Proche d’Akira et de Blade Runner, YIU est fait d’éclaboussures. De ces éclats qui blessent nos âmes en leur tréfonds. Alors qu’un troisième Premières Missions pointe son nez dans les rayons des libraires et qu’un cinquième tome de la série-mère s’annonce, nous n’avons pu résister à l’envie de braquer nos projecteurs sur cet univers des plus sombres. Et c’est Téhy, scénariste de la série, qui nous répond…
Khimaira : YIU est l’histoire d’un monde ayant sombré dans une violence canalisée par les religions. Violence et religion, deux faces d’une même pièce ?
Téhy : Il semblerait bien, on sait tous, depuis la nuit des temps, que les deux sont liées… Et en même temps, je reste un optimiste, j’aime beaucoup la grande idée utopiste que véhicule les religions, et je ne peux me résoudre à ne voir que l’aspect destructeur… Si dans YIU on creuse l’aspect sombre, c’est avant tout pour le fun que ça représente. Curieux paradoxe des auteurs d’aujourd’hui, plus les choses sont sombres et plus c’est réjouissant !
K : Comment vivez-vous le fait de publier une série de SF qui aborde le fanatisme alors que notre quotidien est la scène d’attentats monstrueux ?
T: Certains éléments sont délicats à appréhender. J’ai le démarrage d’un YIU portant sur un état bâti et reconnu d’Al-Qaida, mais nous hésitons à nous lancer dans cette histoire, par manque de recul. Beaucoup de gens m’ont appelé le 11 septembre en me disant que YIU passait aux infos. Dans ces moments-là, l’aspect fun est nettement moins perceptible ! Mais en même temps, l’univers YIU est une formidable façon de parler du monde d’aujourd’hui… J’aimerais juste que le monde d’aujourd’hui ne tende pas à ressembler à celui que nous avons imaginé.
K : Les histoires SF sont-elles les fables d’aujourd’hui ?
T : Effectivement. Le YIU Premières missions sur les dons d’organes est venu du regret que cette possibilité-là ne puisse nous être accordée, dans la vie réelle, suite à un accident très personnel. Mais, très vite, on réfléchit aux implications d’un pareil processus et… on réalise toute l’horreur d’une telle évolution. En parler dans YIU est une façon de prendre position.
K : Pourquoi une héroïne plutôt qu’un héros ? L’effet Nikita ?
T : Il y a de l’effet Nikita, effectivement. Daryl hannah dans Blade Runner aussi. Dessiner et voir vivre une vraie femme sexy, dans un environnement très dur, est toujours un contraste intéressant. Et tout ça n’est pas très réfléchi, on se lance, tout simplement. Au plaisir.
K : On fêtera tout bientôt le troisième YIU : Premières Missions. Aide pour le lecteur ou plaisir d’auteur ?
T : Plaisir d’auteur avant tout. Envie d’être présent, envie de raconter plein d’histoires… Je suis un boulimique. Nous travaillons sur YIU Premières Missions 4 et déjà deux autres albums se précisent. Pas besoin d’attendre et de se mettre à chercher des idées, elles se bousculent, il suffit de les noter, et de choisir. Après, et c’est là le gros du travail, il faut les organiser, les lier, trouver la construction. C’est nettement moins simple… Nous sommes heureux de voir qu’a priori, les lecteurs de YIU prennent autant de plaisir à suivre la série parallèle.
K : Que pouvez-vous nous dire sur le cinquième tome à paraître tout prochainement ?
T : YIU part en vacances sur une île paradisiaque. Là, elle sirote cocktails sur cocktails et tombe amoureuse d’un homme charmant qui l’invite en pique-nique vers la fin de l’album… Euh non, pas vraiment ça en fait : le monde est de plus en plus sombre, tout se joue en une nuit où les armées sataniques vont prendre le pouvoir. La forteresse, symbole de la puissance des religions unies, va s’effondrer et YIU va s’acharner sur la Bête… L’album est très réjouissant à travailler car il emprunte aux grosses scènes de destruction des blokbusters ; il y a un aspect très grandiose et beaucoup de choses évoluent dans cet album. On glisse aussi pas mal d’éléments, et ça c’est l’aspect plus technique, qui nous prépareront au tome final, le tome 7. Mine de rien, la fin de YIU – et la fin du monde tout court –, n’est plus que dans deux albums ! (rires)