En 1614, le Japon est unifié. La population de l’archipel vit en paix, à l’exception des clans Iga et Koga, deux familles ninja rompues à l’art du combat shinobi et nourrissant l’une pour l’autre une haine ancestrale. Pour mettre fin à cette rivalité, le Premier Shogun décide d’un ultime affrontement au cours duquel s’opposeront les cinq meilleurs guerriers de chaque tribu. La belle Oboro et l’héritier Gennosuke sont désignés pour mener respectivement les combattants Iga et Koga. Or tous deux partagent un amour qu’ils ont dû garder secret…

Il y a bien sûr du Roméo et Juliette dans cette histoire inspirée des romans (parus en 1958-59) de Futaro Yamada. Très célèbres au Japon, ces récits ont popularisé hors d’Asie le personnage du ninja et donné lieu à une adaptation dessinée en cinq tomes (la série Basilisk, parue en 2003-04), puis à une série tv d’animation produite en même temps que ce long métrage, sorti au printemps dernier dans une petite combinaison de salles. Il s’agit par ailleurs du premier film en prises de vues réelles à sortir en dvd sous la bannière de l’éditeur Kaze, jusqu’ici spécialisé dans la japanime.

En lorgnant du côté de Shakespeare, Shinobi s’engage donc sur la voie de la tragédie, genre qui, comme chacun sait, se fonde sur la thématique du dilemme, et se doit de susciter chez le spectateur pitié et empathie pour les personnages. Et il faut bien avouer que le scénario, signé Kenya Hirata, est loin, très loin de remplir ce contrat. Il faut dire que l’auteur avait fort à faire pour marier dans le même long métrage histoire d’amour et film de sabre, fresque historique et récit fantastique (car les belligérants sont dotés de pouvoirs extraordinaires qui en font de véritables X-Men du Japon post-médiéval).

La peinture de la relation passionnelle entre Oboro et Gennosuke, censément le noeud de l’intrigue, est expédiée en deux scènes, en début et en fin de métrage, et se retrouve sinon reléguée à l’arrière-plan au profit des affrontements entre ninjas. Il résulte de ce déséquilibre un spectacle longuet, cucul et puéril (il n’y aura guère que votre petit frère pour s’amuser des bastons bondissantes à répétition) et manquant cruellement d’implication émotionnelle. Dommage, d’autant que les moyens mis en oeuvre — un budget de 12 millions de dollars, un duo d’acteurs sexy, de très beaux costumes et un arsenal de cordes pour appuyer les passages tragiques — laissaient espérer une épopée forte et lyrique.