Qui se souvient encore de l’édition du jeu de rôle Paranoïa, sortie dans les années 80 chez West End Games, en anglais et chez Descartes Éditeur en français? Vous? Bravo! Peut-être, alors, avez-vous également suivi les suppléments sortis dans les années 2000 chez Mongoose Publishing? Oui? Vous êtes alors un véritable fan! [l’Ordinateur vous remercie].

Oh, les plus jeunes lecteurs de Khimaira ne connaissent pas ce jeu? C’est tout à fait normal, mais, pas de panique, car voici venir l’édition post-post-post-moderne de Paranoïa aux Éditions Sans-Détour pour votre plus grand plaisir à tous.

Le contexte: Paranoïa a comme décor un complexe labyrinthique à souhait, nommé Alpha, où se trouvent enfermés des milliers de personnes obéissant, plus ou moins, à un Ordinateur central vu par tous, ou presque, comme une entité bienveillante et omniprésente. Chacun possède un niveau d’accréditation représenté par une couleur, et, bien évidemment, seuls les plus hauts niveaux sont autorisés à connaître certaines informations…

Ne nous le cachons pas, nous sommes dans un contexte post-apocalyptique et les survivants ont bien de la chance de vivre encore dans cet environnement clos. D’ailleurs, c’est ce que répète à loisir l’Ordinateur. C’est pour cela qu’il a décrété que: [le bonheur est obligatoire!] Tout contrevenant sera éliminé… Heureusement, tout individu est cloné et dispose ainsi, de plusieurs vies… Aussi, l’Ordinateur passe son temps à chercher les traites au système afin de maintenir l’ordre, enfin, SON ordre… [parole de traîtrise repérée, faites attention!]

Les dessous du contexte: l’Ordinateur présent dans Paranoïa est tout-puissant, il est partout, dans les caméras présentes dans les différentes zones du complexe Alpha [il faut bien surveiller les éventuels délinquants], dans le moindre robot automatisé [il faut bien anticiper leurs pannes], mais surtout, dans tous les cerveaux des habitants! Oui, vous avez bien lu, chaque personne est dotée d’un implant informatique le mettant en relation directe avec l’Ordinateur. Cet appareil permet aux gens, entres autres choses, d’apprendre de nouvelles compétences, de dépenser leur argent (sous forme de points XP), mais aussi de voir le monde par l’intermédiaire des filtres programmés par l’Ordinateur. Par soucis de maintien de la santé mentale, ce dernier est capable de pixéliser la vision d’une blessure grave, par exemple, ou d’un sexe pour prémunir les bonnes mœurs (les habitants du complexe ne peuvent même pas voir le leur, c’est pour dire).

Vous l’avez compris, l’ambiance, kafkaïenne à souhait, est plus proche de 1984 ou de Brazil que de The Island. Fort heureusement, cela demeure un jeu et, en vérité, il s’agit plus d’une parodie humoristique à l’humour noir féroce, voire jubilatoire. Cependant, la paranoïa insufflée dans les personnages se traduit souvent par un état de fait peu courant dans les jeux de rôle, puisque les joueurs jouent plus souvent les uns contre les autres, que les uns avec les autres.

Alors, quid de ce jeu? Le complexe Alpha est sous la supervision directe et omniprésente de l’Ordinateur qui recrute les clarificateurs afin de traquer et éliminer les traîtres au système. Car, parmi la population, tout le monde n’obéi pas à l’ordinateur. Il y a les membres des sociétés secrètes, les mutants dégénérés, mais aussi des agents doubles, voire triples, œuvrant sur plusieurs tableaux. Évidemment, les clarificateurs comptent les joueurs dans leurs rangs. L’Ordinateur envois les clarificateurs en missions avec des armes et la volonté de supprimer toute espèce de refus de l’ordre établi. Les tirs de pistolets laser volent bas et la mort est rapide, enfin, pas toujours. Pourtant, les personnages-joueurs n’ont pas à s’en soucier outre mesure. En effet, leur mémoire est immédiatement téléchargée dans un autre clone qui sera renvoyé sur les lieux de leur trépas afin de poursuivre la mission. Bon, ils n’ont que six clones à disposition à la création de leur personnage, mais cela devrait suffire, non?

Un jeu de rôle où tout le monde suspecte tout le monde d’être un ennemi de l’Ordinateur, c’est original. Et cela apparaît dès la création des personnages. Car il s’agit de créer des groupes de personnages en commun, pour mieux frustrer les joueurs. Comment? Facile! Chaque personnage possède dix compétences dont le niveau va de +5 à -5. Classique? Oui, dans un certain sens. En effet, le premier joueur choisi une compétence à +5; le joueur à sa gauche reçoit, lui, -5 dans la même compétence («comment ça, j’ai -5 en Flingues!»). Ce dernier joueur choisi alors une compétence à +4, ce qui affecte le joueur à sa gauche qui obtient -4 dans cette compétence. Vous avez compris? Certes, cela spécialise les personnages et donne un groupe homogène. Toutefois, dans le même temps, cela génère des animosités. Tout à fait l’effet voulu puisque, au final, tout le monde observe les autres d’un œil critique et les mains terminent souvent sur des poignées de pistolet…

Autre partie intéressante, les combats! L’initiative est déterminée par l’utilisation de cartes (apportant leur lot de bonus/malus et d’effets variés) placées face cachée. Et où est le problème? Tout simplement dans le fait que les joueurs peuvent bluffer en prétendant détenir une carte qu’ils n’ont pas. Aussi longtemps que personne autour de la table ne met leur parole en doute, cela passe. Encore et toujours la paranoïa.

À côté de cela, il y a le meneur de jeu qui, lui, connaît toute la vérité sur le complexe Alpha, sur les accréditations, ainsi que sur [$accréditationtropbasse]. Entre autre chose, il apprend qu’il ne doit jamais lancer [$accréditationtropbasse]. En tant que représentant de l’Ordinateur (présent dans tous les jets de dés grâce à un dé spécifique), il est capable de renverser totalement une situation. Rien de mieux que les plans d’une bombe s’affichant en gros plan dans les yeux d’un clarificateur essayant de la désamorcer. Oh, cette projection rétinienne occulte tout le champ visuel, quel dommage, ce n’est pourtant pas le moment de couper le mauvais fil… Jubilatoire!

Il serait facile de parler de Paranoïa durant des heures. Ne nous leurrons pas, certains joueurs vont adorer et d’autres détester. C’est ainsi. Il convient de prendre ce jeu au second degré afin de s’amuser de son ambiance sombre à souhait où les morts sont remplacés par des clones et où l’Ordinateur omniscient est sans doute le protagoniste le plus fou de tout le complexe. Autrement dit, Paranoïa est à réserver aux soirées «défouloir» sans aucune prise de tête trop sérieuse. Si le jeu en campagne est possible, il est assez difficile à maintenir. Par contre, des parties «one shot», au besoin avec les mêmes personnages, sont recommandées et bien plus agréables à jouer sans se soucier vraiment de la suite. Enfin, sans manquer de respect à l’Ordinateur tout de même.

N’oubliez pas: l’Ordinateur est votre ami!

[Attention: un programme non autorisé a été détecté dans votre implant cérébral, votre cerveau va rebooter dans 5 secondes! 5, 4, 3, 2, 1…]