What Happened To Monday impose à la réalisation un challenge technique, et en même temps de battre un nouveau record : après avoir vu Jeremy Irons se donner à lui-même la réplique dans Faux Semblants et Michael Keaton cloné en cinq exemplaires dans Multiplicity, on peut grâce au film de Tommy Wirkola admirer sur l’écran pas moins de sept versions différentes de Noomi Rapace. L’actrice suédoise incarne à elle seule une fratrie de septuplées, nées dans un avenir sombre où la surpopulation menace la planète et où la politique en termes de natalité n’autorise aux couples qu’un seul et unique enfant (les bambins surnuméraires étant placés en « cryo-sommeil » dans l’attente de jours meilleurs). Dissimulées par leur grand-père, les sept sœurs, baptisées des noms de chaque jour de la semaine, ont vécu clandestinement, ne sortant, à tour de rôle, que les jours correspondant à leurs prénoms. Un lundi pas comme les autres, Monday disparaît…

Les doigts de fées du numérique ont donc accompli des prodiges pour que Noomi interagisse avec une, deux, voire trois copies d’elle-même à la fois (les plans réunissant toutes les sœurs dans le cadre sont quand même rares). Le résultat est totalement bluffant, et on n’est jamais perdu pour savoir qui est qui car, dans leur appartement, les sept femmes affichent des looks — et des personnalités — très distincts. Ce parti pris aurait pu donner un petit côté « sept nains » un peu ridicule (d’autant que la première scène qui les dévoile ensemble, adultes, se déroule autour d’une table de dîner), mais non, on est plutôt heureux de pouvoir se raccrocher à ce marquage précis des différentes identités. L’histoire, de toute manière, ne prête guère à la rigolade, se déroulant dans un environnement anxiogène qui n’est pas sans rappeler le monde en décrépitude du célèbre Soleil Vert de Richard Fleischer. Tourné en Roumanie, à Bucarest, où la population a d’ailleurs longtemps vécu sous la dictature, What Happened To Monday dépeint une société devenue totalitaire où les affiches de propagande tapissent l’espace public pour promouvoir l’enfant unique ou la stérilisation volontaire. Pour parachever le tout, des types patibulaires en uniforme n’ont de cesse de vérifier les identités et débusquer les éventuels « siblings » qui seraient passés entre les mailles du filet.

Cette production grand public ne se vautre toutefois pas dans la noirceur. L’intrigue motivée par la question du titre (« Mais qu’est-il arrivé à Monday ? ») va mettre les héroïnes aux prises avec les nombreux agents, armés jusqu’aux dents, des services de régulation démographique. D’où des séquences irréalistes (néanmoins efficaces) de poursuites, bastons et explosions qui, en deuxième moitié de projo, font du film un nouveau blockbuster de S.F. assurant divertissement et adrénaline. On peut même aller plus loin en assimilant le parcours des héroïnes à la résolution d’un jeu vidéo (Noomi dispose de sept vies, combien en grillera-t-elle pour accéder victorieusement à la fin de la partie ?). Le dénouement s’inscrit dans cette optique : même si elle n’est pas avare en révélations cruelles, la conclusion est un poil décevante, convenue, n’osant pas (au contraire de Soleil Vert, justement) tenir jusqu’au bout son pari d’une prospective pessimiste. Pas de quoi, cela dit, bouder son plaisir devant le spectacle enlevé orchestré par le Norvégien Tommy Wirkola, qui n’avait pas jusqu’ici signé de titres mémorables (il est l’auteur du diptyque de zombies Dead Snow et du médiocre Hansel & Gretel, Witch Hunters, sorti en 2013). Et N. Rapace assure sa part du show en jouant les sept personnages principaux. Dans la comédie Noblesse oblige, Alec Guiness grimé incarna huit rôles différents, mais ce n’était quand même pas le même exercice. Le défi d’actrice était inédit, Noomi l’a relevé avec un talent évident et une superbe intensité.

What Happened To Monday sera ce mercredi 30 août dans les salles, distribué sous le titre « français » anonyme et passe-partout Seven Sisters.