L’année 2009 se termine comme elle avait commencée sur au moins un point : le phénomène Twilight vampirise l’actualité cinéma. La différence vient de ce qui est proposé comme alternative. L’hiver dernier, c’est la neige suédoise qui se teintait de sang pour nous offrir une vision très différente de la créature nocturne la plus populaire : Morse (Låt den rätte komma in) présentait la relation étrange entre un jeune garçon et une « jeune » vampire. Cet automne, c’est de Corée du Sud que vient la possibilité de voir autre chose, et ce n’est ni plus ni moins que Park Chan-wook qui dirige l’opération. Il n’est pas besoin d’être un spécialiste du cinéma asiatique pour replacer au moins partiellement le bonhomme et son oeuvre : il est l’auteur d’un impressionnant tryptique sur le thème de la vengeance (Sympathy for Mr VengeanceOld BoySympathy for Lady Vengeance) dont le deuxième volet fût adoubé à Cannes lors de la présidence de Quentin Tarantino en 2004 (Prix du Jury). Thirst lui a d’ailleurs offert le même titre en 2009.

Le deuxième tome de Twilight s’intitule Tentation, et cela pourrait parfaitement convenir pour Thirst, tant l’incontrôlable puissance érotique et charnelle du vampire est au coeur du propos. Toutefois, le sous-titre choisi, « ceci est mon sang », est lui aussi révélateur car il attire l’attention sur la nature et la fonction du personnage principal : Sang-Huyn est un prêtre catholique modèle. Aimé de tous, il accompagne les mourants à l’hôpital et décide un jour de se porter volontaire pour une expérience dans un dispensaire africain (francophone, ce qui donne au nom du héros une dimension particulière, même si le public français comprend tout de suite). Hélas, comme les 500 autres volontaires, il succombe à la maladie dont il expérimentait le vaccin. Quelques secondes seulement, car la transfusion de la dernière chance le ramène à la vie…

A partir de là, le fervent défenseur de Dieu découvre peu à peu qu’il est confronté à des pulsions connues démultipliées et à d’autres, inconnues, pires encore. Il se rapproche d’un ancien ami d’enfance, retrouvé sur un lit d’hôpital, et de sa famille (sa mère et sa femme). Park Chan Wook traite de très nombreux sujets phares du mythe du vampire, qui ne sont traditionnellement qu’effleurés pour la plupart : tentations charnelle et meurtrière, résignation, lutte, amour, haine, remords (mis en scène de manière assez flippante !)… toutes les pulsions de vie et de mort y passent. Le film est assez long (2h13) et les personnages peu nombreux (deux principaux et une demie douzaine secondaires environ), ce qui permet au réalisateur d’approfondir réellement leurs personnalités et leurs évolutions. Si bien qu’en repensant au début ou au milieu du film après en être sorti, on peut avoir l’impression qu’il ne s’agit pas du même. Thirst est un film sur la Passion, à tous les sens du terme, où folie et lucidité se mélangent, parfois sur fond d’humour noir foncé.

La star coréenne Song Kang-Ho porte une grande partie du film sur ses épaules. Fidèle du réalisateur (troisième collaboration) et connu jusqu’en Europe par des films plus « grand public » comme The Host ou encore Le Bon, la brute, et le cinglé, il incarne un buveur de sang si torturé qu’il ferait passer Brad Pitt pour un gai luron dans Entretien avec un vampire. Quant à sa partenaire féminine, Kim Ok-vin, elle est absolument époustouflante, mélange de force et de fragilité. A surveiller de très près. Pour ne rien gâcher, la BO est superbe, entre créations originales et morceaux choisis (Bach notamment).
Un conseil cependant, s’il n’est pas trop tard : NE REGARDEZ PAS LA BANDE ANNONCE AVANT DE VOIR LE FILM ! Sa nature condensée contribue à affaiblir considérablement la tension générale et le plaisir qui en découle en révélant des éléments déterminants qui arrivent tard dans l’histoire. Ce n’est là que mon avis, pour l’avoir découverte après coup. Privilégiez le teaser si vous voulez des images.

Une nouvelle fois, un film venu d’ailleurs renvoie Twilight dans la dimension qui est la sienne, celle du divertissement bon enfant.