Coup d’essai, coup de maître: pour son premier long métrage, Billy O’Brien a remporté le Grand Prix du Festival du film fantastique de Gérardmer 2006. Rencontre avec le sympathique cinéaste irlandais.

Isolation est votre premier long métrage. Quelle est sa genèse, et comment êtes-vous devenu réalisateur ?
J’ai puisé dans mes souvenirs pour débuter la rédaction d’Isolation, car j’ai grandi dans une ferme au fin fond de la campagne. Il n’y avait pas de cinéma, mais c’est quand même là que j’ai eu mon premier déclic, vers l’âge de 10, 11 ans, avec l’arrivée de la vidéo. J’ai alors découvert des films comme on n’en voyait jamais à la télévision irlandaise, par exemple Mad Max ou Terminator. Plus tard, j’ai suivi une première formation aux Beaux-Arts, en Irlande, puis je suis parti terminer mes études à Londres, où j’ai passé une maîtrise en cinéma. J’ai ensuite tourné quelques courts métrages, gagné ma vie en tournant des publicités et j’ai fini par me lancer, il y a quelques années, dans l’écriture de longs métrages.

Votre film aborde la question des manipulations génétiques. Est-ce un sujet qui vous touche particulièrement ?
Je pense que les manipulations génétiques représentent un danger car on est incapable de dire où elles vont nous mener. Beaucoup de laboratoires travaillent dans ce domaine. Ce sont pour beaucoup des organismes privés financés par l’argent de très grandes entreprises, et les gouvernements n’exercent presque aucun contrôle sur les expériences qu’ils mènent.

Pensez-vous alors que les horreurs dépeintes dans le film seront un jour une réalité ?
Il y a une large part de science fiction dans Isolation, et la dernière partie du film relève complètement de mon imagination. Cela dit, j’ai fait des recherches sur le sujet des manipulations sur le bétail, en Europe et aux USA. Je suis donc parti d’une base réelle pour en arriver à ce que j’ai écrit, et il ne me semble pas être allé si loin que ça en extrapolant sur ce qui pourrait arriver.

Le tournage a eu lieu en plein hiver dans une vraie ferme. Les conditions de travail n’ont pas dû être faciles…
En effet, les huit semaines de tournage ont été éprouvantes pour tout le monde sur le plateau. Heureusement, j’ai eu la chance de travailler avec des personnes toutes très motivées pour faire ce film. En ce qui me concerne, le fait que l’histoire se déroule dans un décor unique avec seulement cinq personnages m’a simplifié la tâche et m’a permis de me concentrer sur ma mise en scène sans avoir à imposer mon autorité sur une grande équipe.

Le budget du film était assez serré. Avez-vous pu, malgré tout, raconter et montrer tout ce que vous aviez en tête ?
Je n’ai réalisé le story-board qu’une fois le budget fixé, et ce que vous voyez à l’écran est donc exactement ce que j’avais prévu de tourner. Maintenant, effectivement, avec plus d’argent, le film aurait sans doute été différent. Par exemple, j’aurais eu recours, au moins en partie, à des effets spéciaux numériques. Cela dit, les contraintes financières ont plutôt servi le film dans la mesure où, avec un budget plus important, je me serais peut-être focalisé davantage sur le monstre et moins sur les personnages.

Avez-vous dessiné vous-même le monstre du film ?
Non. Ce travail a été réalisé par ma femme, en collaboration avec mon meilleur ami. Elle est sculptrice et conçoit également des maquettes, lui est dessinateur et travaille dans l’animation. Ils ont fait des recherches sur les maladies qui peuvent frapper le bétail, et sont d’ailleurs tombés sur des choses assez horribles. Ils ont combiné les effets physiques réels de certaines maladies pour aboutir à des gravures vraiment très belles en termes de rendu. C’est ensuite Bob Keen qui a réalisé la créature, ainsi que les animatroniques de bovins qui étaient indispensables au tournage de certaines scènes.

La fin d’Isolation est ouverte. Pensez-vous déjà tourner une suite, ou allez-vous passer à autre chose ?
Il est encore prématuré de parler de suite. Tout dépendra du succès du film. Pour l’instant, un tel projet ne me tente pas forcément car j’ai envie de m’imposer de nouveaux défis. J’ai sous le coude un autre scénario de film d’horreur, que j’ai rédigé il y a quelques années. À présent que j’ai terminé Isolation, je vais peut-être y jeter un coup d’œil et le retravailler.

Vous allez donc rester fidèle aux films qui font peur…
J’adore le fantastique et la science fiction car ils permettent de créer des univers et, en même temps, de faire passer un message. Cela dit, maintenant que j’ai mis en scène mon premier long métrage, on vient me proposer des scénarios. Pour le moment, aucun ne m’a accroché, mais mettre en images le script d’une autre personne serait une expérience totalement nouvelle pour moi.

 

Remerciements à Cédric Lendemaine