement justice à cette approche subtile. C’est dommage.

Ghost House est sorti il y a quinze jours aux États-Unis, Temple il y a tout juste une semaine. Gardons l’œil ouvert pour guetter l’arrivée en France de l’un ou l’autre métrage dans les rayonnages de DVD…

Ghost House (2017) de Rich Ragsdale, avec Scout Taylor-Compton, James Landry Hébert, Michael S. New, Mark Boone Jr, Russel Geoffrey Banks, Wen-Chu Yang… Durée : 1h29.

Temple (2017) de Michael Barrett, avec Natalia Warner, Logan Huffman, Brandon Sklenar, Naoto Takenaka, Asahi Uchida… Durée : 1h18.