Big Bad Wolves sort en France avec une caution de prestige, celle de Quentin Tarantino en personne, qui a qualifié de « meilleur film de l’année » ce second long métrage des auteurs de Rabies (présenté à Gérardmer ; chercher la critique par ici). On peut facilement comprendre pourquoi ce thriller horrifique a pu emballer le réalisateur-star, cependant le compliment de Tarantino est aberrant, tant il paraît disproportionné.

À Tel-Aviv, un tueur d’enfants enlève des petites filles pour les violer et les décapiter. La police met la main sur un suspect, un jeune prof d’éducation religieuse, mais doit le relâcher aussitôt pour cause de grosse bavure. Le père de la dernière victime, secondé par l’un des flics mis en congé forcé, enlève le coupable présumé pour le séquestrer et lui faire avouer ses crimes, par tous les moyens. Au départ pointé du doigt par un simple témoignage, le dénommé Dror a pourtant la tête d’un parfait innocent…

L’essentiel de l’histoire se déroule dans le sous-sol où les trois hommes sont réunis. L’interrogatoire clandestin tourne à la séance de torture, régulièrement interrompue, dans un esprit de comédie noire, par des coups de fil inopportuns (la maman juive qui n’arrête pas d’appeler — sacré cliché !) ou l’irruption à la porte de personnages extérieurs. On devine ce qui a plu à Q.T. : les nombreux échanges verbaux entre les personnages donnent lieu à des conversations drolatiques, surréalistes, ponctuées par des éclairs de violence qui rappellent Reservoir Dogs et la fameuse scène de sévices perpétrés par Mr Blonde sur le flic ligoté à une chaise. Les dialogues sont en outre servis par d’excellents comédiens (Lior Ashkenazi, qui interprète le policier, est une grande vedette en Israël), et leur trio (puis quatuor) à géométrie variable fournit une bonne dose de combustible au scénario. Mais patatras, la dynamique entre les protagonistes ne suffit pas à masquer les carences d’un récit somme toute banal (le suspense se résume à une seule question : le gars est-il innocent ou pas ?), et qui s’avère surtout très mal écrit, caviardé d’incohérences criantes. Un des héros passe des plombes avec un bâillon qu’il pourrait ôter sans difficulté, il s’enfuit du lieu de l’interrogatoire (un chalet isolé) à vélo en pleine nuit, alors qu’un téléphone était à sa portée pour appeler à l’aide, etc. L’addition de ces bêtises finit par gâcher la vision du film, et on se dit que les auteurs auraient de quoi se faire taper sur les doigts (sans jeu de mots, vous comprendrez en voyant la seule bande annonce !) dans n’importe quelle école de scénario. Enfin, Big Bad Wolves, production israélienne, réserve aussi quelques séquences à message sur les rapports entre juifs et palestiniens, comme s’il était impensable qu’un métrage de cinéma produit à Tel-Aviv puisse ne pas aborder cette question. Dans le cadre d’une intrigue de genre, d’un suspense archi-violent comme celui-ci, ce parti pris semble totalement hors de propos.

Sortie dans les salles le 2 juillet 2014.