Une sortie importante pour les amateurs d’horreur old school. Après le double assassinat en Californie de son frère et de l’épouse de celui-ci, Chase Blaine recueille Mackenzie et Zach — sa nièce et son neveu. L’ado et son petit frère connaissent à peine leur oncle trentenaire, mais il est la seule famille qu’il leur reste, alors les voici tous trois réunis dans le Maine, dans la vieille maison de famille des Blaine, restée inoccupée pendant des lustres. L’ambiance est lourde, dans la grande baraque sombre et décrépite mais aussi dans la bourgade de Cape Augusta (où les locaux, de longue date, ne portent pas les Blaine dans leur cœur) et dans les marécages tout autour où il ne fait pas bon se hasarder quand on n’est pas sûr de savoir où poser les pieds.

De l’horreur old school, disais-je, car l’histoire située en 1974 déploie un superbe décor de maison hantée, et parce que le scénario tout comme l’atmosphère et le dessin ne sont pas sans rappeler l’univers de la bande dessinée américaine des années 1960-70, la grande époque des comics d’épouvante où s’illustrèrent (sans jeu de mot) de grands noms tels que Frank Frazetta, Joe Orlando, Steve Ditko, Angelo Torres… Des auteurs dont les œuvres furent notamment publiées par Dark Horse, éditeur des périodiques Eerie et Creepy, et que les talents derrière The Plot connaissent forcément. Ceux-ci reconnaissent aussi leur attachement à des titres comme La Créature du marais (et la Nouvelle Angleterre surnaturelle rappelle immanquablement Lovecraft) mais, cela dit, The Plot n’est pas du tout conçu comme un comic à références à destination des historiens de l’horreur en BD, c’est une œuvre originale qui développe une thématique passionnante à travers ses multiples passages flippants. « Tu as des cadavres dans le placard, Blaine, et ce n’est même pas une métaphore », s’entend dire Chase, le personnage central, qui a beaucoup de mal à supporter l’héritage négatif d’une lignée au lourd passif. Le récit illustre les tourments que les familles se transmettent de génération en génération, et les apparitions, les monstres et les fantômes figurent autant de démons intérieurs auxquels il est vain d’essayer d’échapper (la vaste maison, dont les murs renferment vieux secrets et squelettes, fait ainsi office de décor psychanalytique). Les ambiances lumineuses sont magnifiques (quelles séquences nocturnes !), les effets sonores aussi, très présents et très évocateurs. The Plot, tome 1 : 1974 est en librairie depuis le 19 mai 2021. D’ores et déjà on guette avec le plus grand intérêt la conclusion de l’histoire, dans un second volume.