A l’ombre de l’Histoire…

Quand Philippe Xavier s’allie à Jean Dufaux pour nous conter l’histoire d’une 9ème croisade marquée par le démon et oubliée de l’Histoire et nous emmener sur les terres ensablées des secrets des templiers et de batailles souvent chantées, Khimaira devient curieux… Alors, pour la sortie du deuxième tome de cette série qui allie fantasy et ésotérisme à la façon des contes des mille et une nuits, nous avons rencontré le talentueux dessinateur pour une interview TRES intéressante… et bien à l’abri du Qua’dj !

 

Khimaira : Avant vos recherches et cette plongée au cœur des croisades, que connaissiez-vous de celles-ci et qu’est-ce qui vous a le plus étonné lorsque vous avez travaillé sur ce thème ?
Philippe Xavier : Je suis fasciné par les croisades depuis ma plus jeune enfance. J’ai encore le souvenir très présent des films comme Robin des bois, le Cid ou encore le Seigneur de guerre avec Charlton Heston. Bien sûr, à l’époque, je les voyais d’une manière beaucoup plus simple et innocente, avec le regard de l’enfant qui rêve d’aventures, de chevaliers héroïques parcourant des milliers de km pour aller sauver des territoires magnifiques, reconquérir des kraks, des villes entières magiques perdues dans des paysages sauvages sous une chaleur accablante… où le bruit des lames se perd dans l’immensité du désert.

K : Une série autour des croisades est une belle occasion de dessiner des combats entre chevaliers ? Un univers qui vous attirait particulièrement ?
PX :
L’univers de la chevalerie et ses héros m’ont toujours attiré… Cela à travers le cinéma, bien entendu, mais aussi à travers quelques livres et BD comme Les tours de bois Maury de mon ami et grand maître Hermann.
Outre les personnages, leurs quêtes et combats vaillamment menés, mais aussi la beauté de leurs costumes, j’aime les grands espaces, l’immensité des paysages, la fuite de l’horizon, les couleurs chaudes qui composent les décors de leurs aventures.

K : Comment est née votre collaboration avec Jean Dufaux ?
PX :
Alors que j’achevais le 4ème tome de la série Paradis perdu, le Lombard, par l’intermédiaire de mon éditeur et ami Gauthier Van Meerbeck, m’a contacté pour savoir si je serais intéressé par une collaboration. J’ai découvert avec plaisir plusieurs scénarios, mais aucun ne correspondait vraiment à ce que je recherchais… Ensuite, par le fruit du hasard, Jean Dufaux est tombé sur quelques-unes de mes planches lors d’une visite au Lombard. Quelque chose a du l’interpeller. Notre éditeur a immédiatement saisi l’occasion pour nous proposer un projet commun. Imaginez ma surprise ! Car Jean fait partie de ceux que je respecte le plus dans le milieu et jamais je n’aurais pu penser pouvoir travailler et collaborer avec lui. Et pourtant, quelques jours plus tard, je me retrouvais dans un train à destination de Bruxelles pour un déjeuner avec Jean Dufaux et le Lombard… Et là ce fut le « coup de foudre professionnel » ; en quelques minutes nous avons su que nous allions travailler ensemble et devenir amis ….

K : Derrière la BD, on peut ressentir toute l’intensité des films comme Bravehaert ou Kingdom of Heaven. Le site internet dédié à Croisade présente d’ailleurs une vidéo réalisée à la manière des bandes annonces de cinéma. Une source d’inspiration importante ?
PX :
Je ne vais pas cacher que le cinéma tient un rôle important dans mon envie de raconter une histoire sous forme de BD. J’ai besoin de ce souffle épique et de ces grandes scènes panoramiques pour me transporter. Dès la première rencontre avec Jean Dufaux, je lui ai proposé un univers graphique, visuel, très cinématographique. Je voulais m’évader et voyager à travers un univers façon Braveheart ou Kingdom of heaven. Les réponses de l’éditeur et de Jean furent immédiates. Et ce fut Croisade. Tout cela en quelques minutes. Croisade fut une évidence… La bande annonce est effectivement très « cinéma ». C’est le but recherché…

K : Croisade retrace l’histoire d’une « 9ème croisade », une croisade marquée par le démon et oubliée par l’histoire ?
PX :
Oui… C’est simple : nous voulions aller encore plus loin, traiter le thème des croisades d’une manière différente, inédite, en ayant toute la liberté nécessaire pour emmener les lecteurs. Pour cela nous avons choisi de créer notre croisade sur des bases historiques mais sur un fond de contes des mille et une nuits.

