La « sequel » d’un slasher tourné en 2006 par Gregory Dark, jadis réalisateur de classiques du porno américain tels que Le Diable par la queue (titre français de New Wave Hookers, 1985, avec Traci Lords). See No Evil, premier du nom, mettait en scène la star du catch US Glenn Jacobs (2 m 08 sous la toise, 147 kilos de barbaque, plus connu des amateurs sous le pseudo de Kane) dans le rôle d’un tueur fou au patronyme ironique de Jacob Goodnight, initié au meurtre par sa foldingue de mère, religieuse fanatique qui flaire le péché jusque dans les moindres recoins. Nous voici en 2014, Jacobs fait son retour à l’écran à la faveur de ce See No Evil 2, qui suit une trame semblable à celle d’Halloween 2 de Rick Rosenthal : laissé pour mort après les événements du premier épisode, Goodnight reprend soudain conscience à la morgue avec l’envie intacte d’en découdre. Il s’empare de scies à autopsie et autres lames pour décimer le casting…

Aucun scénario à se mettre sous la dent : on est ici face à un canevas parfaitement inepte, et See No Evil 2 serait sans doute passé inaperçu s’il n’avait été mis en scène par Jen et Sylvia Soska, les « Twisted Twins » en personne, réalisatrices de deux petits bijoux indé — Dead Hooker in a Trunk et le fameux American Mary (qui demeure inexplicablement sans distribution en France). C’est entendu, les jumelles canadiennes ont accepté de tourner une œuvre de commande, ce qui ne les a pas empêchées de s’approprier le projet, ayant pour l’occasion convoqué devant leur caméra Katharine Isabelle, l’interprète d’American Mary. La comédienne partage la vedette avec une reine du cinéma d’horreur, Danielle Harris, dont la carrière est suivie d’un œil attendri par tous les fans d’armes blanches à l’écran depuis ses débuts en 1988 dans Halloween 4, à l’âge de 10 ans. Les deux filles assurent le spectacle : Harris est craquante avec sa silhouette de crevette, et Isabelle nous fait un numéro à peine croyable de grande fofolle délurée, championne pour faire grimper le mercure dans les chambres froides. Leur face-à-face avec la montagne Jacobs donne un contraste intéressant.

Le film doit tout à ses interprètes… et bien sûr aux Soska, qui, mine de rien, malgré la vacuité du script (et ses trous narratifs béants — on vous laisse le plaisir de la découverte), ne se privent pas de signer une mise en scène irréprochable. Une séquence retient particulièrement l’attention par la beauté de sa réalisation : à la moitié du métrage, Tamara (Isabelle) et le héros masculin (Seth, joué par Kaj-Erik Eriksen) voient entrer, épouvantés, Jacob Goodnight dans la salle de la morgue où ils se sont cachés. La scène est observée à travers une large vitre par Amy (Harris) et son frère Will (Greyston Holt), qui lancent des coups d’œil furtifs, étant eux-mêmes planqués dans la salle d’à côté. Les cinéastes jouent avec la profondeur de champ et un montage en parallèle pour élaborer une séquence d’environ trois minutes entièrement construite selon les axes des regards des quatre victimes potentielles du monstre. La scène est d’une efficacité et d’une élégance redoutables, qui élèvent le film bien au-delà du niveau d’un simple produit de série. Et la conclusion s’impose d’elle-même : Jen et Sylvia Soska ont réussi, par leur art, à transcender l’indigence d’un script con comme la lune pour livrer un des tous meilleurs films de cet Halloween 2014. Chapeau, frangines !

See No Evil 2 sort ce mois d’octobre en VOD aux États-Unis. Aucune date de sortie officielle n’est à ce jour prévue pour la France.