On ne dira pas que l’« indie horror » britannique ne nous sert que du caviar, mais il n’empêche que, depuis les coups d’éclat de Shaun of the Dead, Severance et autres Doghouse, nos voisins d’outre-Manche ont gagné une jolie réputation en matière de comédies sanglantes dynamiques et sympathiques. Tout frais de cette année, voici Book of Monsters et Shed of the Dead, deux productions certes imparfaites mais qu’on suit du coin de l’œil avec un intérêt amusé. Prêt pour une virée avec démons, cockneys et zombies ? C’est parti !

Cofinancé, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, par une campagne de crowdfunding, Book of Monsters n’est pas sans rappeler le micro-classique Night of the Demons (1988) de Kevin Tenney, avec un décor unique, des amis réunis pour faire la fête et… des démons sanguinaires qui s’invitent pour gâcher la soirée. Pas de chance pour la timide Sophie, qui a organisé à la maison une fête d’anniversaire pour ses 18 ans. Ses deux meilleures copines Mona et Beth sont à ses côtés et, si tout se passe bien, Sophie pourra séduire Jess, une camarade de lycée pour qui elle a un sérieux béguin. Mais ce serait compter sans la présence dans le foyer d’un grimoire maudit, laissé là par feue la maman de Sophie, une lady un peu sorcière qui mourut sous les yeux de sa fille dans des circonstances horribles, dix ans plus tôt. Des entités maléfiques s’échappent des pages du bréviaire démoniaque, ils en ont après Sophie et veulent profiter à leur manière de la majorité de l’héroïne…

D’une façon, le scénario touche par sa candeur : s’imaginer que des monstres infernaux attendent sagement, tapis dans l’ombre, que l’objet de leur convoitise ait atteint la majorité légale pour la posséder, ou je ne sais quoi, est un signe confondant de naïveté. Le déferlement de puissances sanguinaires est en tout cas l’occasion pour les auteurs de glisser — c’est comme une coutume dans le genre — moult clins d’œil aux films d’horreur qui les ont bercés pendant leur adolescence. Le film est donc amusant à suivre entre potes : on peut jouer, c’est à qui donnera le plus vite les titres auxquels font allusion dialogues et mise en scène. Même les moins vifs ont le temps de marquer des points, car il faut avouer que le rythme de Book of Monsters est tout sauf déchaîné, la faute à un montage qui aurait gagné à tailler dans les parlottes les plus laborieuses. Deux, trois astuces maladroites nuisent aussi à la crédibilité (telle une tronçonneuse visiblement en position off mais qui rugit quand même dans la bande son !). Mais précisons que le budget microscopique du film (moins de 70.000 euros), s’il ne permettait aucun luxe numérique, nous vaut d’admirer des costumes et des maquillages fignolés avec amour à l’ancienne, avec six monstres d’aspects très différents, tous filmés live sur le plateau, et voilà qui fait sacrément plaisir à voir.

Totalement inédit : le cadre où se déroule Shed of the Dead. L’action tourne essentiellement autour (et à l’intérieur) d’une cabane à outils plantée au milieu de jardins ouvriers. C’est dans cette cahutte que Trevor, un trentenaire « entre deux jobs », passe le plus clair de son temps, partagé entre la distillation clandestine de vodka et la peinture de figurines de wargames. Un refuge pour cet ado attardé, où il peut oublier qu’il est au chômedu et que sa bourgeoise esthéticienne lui mène la vie dure à la maison. Patatras, voilà que survient une apocalypse zombie ! Comment notre antihéros va-t-il survivre à l’invasion des morts-vivants ?

L’irruption des zombies dans l’histoire n’est pas si gratuite que ça, en tout cas les auteurs s’emploient à la justifier en affirmant que la place des morts-vivants dans notre imaginaire est aujourd’hui si importante qu’ils finissent par exister. Dont acte. Mieux doté que Book of Monsters, Shed of the Dead s’est offert les services de vieilles gloires de l’horreur à l’écran : Kane Hodder (Jason dans plusieurs Vendredi 13), Michael Berryman et Bill Moseley viennent cachetonner l’espace de deux ou trois scènes. Cependant l’histoire est avant tout celle de quatre personnages : Trevor le « jardinier », sa mégère Bobbi, son meilleur pote Graham (un bon à rien encore plus « nerd » que lui) et Harriet, à la fois collègue de Bobbi et objet des fantasmes de plein de messieurs (elle arrondit même ses fins de mois en facturant ses talents à ses prétendants). Le quatuor se chamaille souvent, les piques volent bas au sujet de la virilité des hommes ou la mesquinerie des femmes, mais on ne tombe pas dans le vaudeville pour autant car les auteurs n’ont pas oublié qu’ils écrivaient un film d’horreur. Le script prévoit les scènes obligées de morsures-contamination, la cabane du titre (« shed ») connaît des moments intenses où les outils du jardin ne servent pas qu’à biner, et on retiendra aussi quelques envolées rigolotes dans l’imaginaire théâtral des mecs fans de jeux de rôle et de wargames, qui se rêvent en preux chevaliers (de loin les séquences les plus drôles, l’humour, par ailleurs, rasant souvent les pâquerettes). Et sinon, là encore, le bât blesse globalement au niveau du rythme, loin d’égaler la maestria de Shaun of the Dead, le modèle d’inspiration indiscutable (et indépassable ?) du film.

Book of Monsters a bénéficié l’an dernier d’une projection française au festival L’Absurde Séance, à Nantes, et il est sorti fin mars dans les salles américaines. Quant à Shed of the Dead, il vient d’être projeté, il y a tout juste dix jours, au SciFi London Film Festival. Guettez les catalogues de vos plateformes de VOD préférées, c’est sans doute là que vous pourrez prochainement découvrir les deux titres.