L’autre film francophone (avec Grave de Julia Ducournau) de l’édition 2017 du Festival de Gérardmer était inscrit hors compétition et bizarrement en projection unique. Il fallait répondre présent le vendredi après-midi au cinéma du Casino pour suivre les errances de Dodji, Camille, Leïla, Yvan et Terry, des petits jeunes qui, un matin gris, s’éveillent pour s’apercevoir que les gens autour d’eux ont tous disparu. La grande ville déserte est entourée d’un inquiétant mur de poussières qu’ils n’ont pas le courage de franchir, et tous les cinq espèrent la venue de secours qui lèveront le mystère de leur effrayante solitude.

David Moreau (coréalisateur, avec Xavier Palud, du thriller Ils et du remake américain de The Eye, avec Jessica Alba) signe cette adaptation de l’excellente bande dessinée éponyme de Vehlmann et Gazzotti (d’abord publiée dans « Spirou » puis éditée en albums par Dupuis). Primée deux fois à Angoulême, la série franco-belge compte à ce jour dix tomes et huit autres doivent encore paraître. Alors bien sûr, le film ne se veut pas la transposition archi-fidèle d’un récit qui n’a pas encore de fin, le scénario prend quelques libertés même si, grosso modo, les 90 minutes de métrage correspondent aux cinq premiers volumes de la B.D. La différence majeure réside dans l’âge des héros, tous vieillis de quatre ou cinq ans comparés à leurs alter-egos dessinés. Si la B.D. s’adresse avant tout aux 9-12 ans, le film fera donc plutôt parler de lui dans les cours des collèges et lycées.

L’intrigue du comics, ouvertement inspirée de Sa Majesté des mouches de William Golding (mais qui n’est pas non plus sans rappeler la saga Autre Monde de Maxime Chattam) sort appauvrie du passage à l’écran. Vehlmann et Gazzotti ont imaginé une vaste mythologie peuplée de « familles » d’enfants, que le film ne fait qu’effleurer avec maladresse, privilégiant — un choix défendable — la trame simple des deux premiers volumes, où les cinq héros prennent peu à peu leurs marques dans l’urbs désaffecté. Un soin énorme a été apporté aux décors : la production s’est installée dans le Val d’Oise et en Seine-et-Marne, bouclant des quartiers entiers des villes de Serris et Cergy-Saint-Christophe pour livrer les rues aux seuls personnages. Autant, alors, apprécier le film pour ce qu’il est plutôt que le dénigrer pour ce qu’il n’est pas : Seuls est une chouette aventure, souvent nocturne, vécue par des héros complémentaires très attachants et défendus avec beaucoup de conviction par les jeunes comédiens. La noirceur poétique de l’œuvre s’accommode de quelques temps morts, qu’on oublie bien vite lorsque survient l’uppercut de la fin et ses cruelles révélations. Joli coup, David Moreau. Y aura-t-il une suite à cette transposition filmique ? Wait and see. Sinon, le volume 10 de la B.D., intitulé La Machine à démourir, est sorti mi-novembre 2016 chez Dupuis.

Et une deuxième bande annonce qui, c’est une très bonne idée, met en avant les origines B.D. du film :

 

Sortie dans les salles le 8 février 2017.