L’assassin Vladimir Taltos (Vlad pour les intimes) contrôle depuis six mois les activités illégales d’une partie du territoire du seigneur Toronnan (qu’il a « héritée » de son ancien maître) dans la cité d’Adrilankha. Lorsque Laris, ancien collègue de Vlad et responsable d’un autre territoire se permet d’installer un commerce sous sa tutelle dans la zone de Vlad, la guerre est ouverte. Mais Vlad s’étonne des ressources de son adversaire et va découvrir peu à peu qu’il pourrait cacher quelqu’un de plus important. Par ailleurs, la succession au trône de l’impératrice semble étrangement liée à cette affaire, pourtant bien éloignée des considérations de la cour. Mais Vlad n’est pas démuni, puisqu’il conte parmi ses amis plusieurs membres de la caste des Dragons.
 
Ce livre est une dose d’énergie pure. Le dialogue y est roi, la description quasi absente. Le narrateur est Vlad Taltos lui-même et le récit fait à la première personne est émaillé de ses considérations sarcastiques, un peu à la manière d’un Nestor Burma. Des liens avec le polar ou le roman noir, il y en a bien d’autres puisque l’on se croirait plongé dans un remake de Scarface si la magie n’était pas présente. L’intrigue est prenante, même si on a un peu de mal à discerner tous les évènements dans un premier temps sous le fourmillement d’hommes de mains qui apparaissent pour se faire abattre quelques pages plus loin. L’auteur va directement au fait, sans s’encombrer de détails et nous plonge au cœur de l’action, avec une focalisation sur ce personnage perspicace mais à la morale reprochable qu’est Vlad Taltos.
 
De l’énergie, oui, mais sans doute à une condition que de nombreux amateurs de Fantasy refuseront. En effet, si l’on fait abstraction des télétransportations mentales et de termes tels que « auberge » ou « ménestrel », difficile de se savoir dans un univers médiéval-fantastique. Les lieux ne sont pas ou peu décrits, et la très belle couverture de Guillaume Sorel apporte un précieux soutien à l’imagination. Vlad est accompagné d’un familier nommé Lloiosh dont, si on sait qu’il vole, on imagine difficilement l’apparence. L’historique de l’univers n’est guère explicité, ce qui rend certains passages plutôt abscons. Si l’humour et le dynamisme valent le détour, l’originalité est bien dans l’association du roman noir et de la fantasy car, les deux dissociés ne reprennent que des poncifs de chaque genre. Les amateurs de volumes épais aux univers ciselés avec attention ne s’attarderont pas sur Yendi ; les amateurs de films d’action se régaleront. Mais l’aventure n’est pas terminée, et espérons que les prochains tomes nous feront découvrir d’autres facettes du talent de Steven Brust.