L’Appel de Cthulhu est réputé pour ses campagnes, qui constituent le coeur de ce jeu, bien avant les personnages ou le contexte. Les Masques de Nyarlatothep est sans aucun doute la plus mythique, mais elle occulte de nombreuses autres campagnes de qualité parues à la même période. Les Ombres de Yog-Shotot en font parties. Plus de raison cependant de l’ignorer, puisque Sans Détour offre aux joueurs francophones le plaisir d’une nouvelle édition !

Difficile d’aborder l’intrigue sans trop en dévoiler. Disons que les PJ seront amenés à découvrir progressivement les ramifications d’une nouvelle organisation occulte. Si tout démarre aux USA, ils seront vite emmenés en Écosse, en Californie et même jusqu’à la cité de Rlyeh. Cette structure marche clairement mieux si des interludes sans rapport direct avec la campagne sont intercalés entre les premiers scénarios de la campagne. D’autant plus que les trois premières aventures ont une structure quasi identique, voir le même un décorum pour les deux premières. Jouées à la suite, cette redondance passera difficilement inaperçue.

Interlude : cela aurait pu être le rôle des deux aventures supplémentaires fournies en annexe. Hélas, celles-ci, assez courtes, sont plutôt conçues pour faire de l’initiation et ne se déroulent même pas sur le même continent. Leur intérêt n’est pas en cause, mais plutôt la plus-value de les avoir inclus dans un supplément avec lequel ils n’entretiennent guère de lien.

Après un démarrage très enquête, tout s’accélère avec la deuxième moitié de la campagne qui prend un tournant aventure/action bien marqué et voit les PJ enchaîner les situations impossibles. L’introduction le clame d’ailleurs haut et fort, comme un gage de qualité : les Ombres est une campagne meurtrière. Cette conception, très spécifique à l’Appel de Cthulhu (quel autre jeu peut prétendre faire aussi peu de cas des PJ ?), est largement marquée par l’époque de sa conception – il y a plus de vingt ans, tout de même. Celle-ci se retrouve dans toute la structure de la campagne et des scénarios, assez datée.

Ce n’est pas que l’ensemble soit complètement mauvais ; si le MJ arrive à apprivoiser son côté très ouvert – l’organisation très claire du supplément facilite la tâche, même si dans l’idéal il manque un index et quelques aides de jeu – il y a sûrement de quoi en tirer quelques loooongues séances mémorables (en raison de ce côté très ouvert, la taille de l’ouvrage n’est pas représentatif de la durée de la campagne, plus longue que ce que laisse supposer sa pagination). Mais l’ensemble n’est clairement pas d’une grande modernité et se révèle, aux regards de critères d’aujourd’hui, largement en deçà des précédentes publications de Sans détour, que ce soit le traditionnel Les Oripaux du Roi ou le plus original Par delà les Montagnes Hallucinées.