Leatherface est un(e) prequel, il plonge dans l’antériorité des événements relatés dans le totémique Massacre à la tronçonneuse, que Tobe Hooper offrit au monde en 1974. La caméra nous transporte dans les années 1950-60, décennies de jeunesse d’un des rejetons de la famille dégénérée Sawyer. Les fermiers sanguinaires, consanguins, menés par la matriarche Verna (Lili Taylor), nourrissent leurs porcs à la chair humaine (après découpage des compatriotes texans égarés trop près de leur terrain). Jed, le petit dernier de la fratrie, deviendra en grandissant celui que la planète entière des cinéphiles connaît depuis 43 ans sous le sobriquet de Leatherface.
Il faut rattacher ce nouvel avatar des « Texas Chainsaw » à la première série de films (jusqu’ici cinq titres, du métrage initial de Tobe Hooper jusqu’au pas terrible Texas Chainsaw 3D avec Alexandra Daddario, en 2013). On fait donc abstraction du remake signé Marcus Nispel en 2004 et, surtout, de son prequel Massacre à la tronçonneuse, le Commencement (2006), qui, déjà, nous expliquait les premiers méfaits de « Tronche-de-cuir ». Vu dans cette perspective, c’est sûr, on redoute un peu de tourner en rond au moment de poser les yeux sur cette nouvelle mouture. Mais la chose éveille un minimum d’intérêt, en tout cas pour le public français, car c’est à deux réalisateurs frenchies qu’on aime bien, Julien Maury & Alexandre Bustillo, qu’il revient cette fois de réchauffer les restes.
En termes d’intensité, le duo a lui-même signé son « Massacre à la tronçonneuse » avec le traumatisant À l’intérieur, où s’affrontent Béatrice Dalle et Alysson Paradis. En bons fanboys du film d’origine, ils se font plaisir en proposant d’entrée de jeu une scène-clin d’œil, un dîner d’anniversaire où l’on découvre que Sally, dans le premier Texas Chainsaw Massacre, ne fut pas la première invitée forcée à la table des Sawyer. Il y aura d’autres coups de coude aux initiés de l’horreur à l’écran, à Nuits de cauchemar (Motel Hell, 1980) et aussi, carrément, à Nekromantik de Jörg Buttgereit, à la faveur d’une scène de lit où un couple de barjos homicides s’envoie en l’air en faisant des léchouilles à un macchabée faisandé. C’est assez osé, c’est aussi très dégueu, et il en va de même avec la grosse production de cadavres sanguinolents prévue par le scénario (signé d’un certain Seth M. Sherwood). L’histoire suit la cavale, après une évasion tonitruante, d’un quatuor de patients échappés d’un asile psychiatrique. Parmi eux se trouve le jeune Sawyer et futur Leatherface, mais une astuce de scénario, un peu artificielle, ne nous permet pas de cerner son identité dans le groupe. Celle-ci se révèlera bien plus tard, au terme d’une équipée que les fuyards auront menée avec l’infortunée Lizzy, infirmière débutante embarquée en otage au cours de la fuite.
Il n’y a guère besoin de se livrer à une longue explication de texte. Maury & Bustillo œuvrent moins ici en tant qu’auteurs qu’en simples « filmmakers » : doté d’une belle direction artistique (pour qui affectionne les décors esthétiquement crasseux), Leatherface n’illustre pas moins un script linéaire, un peu monotone malgré le bodycount qui s’affole, et qui n’apporte rien de capital à la « mythologie » de la tronçonneuse. Il est aussi un peu dommage que le montage n’offre pas plus d’importance à l’écran à un personnage de shérif du nom d’Hal Hartman (joué qui plus est par Stephen Dorff, toujours excellent). Hartman est un Texas ranger à la gâchette facile, passé du côté obscur après que les garçons Sawyer, ces fumiers, ont massacré sa fille Betty. Le type est devenu impulsif et violent, aveuglé par son obsession de vengeance, un sentiment funeste qui ne peut que le conduire droit en enfer. Mais c’est ainsi, Hartman n’est qu’un adjuvant au récit, il apparaît surtout en début et en fin de métrage. Pour le reste, le devant de la scène est surtout occupé par Lizzy, l’infirmière-otage, personnage hélas unidimensionnel pour lequel il faut un peu se forcer à trembler.
Anecdote tristement cocasse, Tobe Hooper, le « père » de Leatherface, a cassé sa pipe le 26 août dernier, soit le lendemain de la première mondiale du film de Maury & Bustillo (c’était à Londres, au cinéma Empire de Leicester Square). Le duo ne manquera pas de rendre publiquement hommage au cinéaste, décédé à 74 ans de causes naturelles, lors de la présentation du film au PIFFF début décembre. Car oui, comme 68 Kill et Dave Made a Maze, Leatherface comptera parmi les films inscrits au programme de cette septième édition. À coup sûr, l’émotion sera pour tout le monde au rendez-vous, et tant pis si la découverte de ce dernier Chainsaw Massacre nullement indispensable n’y est pas pour grand-chose.