Sur une île isolée au large de l’Écosse, six adolescents se réveillent seuls dans leur pensionnat: surveillants et professeurs ont mystérieusement disparu. D’abord ravis d’être libérés de toutes contraintes, ils finissent par prendre la route, en quête de réponses. Devant eux se dessine progressivement l’apocalypse: infectés par un virus inconnu, les adultes se sont transformés en prédateurs sanguinaires. Désormais, pour survivre, le groupe doit répondre à deux questions: comment quitter l’île ? Et à quel moment devient-on adulte ?

Ce nouveau film de Thierry Poiraud (Goal of the Dead), sortira en VOD le 1er avril. Pourquoi? Et bien on ne sait pas! Car le film est vraiment bien avec une superbe réalisation, un script bien travaillé et des acteurs très touchants. L’avant-première a eu lieu jeudi et le producteur a expliqué qu’il avait été très dur de vendre le film aux exploitants: pas assez gore pour un film d’horreur ou encore trop intellectuel pour le genre. Des aberrations qu’on aimerait ne plus entendre en 2016!

Alone est pourtant un très bon film malgré une fin un peu rapide. Très clairement, ce n’est pas un film de zombies ni même d’infectés. Certes, les adultes se transforment en monstres tueurs d’enfants, mais de par leurs regrets, leurs émotions et leur conscience des crimes qu’ils commettent, ils ne possèdent pas les mêmes caractéristiques que les zombies habituels.

Si le réalisateur note humblement qu’il n’a pas voulu réinventer le genre, il a cependant bien adapté le mythe de Peter Pan! Car ce n’est qu’en devenant des adultes (responsabilités, désillusions de la vie et violences) que ses héros deviendront « zombies ». Ils seront infectés par le virus de l’âge adulte si l’on peut dire! Et c’est en effet ce qu’on nous montre: des jeunes plein de fougue, sans arrière-pensées, libres et s’affranchissant de certains codes de bienséance (comme voler dans un supermarché). Ce que nous montre Poiraud et sa scénariste, c’est clairement: grandir, c’est mourir! Chacun adhérera ou non à la parabole de l’infection, mais il faut bien dire que le thème est traité de façon très originale. De plus, proposer un film de ce genre avec un tel message derrière ne s’est jusqu’à maintenant jamais vu.

Ainsi très vite, on est obligé de s’attacher à ce groupe d’adolescents lâchés en pleine nature, car finalement on a très envie qu’ils ne grandissent pas. De par cette réflexion, s’opposant clairement à notre société actuelle, nous nous rendons vite compte que derrière les séquences horrifiques et apocalyptiques se cachent plutôt une réflexion philosophique, aussi bien sur la pression qui pèse sur les épaules des enfants que la sauvagerie que renferme les adultes, garants d’un certain équilibre. On repensera forcément au Fils de l’Homme de Cuaron.

Les acteurs justement sont tous très bons, mais on retiendra surtout Fergus Riordan en Bastian, jeune homme solitaire et torturé par son passé; le plus intelligent de la bande d’ailleurs et celui pourtant qui restera le plus longtemps en enfance… L’acteur a certainement un avenir prometteur dans le cinéma!

Même donc s’il y a quelques longueurs au final pour des séquences au début trop rapidement expédiées et une fin en demie teinte où le point de vue n’est pas clairement marqué et un petit manque d’émotion, Alone est un film « d’horreur » très intelligent à la tension prononcée, avec quelques touches d’humour et un thème admirablement développé. Il serait dommage de voir dans cette histoire un nouveau film de zombies, car ce n’en est clairement pas un!

Il faudra également souligner le magnifique travail de la caméra et la photographie avec des plans de natures magnifiques (notamment à l’ouverture) et des décors très réalistes (le village de pêcheurs à la fin). Le film tend au final plus vers l’apocalyptique que le film de zombies (je le redis pour la troisième fois pour éviter ainsi que les non-fans du genre passent à côté d’un film clairement dramatique sur le passage à l’âge adulte!). De plus, la musique de Jesús Díaz est grandiose (oui!) et vient soutenir la tension du film. L’ensemble est au final très cohérent ce qui renforce l’impression de réalisme.

CONCLUSION

Si comme Thierry Poiraud et son producteur Jérôme Vidal le cinéma français pouvait prendre plus de risques et faire plus confiance, on aurait sans doute beaucoup plus de films intéressants (et intelligents…) comme Alone. De plus, le film de genre mérite d’être reconnu: pour ce qu’il est (du divertissement), mais aussi pour ce qu’il cache (des thèmes universels abordés différemment). C’est exactement ce qu’est Alone! Parce que l’on sent aussi que le réalisateur a des références et est un passionné de fantastique; parce qu’utiliser la métaphore de Peter Pan ainsi est une idée brillante, s’appuyant à la fois sur un certain onirisme et une réalité bien actuelle.