Khimaira a rencontré l’association Hoshikaze 2250 et a profité de l’occasion pour s’entretenir avec Benoît ‘Mutos’ Robin, son président.

Khimaira: Hoshikaze 2250 est un projet qui vous tient visiblement à cœur depuis plusieurs années déjà. Pourriez-vous nous en dire plus? Parlez-nous de sa genèse, par exemple?
Mutos:
Il s’agit d’un vaste projet, qui a pour but d’écrire à plusieurs, au fil du temps, un univers de Science-fiction. Celui-ci a été créé en 1990, au Club de Jeu de Rôle de Centrale Lyon, comme univers de test pour des règles universelles de JdR. À un moment, avec la dispersion du groupe original, je suis resté le seul des membres initiaux sur le projet. Puis, un nouveau groupe s’est créé et a depuis évolué. En 2007, le projet s’est structuré en association loi 1901.

K: Quelles sont les activités principales de cette association?
M.:
Notre écriture est organisée autour d’une encyclopédie sur Internet, puis se décline sur plusieurs supports, comme les recueils de nouvelles dont trois sont déjà publiés, ou les jeux de rôle et de plateau, actuellement au stade du prototypage. Nous avons même des projets de bande dessinée, de jeu vidéo ou de film 3D, qui mettront certainement plusieurs années à se réaliser!

K: Comment sont organisées les différentes tâches internes?
M.:
Concrètement, les activités de l’association se divisent en plusieurs grandes parties:
– Ecriture de contenu dans l’univers Hoshikaze 2250,
– Animation de la communauté, gestion du projet et de l’association,
– Edition de produits concrets illustrant cet univers, comme les recueils de nouvelles,
– Présentation du projet et de l’univers au public et aux autres structures.

K: D’où vient le nom de cet univers?
M.:
Il signifie «Le vent des étoiles» en japonais. Un hommage à la japanimation, qui en a été une inspiration majeure.

K: Comment se positionne Hoshikaze 2250 par rapport aux grands genres de la science-fiction?
M.:
L’univers Hoshikaze est essentiellement du space-opera, flamboyant et centré autour du voyage spatial et de l’exploration de nombreux systèmes stellaires. De ce genre classique, il reprend donc pleinement le coté «western spatial» et à ce titre, se rapproche même du pulp, d’une manière tout à fait assumée! Cette exubérance est quand même tempérée par une bonne petite dose de hard-science: adhérer aux connaissances scientifiques actuelles et fournir une explication pas trop déconnante aux merveilles technologiques que l’on met en scène. Enfin, nous avons beaucoup été inspirés par le cyberpunk, avec ses kyrielles d’IA, d’implants et de nanites, et par les méchas chers à la japanimation et au jeu vidéo.

K: Que signifie le terme d’«astropérégrins» caractérisant plusieurs des espèces peuplant ce monde?
M.:
L’aspect hard-science s’applique aussi (surtout?) aux espèces intelligentes, dont on qualifie la plupart d’«astropérégrines», ce qui signifie simplement qu’elles ont découvert le moyen de voyager dans l’espace! Nous avons opté pour un petit nombre d’espèces, mais essayé d’écrire pour chacune une histoire basée sur des écosystèmes et une lignée évolutive plausibles. Chaque espèce a ses spécificités et son rapport à la vie, mais possède aussi de nombreuses cultures et des relations souvent complexes avec les autres espèces. Par ailleurs, aucune de ces espèces n’est prépondérante, elles maintiennent entre elles un équilibre précaire où se mélangent conflit et coopération. Bref, le tout forme une situation assez réaliste à nos yeux. Le thème de la relation avec l’autre sous-tend une bonne partie de l’écriture de l’univers Hoshikaze 2250.

K: Parlez-nous du site en ligne, anciennement l’encyclopédie, en passe de devenir un Wiki? Une tâche de longue haleine?
M.:
Le développement d’un tel univers est une tâche, non seulement de longue haleine, mais qui, par définition, ne sera jamais terminée! Concrètement, l’association et le projet fonctionnent en communauté de création, autour du forum et du wiki. Ce dernier reprend peu à peu, lentement mais sûrement, le contenu de l’ancienne encyclopédie, écrite entre 1995 et 2005.

K: Combien de rédacteurs travaillent en même temps sur le projet?
M.:
Une quinzaine de personnes contribue à cette écriture, dont une petite demi-douzaine forme le noyau dur du projet. Les nouvelles idées de contenu sont d’abord discutées dans le forum, puis reportées dans le wiki au fur et à mesure. L’objectif est de maintenir un équilibre entre les points de vue très divers des contributeurs et la nécessaire cohérence éditoriale. Dans cette organisation, je fais de facto office de rédacteur en chef. Ceci vient de mon statut de dernier survivant de l’équipe originale, de ma connaissance de l’univers et du projet, et aussi du temps que j’y consacre, environ l’équivalent d’une journée de travail par semaine.

