Si les vampires ont depuis longtemps planté leurs canines aiguisées dans la littérature et le cinéma, affirmant une place tout naturellement prépondérante dans ces médias, il semble en être autrement dans la bande dessinée. En effet, on a vite fait le tour des Seigneurs de la nuit en leurs apparitions dans les cases et les planches de BD. Pourtant, depuis quelques années, les proches parents de Dracula percent ce médium et certains d’entre eux arrivent même à hypnotiser de bonheur et de délice de très nombreux lecteurs.

Nous passerons donc ici les Vampirella, Princesse Miyu, Requiem (Ledroit/Mills), Crimson, Buffy qui sont des œuvres vampiriques certes, mais qui ne connaissent pas l’engouement des trois séries que nous présenterons ici (voir, à leur sujet, notre autre texte BD sur les vampires). Bien entendu les œuvres non ici discutées sont importantes et le lecteur/collectionneur se les procurera sans hésiter. Tout comme certains one-shots sont inévitables : le magnifique  » Nosferatu  » de Druillet, « Dracula, Dracul, Vlad ?, bah… » de Breccia ou encore le très joli récit de Crisse « Mary’s Christmas ». Citons encore le « Dracula » de Mignola, adapté du film de Coppola. Enfin, le collectif « Vampires », sorti aux éditions Carabas. Un véritable petit bijou!

On le voit, les vampires ont jeté leurs ombres dans la BD et c’est tant mieux ! Par ses caractéristiques et la grande liberté visuelle que permet la BD, il est pas impossible que celle-ci apporte un nouveau souffle à l’image de cette captivante créature de la nuit.

Mais il est temps de nous jeter dans les trois séries phares de la BD vampirique : « Le Prince de la Nuit » de Swolfs (Glénat), « Rapaces » de Dufaux et Marini (Dargaud) et « Je suis un vampire » de Trillo et Risso 5albin Michel).

Le Prince de la Nuit

En créant le vampire Kergan, Yves Swolfs empruntait le chemin d’une image assez classique du Maître de la Nuit. Kergan est séducteur tout en étant un monstre. Il est l’incarnation véritable du Mal auquel s’oppose depuis toujours les Rougemont. Vincent Rougemont quant à lui représente le Bien. Au fil des albums, le lecteur découvre les aventures des aïeuls de Vincent et l’histoire de leurs luttes contre Kergan et ses disciples.

La série scénarisée et dessinée par Yves Swolfs est intéressante car il pose avec un certain brio la dichotomie Bien/Mal. C’est un retour aux sources non négligeable à une époque où le vampire dans la littérature et au cinéma semble avoir beaucoup perdu de sa monstruosité. Sous des dehors romantiques (du moins l’aspect physique de Kergan), le monstre est bel et bien présent. Un monstre sans morale et sans pitié.

Notons encore que la série jouit d’un graphisme vraiment excellent et soulignons ici combien le travail de coloriste de Sophie Swolfs est remarquable. L’atmosphère qui se dégage des couleurs employées est unique et contribue pour beaucoup à l’instauration du malaise lorsque apparaît le vampire. Choisir une représentation classique n’est pas toujours facile. Ici la réussite est pleine et entière.

Rapaces

Lorsque Dufaux a en tête une idée de scénario sur les vampires mêlant fantastique et policier, Marini n’hésite pas un instant ! De la rencontre de ces deux hommes naît Rapaces, une série originale basée sur des créatures violentes et sanguinaires : Camilla et Drago. Ces deux superbes vampires viennent venger la mort de leur père Don Molina. On découvre que les vampires se sont regroupés en une société secrète et puissante qui dirige le monde. Contre Camilla et Drago se dresse une génération de vampires vieillots, vautrés dans leur vie dénuée d’animalité. Des vampires ayant renoncé à « saigner les humains » pour pouvoir mieux les asservir. Mais les Molina ne l’entendent pas de cette oreille… Oreille ? Un mot-clé dans ces aventures puisque étrangement les vampires possèdent derrière l’oreille un kyste qui, une fois percé, signifie leur mort.
Rien ne semble pouvoir stopper Drago et Camilla dans leur vengeance sanguinaire. Rien ? Peut-être que si… Quelqu’un.. Aznar Akeba. Le mystérieux jeune homme va doucement comprendre ces cauchemars qui le perturbent depuis toujours et se lancer dans sa véritable destinée..

La série est captivante. D’une violence inouïe, nous sommes confrontés à des vampires plus instinctifs encore que le Kergan de Swolfs mais en même temps plus ancrés dans notre réalité. Ils vivent pleinement leur époque et partage des goûts extrêmes qui sont spécifiquement ceux des êtres humains : puissance, pouvoir, sexe… Une représentation intéressante donc de par cette distance joint à un rapprochement d’avec l’homme. Et tout cela sur fond de mythologie hindoue qui donne une richesse supplémentaire au genre.
Enfin, le graphisme développé par un Marini en pleine forme ces derniers temps est également un atout majeur de cette série. Certaines cases nous coupe littéralement le souffle (mais d’autres malheureusement beaucoup moins…). Les couleurs sont percutantes et renforcent l’idée d’action. Une idée reprise sur le site www.rapaces.net dans l’introduction Flash. Un petit bijou !

Je suis un vampire

On quitte la couleur pour rentrer dans l’ombre d’un jeune garçon, fils de Pharaon. Un jeune garçon frappé de la malédiction d’être immortel et donc déjà âgé de 5000 ans ! Une malédiction qui le condamne à se nourrir de sang car il est un…vampire ! Face au jeune garçon se dresse son ennemie, une femme cruelle qui jouit des mêmes terribles pouvoirs que lui…

Alors qu’on ne l’attendait pas, cette série a surgit du néant et connaît un succès mérité. Le fait de présenter le héros-vampire sous les traits d’un enfant amène également une figure intéressante. Les auteurs ont choisi de suivre le chemin tout naturel qui lie l’image de l’enfant à la sagesse ou la bonté et le vampire ici raconté est donc un « bon » vampire qui doit « supporter » sa condition. Et cela mérite le détour…
Côté graphisme, l’utilisation du noir et blanc permet également d’accentuer le jeu d’ombres et donne à la série une originalité par rapport aux deux autres pré-citées.
Un argument supplémentaire pour que ces albums s’ajoutent à votre collection vampirique !

Voilà donc trois séries incontournables et qui dressent chacune des portraits différents du vampire. Rivalisant de richesse et de délices graphiques, ces trois séries ont certainement méritées leurs places dans vos bibliothèques. De quoi faire frissonner vos nuits et vampiriser vos portefeuilles !

Bonnes lectures…