À partir de la fin du 19e siècle, outre-Manche, les lecteurs du magazine The Strand guettèrent avec avidité la publication dans les pages de la revue des aventures de Sherlock Holmes et de Watson. Arthur Conan Doyle contribua ainsi grandement au succès du titre (avec un pic des ventes phénoménal lorsque le roman Le Chien des Baskerville y fut publié, en 1901, sous forme de feuilleton), et aujourd’hui, la popularité du détective n’ayant jamais faibli, c’est vers les romans de James Lovegrove que les regards se tournent. Arpenteur depuis dix ans de l’univers de Sherlock, Lovegrove en est à son onzième roman mettant en scène les héros de Conan Doyle, avec ces Trois Terreurs d’hiver qui nous embarquent dans une nouvelle enquête à rebondissements.

À vrai dire, il n’y a pas une intrigue mais trois, le roman se subdivisant en autant de grands chapitres qu’on pourrait tout à fait aborder comme de longues nouvelles, telles qu’en écrivit Conan Doyle. Des histoires — et autant d’énigmes criminelles — s’étalant de 1889 à 94, qui mettent Sherlock face à des ennemis a priori surnaturels (en tout cas dans les deux premières, le spectre d’une sorcière dans La Malédiction de la sorcière et un fantôme vengeur dans Le Fantôme de la filature de coton). Bien sûr, Holmes et Watson ne sont pas du genre à se laisser impressionner par des terreurs superstitieuses, et les cas d’homicides qu’ils vont devoir résoudre sont sans doute dus à des volontés criminelles bien terrestres.

Si vous avez lu et aimé les précédents romans de James Lovegrove revisitant le canon holmesien (ainsi que Trahison sanglante de Mark A. Latham, sorti chez le même éditeur il y a quelques mois), il n’y a aucune raison pour que vous ne preniez pas autant de plaisir à dévorer celui-ci. Outre le fait de se dérouler chacune en hiver, les trois énigmes sont reliées par un point commun que vous aurez peut-être le talent de relever si vous faites preuve d’autant de sagacité que le détective-vedette. Un facteur décisif qui a pour effet d’unir les trois histoires et d’en faire un grand récit à part entière, avec une révélation finale dans les règles de l’art, à la mise en scène délicieusement classique (un groupe de personnages réunis par Holmes dans le salon d’un manoir, avec, parmi eux, un grand coupable). La contruction romanesque est d’une finesse admirable, et le style d’une élégance d’écriture toujours sans faille (l’excellente traduction française est d’Annaïg Houesnard). Last but not least, Lovegrove parvient même à placer au fil du livre le récit (d’une longueur substantielle) d’une aventure vécue par des chercheurs d’or en plein Yukon. Une parenthèse forte en suspense en plein Grand Nord sauvage. On est vraiment gâtés.

En librairie depuis le 1er février 2023.