K: L’univers de Hoshikaze 2250 est aussi la source de publications littéraires. Comment la partie édition fonctionne-t-elle? Qui peut participer? Quelles sont les contraintes éditoriales? Les fréquences de publication?
M.:
pour l’instant, nos seules publications sont les recueils de nouvelles, dont trois ont été édité jusqu’à présent. Un Appel à Textes permanent est ouvert, dans lequel, chaque début septembre, nous venons sélectionner les nouvelles qui composeront le recueil à paraître en février-mars suivant. Tout le monde peut y participer, la seule contrainte étant de placer son récit dans l’univers Hoshikaze 2250. Une fois les nouvelles retenues, le travail de relecture se fait entre les auteurs, ce qui tisse naturellement des liens entre les nouvelles. Année après année, le niveau d’écriture des nouvelles et la cohérence des recueils s’améliorent. Pour l’instant, nous travaillons en bénévolat et donnons à chaque auteur un exemplaire, en raison du très petit tirage, de l’ordre de 50 exemplaires. Un de nos objectifs est actuellement d’arriver à l’équilibre financier pour chaque recueil. L’étape suivante sera de pouvoir, à terme, distribuer des droits d’auteur aux contributeurs des recueils!

K: Très complet, l’univers de Hoshikaze 2250 sert aussi de base à un jeu de rôle. Pourriez-vous nous en parler? Sur quelle base de règles est-il conçu? Sa version définitive est-elle pour bientôt?
M.:
Comme je l’ai précisé au début, Hoshikaze vient du Jeu de Rôle! Pendant un bon nombre d’années, cette filiation a été en sommeil, mais maintenant elle fait un retour en force. Nous avons d’abord développé une adaptation en utilisant le système universel BaSIC© de Chaosium©, celui de Chtulhu© et de Runequest©. Un autre système de jeu a été développé récemment par Patrick, un membre de l’association. L’objectif est d’éditer d’abord le jeu sur le système Chaosium©, puis sur notre système maison, pour ensuite écrire des suppléments pour les deux systèmes. Ceux-ci comprendraient essentiellement des descriptions «littéraires» de l’univers, complétées par des encadrés les traduisant dans les deux systèmes. En effet, notre orientation est plus «univers» que «système de règles». Le premier livre de jeu Hoshikaze 2250, celui utilisant le système Chaosium©, est prévu pour 2012 ou 2013. Mais comme ce sera après la fin du monde…

K: Et le jeu vidéo? Une autre facette de cet univers? Sur quel support est-il disponible?
M.:
Pour l’instant, aucun, car il n’existe pas encore! Développer un jeu vidéo nécessite des ressources que nous n’avons pas pour l’instant. Alors, nous avons découpé le projet en petits modules sur lesquels nous pouvons travailler progressivement. Un développement sur un an avec Epitech a permis de réaliser un prototype et de prendre la mesure des difficultés du projet. Deux stages de Game Design avec ISART-Digital nous ont aidés à préciser ce que nous voulions faire. Maintenant, nous proposons des stages ou des projets sur une année à des écoles de développement pour concrétiser le premier module: l’Editeur de Systèmes Stellaires. L’objectif est de disposer d’un éditeur pour cartographier l’univers Hoshikaze 2250, de pouvoir réaliser des images à insérer dans le wiki, mais aussi de mettre cet éditeur à disposition d’autres communautés, comme Celestia ou Vega Strike. Les liens avec ces communautés, riches de développeurs et de moddeurs, nous aideront par la suite à développer le projet jeu vidéo!

K: Y a-t-il d’autres axes de développement? D’autres types de jeux?
M.:
Nous avons pour principe de ne pas nous limiter quant aux médias sur lesquels nous déclinons le projet. Deux conditions sont nécessaires et suffisantes: que des membres de l’équipe soient intéressés et moteurs, et que l’investissement en temps et en argent soit à notre portée. C’est ainsi que Boris, un membre de l’association, animateur en centres de loisirs, a développé un jeu de plateau pour faire travailler des jeunes en coopération. Les joueurs ont, comme dans un jeu de rôle, des personnages, en l’occurrence l’équipage d’un vaisseau. Celui-ci a une mission à remplir en temps limité, pour laquelle un jeu collectif est nécessaire. Le jeu est pour l’instant au stade du prototype et nous envisageons de l’éditer. Nous avons discuté avec des élèves d’ISART-Digital de la possibilité d’un stage de Game Design sur ce jeu et comptons le proposer à l’école.