K : Dans le 1er tome, Grégoire Darco et le duc de Tarente, à la tête des Chrétiens, font face au sultan Ab’dul Razim (alias Saladin de la troisième croisade), lui-même appuyé par des forces occultes puissantes… On retrouve ici la part d’ésotérisme et de fantastique si chère à Dufaux et qui ne semble pas vous déplaire au vu de vos précédentes séries…
PX :
L’ésoterisme et le fantastique qui jalonnent l’ensemble de mon travail font totalement partie de mon univers. J’en ai besoin. C’est la porte nécessaire pour m’évader et me pousser à aller encore plus loin dans mon graphisme. Jean et moi nous rejoignons naturellement sur ce terrain.

K : Dès le premier tome, les femmes semblent aussi avoir leur rôle à jouer…
PX :
Les personnages féminins sont bien sûr très importants, mais tout autant que les hommes. Nous veillons à bien équilibrer et harmoniser leurs rôles. Je m’amuse énormément avec mes personnages et leurs expressions. Je trouve cela captivant et complètement fou de pouvoir avoir plusieurs vies et différentes personnalités à travers mes dessins.

K : Comment vous est venue l’idée de la double page centrale dépliable du 1er album ? Un défi et/ou un espace de plus grande liberté pour mettre en scène cette bataille ?
PH :
Le dépliant dans Croisade est né de la volonté d’ajouter une dimension au système narratif de la BD. Nous avions envie de donner un petit plus aux lecteurs afin qu’ils participent de plus près à l’action. Dès l’ouverture de ces pages, le lecteur plonge au cœur de cette scène de bataille. Il peut s’y projeter. Cela rejoint la dimension cinématographique que nous évoquions tout à l’heure. Cette mise en page originale a déjà été utilisée, dans certains comics ou dans des livres d’art par exemple, mais dans la BD franco belge c’est une première. Les lecteurs sont contents. Je pense que l’effet voulu a été plus que bien accueilli.

K : Un effet de surprise que nous retrouvons dans le 2e tome… Et aussi dans le 3e tome ?
PX :
Et oui chaque tome de croisade aura son dépliant, avec à chaque fois le souci de surprendre le lecteur et la motivation de se dépasser graphiquement.

K : Les palais, les déserts, les batailles, la belle Syria d’Arcos… Qu’aimez-vous le plus dessiner dans cette fresque historico-fantastique ?
PX :
Tout ! J’aime tout ce que vous voyez dans Croisade. Je n’ai pas de préférence, Croisade est un projet qui vient du cœur.

K : Sur Croisade, Jean-Jacques Chagnaud utilise la colorisation traditionnelle. Quelle impression une fois vos planches mises en couleurs ?
PX :
Jean-Jacques Chagnaud est un grand maître de la lumière et des couleurs. Son travail sur Croisade est absolument magique. Quand je vois les bleus, je suis vraiment impressionné, d’autant plus qu’il fait tout cela à la main avec ses petits pinceaux. C’est « total respect ». C’est la première fois que je travaille de cette manière et j’en suis très fier. En découvrant les bleus, je redécouvre mon dessin et je suis transporté au fil des pages de Croisade, non plus en tant que dessinateur mais comme lecteur.

K : Parlez-nous un peu de votre expérience sur ce second tome…
PX :
Le tome 2 nous a porté encore plus loin. Jean, Jean-Jacques et moi même avons poussé nos limites pour atteindre un niveau de maîtrise supérieur. C’est le but du jeu. Nous nous sommes plongés tous les trois dans le monde de Croisade. Les personnages prennent de plus en plus vie, ils s’étoffent, ils portent l’expression de leur traversée du récit, les paysages bougent avec nous, l’histoire nous emmène glisser le long des dunes… La magie prend place, les contes nous font rêver, le mal se rapproche… Croisade est une aventure qu’il faut regarder et lire, tout simplement…

K : Après l’Amérique du sud, les USA et la France, vous habitez maintenant en Belgique. C’était pour vous rapprocher de votre scénariste ? Le fait d’être proches géographiquement facilite les échanges ?
PX :
C’est vrai que j’ai bien bougé dans ma vie, et ce n’est pas fini !
Le fait de déménager de Lyon pour Bruxelles pour commencer Croisade était un changement naturel, nécessaire à mon évolution. Etre proche de Jean est un plus indéniable pour Croisade et pour moi en tant qu’homme ; j’apprends énormément à ses côtés sur le plan humain. Jean est un vrai gentleman, tellement à l’écoute de ce qui l’entoure. Nous nous voyons souvent, ainsi que les amis Grenson, Delaby, Wurm… Nous formons une belle famille et ceci est quelque chose de précieux que je recherche avant tout dans ma vie et dans mon travail. Bruxelles est également la capitale de la BD. Je peux y découvrir plein de choses. La vie y est très intéressante. Cela m’a aussi permis d’établir une relation plus personnelle avec mon éditeur et un suivi plus présent sur tout Croisade.

Sur le net :
Blog de Philippe Xavier : http://xaveland.canalblog.com