Après Black Butler, chroniqué dans nos pages il y a peu, voici une nouvelle adaptation « live » d’une série de japanimation, et pas n’importe laquelle : naguère diffusée à la télé française sous le titre Edgar le détective cambrioleur, Lupin III nous conte les aventures d’Arsène Lupin, troisième du nom, petit-fils émérite (et japonais !) du gentleman cambrioleur imaginé en 1905 par Maurice Leblanc. Depuis sa création dans les années 1960 (sous la forme d’une BD puis d’un animé), le titre a connu de nombreuses déclinaisons avec, notamment, plusieurs longs métrages d’animation (27 !) dont Le Château de Cagliostro, réalisé en 1979 par Hayao Miyazaki en personne.

Cette version en chair et en os de Lupin III, signée Riyûhei Kitamura, n’est en fait pas la première : il y eut déjà, en 1974, une première tentative de filmer les tribulations de la bande à Arsène en prises de vues réelles (Rupan Sansei : Nenriki Chin Sakusen de Takashi Tsuboshima). C’était donc il y a plus de quarante ans, et l’arrivée de ce nouveau long métrage risque de mettre dans tous leurs états les fans nombreux de l’œuvre de Kazuhiko Katô, alias Monkey Punch. Le dessin animé, en effet, est plutôt marrant, avec des héros cambrioleurs décontractés, plus ou moins grimaçants, affichant tous un look et une personnalité singuliers. Et surtout, Lupin III n’est pas un D.A. pour enfants : les scènes de violence (cartoonesque, soit, mais quand même) et les situations grivoises ne manquent pas, avec des personnages féminins tout en courbes, à commencer par Fujiko Mine, la copine-complice d’Arsène, aux tendances bisexuelles et qui se retrouve souvent ligotée (son nom signifie par ailleurs « sommets du Mont Fuji », allusion poétique à la proéminence de ses seins). Le reste du groupe est composé de Goemon, le samouraï en tenue traditionnelle, et de Jigen, portant chapeau mou, costard et collier de barbe.

Ces bases étant posées, qu’allons-nous découvrir dans le film ? La séquence d’ouverture donne le ton : nous sommes à Singapour, la nuit, aux abords d’un musée privé archi-sécurisé. Il y a des alarmes partout, des cellules laser à ne surtout pas effleurer, etc. Cela fait bien rire nos as de la cambriole, qui pénètrent sans stress dans l’enceinte aux mille pièges. La bande se joue de tous les traquenards en prenant le temps de faire les zouaves au mépris total du suspense ! Bien sûr, le butin visé finit dans leur poche avant que les gardiens n’aient le temps de dire ouf.

Adaptation de manga ou pas, on est en droit d’attendre d’un film de casse/de braquage qu’il nous accroche avec un minimum de tension lorsqu’il s’agit de mettre en scène les frics-fracs et leurs indispensables préparatifs. Mais Riyûhei Kitamura n’avait pas pour but de refaire Mélodie en sous-solLe Cercle rouge ou encore Heat de Michael Mann. Le réalisateur pourtant survolté de Godzilla: Final WarsVersus et de Midnight Meat Train a abordé son nouveau film avec la nonchalance d’un Lupin, troisième du nom. Nous voici devant un drôle de spectacle avec des personnages relax en costumes colorés, des cascades invraisemblables et une musique jazzy easy-listening en permanence à l’arrière-plan sonore (absolument ! c’est insupportable). Et le film a beau reprendre fidèlement tous les tics rigolos du programme d’origine, il est hélas difficile de se passionner pour ces presque 2h15 de projo aux enjeux dramatiques très lâches. Lupin and Co vont courir après un collier précieux ayant appartenu à Cléopâtre, poursuivis sans relâche (et sans succès, comme dans la série) par le pauvre inspecteur Zenigata. Il y aura un deuxième casse, en toute fin de métrage, avec coups de pétoires et explosions, histoire de conclure en apothéose et prouver que la bande à Lupin est vraiment plus maligne que tout le monde. Mais ça, on l’avait compris dès la première scène.

Reste l’interprétation convaincante, dans le rôle-titre, de Shun Oguri (Crows Zero), très classe, et deux séquences ma foi fort surprenantes : une course-poursuite démente sur l’autoroute (où Goemon, comme à son habitude, stoppe net les bagnoles à coups de katana !) et un tête-à-tête féminin entre la belle Fujiko (Meisa Kuroki) et une donzelle féroce experte en high-kicks : imaginez Fujiko sortant encore dégoulinante de sa salle de bain pour tomber sur la nénette qui l’attend en bas résille sur son lit. Vont-elles a) finir sous la couette ? b) se mettre sur la tronche et tout péter dans l’appartement ? Réponse lorsque Lupin III sera distribué sous nos latitudes ! Le film est sorti un peu partout en Asie du sud-est, il sera disponible dans quelques semaines en DVD et blu-ray en Europe, mais seulement chez nos voisins espagnols et allemands…

Si vous êtes un(e) fan hardcore de Lupin et ne pouvez déjà plus attendre, voici en guise d’amuse-bouche deux fan-films bien sympathiques (surtout le premier) tournés récemment par des bandes de joyeux lurons italiens très motivés. Sincèrement, le résultat est plus fun que le film de Kitamura-san.