K: Justement, parlez-nous un peu plus des stages d’écoles.
M.:
En effet, depuis la formation de l’association, nous proposons à des écoles des stages pour leurs élèves. Nous nous attachons à doter ces stages, hélas non rémunérés en raison des moyens financiers limités de l’association, de véritables sujets permettant aux élèves d’appliquer concrètement les connaissances et compétences qu’ils acquièrent dans leur cursus. Ils sont réalisés en freelance, les élèves étant libres de leur organisation et encadrés par une personne de l’association avec une gestion de projet, des jalons, un point d’avancement hebdomadaire, une réactivité maximale en cas de problème et un forum dédié au stage. C’est ainsi que nous avons, par exemple, construit notre site actuel avec trois élèves du laboratoire LISAA-EA-4120 de l’université de Marne-la-Vallée, réalisé le storyboard d’un projet de BD avec une élève du Lycée l’Initiative, à Paris, et travaillé sur la bible graphique des espèces intelligentes et sur une illustration de couverture pour une future édition du deuxième recueil de nouvelles avec un élève de l’Ecole Pivault, à Nantes.

K: Vous êtes souvent présents dans les conventions, salons et autres rencontres. Quel est l’accueil du public sur votre travail? Votre équipe s’étoffe-t-elle au fil des mois?
M.:
Les Conventions sont d’abord pour nous un moyen de faire connaître notre projet. Par ailleurs, depuis que nous éditons des livres, elles permettent de financer le projet ou, du moins, de rentrer dans les frais de l’édition! Enfin, elles ont une autre fonction, absolument essentielle et trop peu évoquée: on s’y éclate et c’est bon pour le moral! Généralement, le public est interloqué par l’aspect protéiforme du projet. «C’est quoi au juste? Des livres, du jeu de rôle ou un jeu vidéo?» est la question la plus fréquente. Mais notre réponse «Tout à la fois, et bien plus, car c’est un univers» les intéresse et, la plupart du temps, ils cherchent à en savoir plus. Ainsi, peu à peu, nous nous faisons connaître dans le monde de l’imaginaire français et parmi le public de ce type de manifestations. C’est soit dans les Conventions, soit sur Internet, que nous avons rencontré la plupart des membres de l’équipe actuelle.

K: Comment voyez-vous le futur de l’association? Quels sont vos projets à plus ou moins longs termes?
M.:
Nous allons conquérir la galaxie, naturellement! Plus sérieusement, nous cherchons surtout à structurer le projet pour atteindre la taille critique qui permettra de le pérenniser. Etendre le noyau dur à 10 personnes et permettre à ces personnes d’investir un temps substantiel dans le projet est actuellement la meilleure manière d’y arriver. Cela passe par un meilleur retour pour les auteurs en termes de notoriété, un équilibre financier de l’association nous permettant de distribuer des droits d’auteurs et un réseau élargi de contacts, que ce soit chez les artistes, les écoles, les autres associations ou les institutions. Nous sommes confrontés à des choix, comme celui entre une licence purement libre ou commerciale, devenir nous-mêmes une maison d’édition ou nouer des partenariats avec des éditeurs, rester en association ou passer dans quelques années en coopérative. Certaines de ces questions se poseront, ou pas, au cours des prochaines années et, pour l’instant, nous n’avons pas d’idée préconçues des réponses que nous leurs donnerons, mais une chose est sûre: nous chercherons à préserver notre esprit amateur, notre approche centrée sur un univers et notre passion pour ce projet!

K: Y aurait-il une question que l’on ne vous a jamais posée mais à laquelle vous aimeriez répondre?
M.:
Peut-être, tout simplement, «pourquoi ce projet?» Maintenant, vous ne m’aviez jamais dit qu’il devait y avoir une réponse! Mais on peut essayer… Peut-être parce que, déjà tout petit, je rêvais d’être «inventeur». Parce qu’à Centrale Lyon, il y a plus de 20 ans, un groupe d’ingénieurs rôlistes a eu envie d’un univers dans lequel jouer à l’infini. Parce que, peu à peu, cet univers s’est mis à exprimer des valeurs et des idées auxquelles nous tenons. Parce que chaque rencontre a enrichi le projet d’un point de vue différent. Mais peut-être, surtout, parce que nous avons toujours su garder et entretenir la passion qui nous anime…

K: En vous remerciant de votre gentillesse et de votre disponibilité. Le mot de la fin?
M.:
Sans doute dire à tous celles et ceux qui nous lisent: «Osez!» Osez lire, penser, échanger vos idées, osez les confronter à celles des autres et les féconder dans la contradiction, osez vous exprimer, écrire, dessiner, peindre, modéliser, filmer, chanter, jouer d’un instrument ou d’un rôle! Osez créer vos propres univers, les partager et ainsi donner naissance à tout plein de beaux projets!