Trouchu-les-Mines ! Une bourgade de corons en pleine déshérence depuis les fermetures successives des exploitations de charbon. Pour trouver de l’animation dans le coin, il faut faire un tour au bistrot où un pilier de comptoir alimenté au gros rouge saura vous distraire en vous narrant jusqu’à plus soif ses souvenirs de la fosse… ou alors, il reste l’option du « Zombillénium », à cinq minutes à vol de corbeau, un parc d’attractions vraiment pas comme les autres puisqu’on y trouve un personnel composé à 100% d’authentiques loups-garous, vampires et morts-vivants ! Mais le parc à thème est lui-même menacé, ne rapportant plus assez de thunes à son grand patron invisible, j’ai nommé Satan en personne…

Le générique magnifique de Zombillénium nous raconte avec un sens affûté de la concision les origines du parc, construit sur les ruines d’une mine où périrent (puis revinrent, sous forme de zombies !) une quinzaine de mineurs décimés par un coup de grisou. Le destin tragique des « Gueules noires », les morts comme les vivants, tient forcément à cœur aux auteurs du film, Alexis Ducord et, surtout, Arthur De Pins, le papa de la bande dessinée éponyme (trois tomes à ce jour) éditée depuis 2010 par Dupuis (après une première publication dans les pages de Spirou). Non pas car Arthur De Pins est lui-même nordiste (il est né en Bretagne), mais simplement parce que la condition humaine dans le 59 n’a guère changé depuis Zola et Germinal. Et le parc Zombillénium, avec sa cohorte de créatures cauchemardesques et sympathiques, nous présente donc une version revisitée des « damnés de la terre » célébrés par les gorges militantes qui sans relâche entonnent l’Internationale.

Le contenu politique, évident pour le public adulte, passera sans doute inaperçu aux yeux des plus jeunes spectateurs, qui prendront plaisir (comme tout le monde) aux gags désopilants et au graphisme somptueux, fidèle à la bande dessinée. La galerie de portraits est fantastique, dans tous les sens du terme, avec un soin énorme accordé aux personnages de premier comme de second plan (les auteurs savent l’importance comique des « sidekicks » et autres silhouettes d’acolytes). Au demeurant classique dans son déroulement, le scénario nous fait découvrir l’univers du parc en précipitant un héros candide au milieu de la faune hétéroclite de monstres gentils. Candide n’est du reste pas le terme le plus approprié pour désigner ledit héros, du nom d’Hector Saxe, contrôleur de normes de sécurité prenant un malin plaisir à mettre des bâtons dans les roues de tous ceux qu’il inspecte, quitte à faire fermer les entreprises visitées ! Un zèle fort mal placé qui va lui faire intégrer la population des damnés…

Le parcours d’Hector au sein de Zombillénium, forcément, amène les auteurs à convoquer moult figures typiques des univers de l’épouvante, et le film est une déclaration d’amour à tous les personnages qui, en principe, font très peur, mais auxquels tous les amateurs de fantastique vouent une affection sans borne. Le scénario égratigne au passage les nouvelles tendances de l’horreur mainstream (les vampires glam et romantiques chers aux thuriféraires des romans de Stephenie Meyer), et ne manque pas non plus de rappeler les ponts entre les genres de l’imaginaire et ses univers connexes, particulièrement la musique metal, incarnée dans le personnage symbolique de Gretchen, la jeune « sorcière stagiaire », qui arbore tatouages et t-shirt noir siglé du logo du groupe Nine Inch Nails. Au cœur du film nous attend même un numéro musical de toute beauté sous forme de « battle » de grattes électriques, où Hector et Gretchen s’affrontent puis se séduisent devant un public de monstres lui-même conquis. Et les deux doigts levés en forme de cornes démoniaques, signe de reconnaissance de tous les métalleux du monde, deviendra ensuite le geste de ralliement des habitants du parc, menacés de disparition mais résolument insoumis face à des repreneurs issus du grand capital mondialisé, qui ne jurent que par les divertissements consensuels et aseptisés.

Zombillénium est sur les écrans depuis le 18 octobre. À tous ceux qui ne l’ont pas encore vu, vous êtes aujourd’hui à la date rêvée, le jour d’Halloween, pour foncer dans la salle obscure la plus proche et découvrir l’un des meilleurs films de l’année !

En bonus, le clip Stand As One de  Mathieu-Emmanuel Monnaert, alias Mat Bastard, chanteur du groupe nordiste Skip The Use. La chanson est dans le film, bien sûr. Le reste de la bande originale est signée du compositeur Éric Neveux.