Il y a des gens qui aiment bien classer les œuvres, c’est-à-dire qui vont prendre le temps de réfléchir à comment organiser, du « meilleur » au moins réussi, les longs métrages de Quentin Tarantino, par exemple, ou les dix meilleurs films de Brian de Palma, etc. Une démarche cinéphile qui en vaut d’autres, cela dit ce genre de palmarès est souvent asséné sans plus d’argumentation, et se limite à une hiérarchie subjective qui n’a pas sa place ailleurs que sur les réseaux sociaux.

Bernard Génin ne travaille pas dans cet esprit-là : il ne s’agit pas d’imposer « les cent films » mais de relever « cent films », choisis parmi la multitude (les plus férus d’animation penseront forcément à un ou deux titres qu’ils aiment et qui sont absents de la sélection) et tous dignes d’un intérêt égal. Donc pas question de donner à la liste une allure de classement général : la numérotation est purement fonctionnelle, et les métrages sont abordés de façon chronologique. Expert dans l’histoire du cinéma d’animation, Génin passe en revue des titres incontournables et très connus (les meilleures productions Pixar, les films d’Hayao Miyazaki et du Studio Ghibli, les grands succès de Disney), mais va aussi explorer beaucoup plus loin, jusqu’aux premières années du cinéma. Et on tombe sur des œuvres dont on ne soupçonnait pas l’existence, par exemple un Roman de Renart allemand, datant de 1930, tourné entièrement en stop-motion soixante ans avant les premières aventures de Wallace & Gromit ! Les travaux britanniques des studios Aardman, d’ailleurs, ne sont pas en reste, Wallace & Gromit, donc, mais aussi l’inévitable Chicken Run, mémorable pastiche de La Grande Évasion. La SF japonaise est aussi largement représentée (Akira, Ghost in the Shell…), ainsi que des œuvres très singulières et pas forcément populaires auprès du grand public, comme les récents La Tortue rouge ou L’Île aux chiens de Wes Anderson, sans oublier plusieurs titres soviétiques, l’URSS ayant été une grande nation du cinéma d’animation.

Pour ce qui est de la France et d’autres pays d’Europe, le très beau bouquin est l’occasion de revenir au fil des cent doubles-pages sur des longs métrages célèbres (Ernest et Célestine, Le Roi et l’oiseau de Paul Grimault, Valse avec Bachir, Persépolis…) ou plus confidentiels (Josep d’Aurel, La Fameuse Invasion des ours en Sicile, d’après Dino Buzzati, et plusieurs autres) mais qui ont la particularité de tous développer leur propre esthétique (à l’inverse des productions américaines ou nippones, dont la plupart respectent des canons graphiques bien définis). L’iconographie, très riche, permet d’apprécier la diversité des styles, et les notices critiques claires et précises (ainsi que succinctes, de 20 à 30 lignes) peuvent permettre à tout lecteur, même assez jeune, d’embrasser en un tour d’horizon synthétique l’abondance de la création mondiale en matière de films d’animation.

En librairie depuis le 19 octobre 2022.