Un proverbe italien dit: «le destin bat les cartes, mais c’est nous qui les jouons». C’est justement ce que nous propose le nouveau jeu de rôle des Ludopathes Editeurs: Shade La danza delle ombre. Nous voici déambulant dans Stélénia, un univers mêlant la renaissance italienne à des touches plus insolites et plus exotiques. Stélénia (dont le nom personnalise également la déesse de la nature) s’avère être un monde scindé en deux îles. Stélénie (la plus grande dont certaines parties demeurent inexplorées) et Néolim (qui sert plus précisément de décor au jeu). Dans cette société, le commerce appelle la prospérité et la prospérité appelle le progrès… Une antiquité enfouie sous dix siècles d’obscurantisme religieux se voit redécouverte par les penseurs et les artistes de tous poils. Certains s’émerveillent des progrès de la technologie qui a vu naître, dans le passé, la poudre à canon et l’alchimie; alors que d’autres se tournent déjà vers l’imprimerie et les longues vues. Exténué par ses vaines guerres d’influence, le clergé se trouve divisé et corrompu. De fait, son autorité est contestée jusqu’aux dogmes des saintes écritures, tandis qu’approche à grand pas l’an mil. Et, avec lui, la sinistre prophétie du réveil de Shaïtar, abomination d’ombre et de lumière mêlée qui châtia les dieux de jadis…
  Les personnages des joueurs font partie d’une élite à la fois crainte et respectée, les Ténébrosi. Ce sont des mortels possesseurs d’une ombre intelligente. Car, en Stélénia, toutes les ombres ne sont pas de simples «ombres vulgaires» condamnées à gesticuler en imitant les mouvements de «l’hôte» auquel elles sont attachées. Non, certaines sont nommées «ombres primordiales» car elles incarnent l’essence élémentaire des ténèbres. Cette minorité, plutôt sournoise, a une forme de conscience et supporte mal de devoir marcher dans les pas de quelqu’un. Pourtant, les Ténébrosi parviennent la plupart du temps à les dominer en négociant quelques miettes de liberté de leur ombre contre quelques tours de sorcellerie bien utiles. En effet, qui mieux qu’une ombre peut épier ou filer une victime sans bruit, écouter une conversation tapie dans les ténèbres ou se glisser à travers les interstices les plus improbables?
 Bref, Shade vous invite à incarner des héros peu ordinaires, dans la grande tradition du «cape et d’épée» et de la commedia dell’arte où vous naviguerez entre intrigues, bal de la cour, duels envenimés, poursuites sur les toits. Mais pour cela, vous devrez éveiller et dompter votre ombre pour accroître sa sorcellerie. Sans oublier de choisir soigneusement vos alliances pour rester du bon côté de la dague. Toutefois, la plus important est: restez vigilants! En effet, toutes les légendes ont leur part de vérité et qui veut lever un coin de voile doit en payer le prix! Sans compter que la mort de l’ombre signe le trépas de son hôte…
  Vous l’aurez compris, outre un univers qui apparaît comme un petit bijou à la lecture des descriptions du livret des règles, la principale originalité de Shade est de proposer d’interpréter des personnages capables de prodigues en utilisant les pouvoirs de leur ombre. Ce qui, en soit, est déjà une vraie gageure et la partie des règles dédiées à la création des Ténébrosi vaut le détour! Mais Shade ne s’arrête pas là, car les parties se déroulent sans l’usage de dés. Ceux-ci étant remplacés par le tirage de cartes à jouer «ordinaires» dans une simple pioche. En terme de jeu, le joueur additionne le score de sa caractéristique utilisée au niveau de la compétence requise (soit une somme comprise entre 1 et 10), à laquelle il retranche la valeur de la carte qu’il vient de piocher. Si le résultat obtenu est négatif, l’action entreprise est un échec; si le résultat est nul, l’action est réussie de justesse; si le résultat est positif, l’action est réussie. Enfin, le degré de réussite ou d’échec dépend de la valeur absolue de la marge. Plus cette valeur est grande et plus la réussite, ou l’échec, est retentissant. De plus, chaque joueur est lié à un «signe du destin» qui caractérise son personnage et le prédispose pour certaines capacités. Ce signe est représenté par une carte spécifique dont le tirage équivaut à une réussite avec une marge de +10. Exceptionnel! Le revers de la médaille étant les jokers du jeu de cartes. En piocher un entraîne un échec retentissant avec une marge de -10.
  Le jeu est fourni avec son écran dont l’image d’illustration, à elle seule, égayera les parties. Seul léger bémol, pas de scénario intégré dans le livre. Cependant, la richesse de Shade est telle qu’il ne faudra guère de temps au meneur de jeu pour en imaginer. D’ailleurs, il est déjà annoncé qu’un cahier réservé aux MJ sera mis en ligne et en libre téléchargement sur le site des Ludopathes très bientôt. Donc, pas de panique!
  Il est bien difficile de résumer plus de trois cents pages de règles allant des descriptions de l’univers aux différentes capacités des ombres, en passant par les inévitables combats et autres sources de blessures. De nombreuses aides de jeu parsèment également les marges de ce livre qui saura vous captiver de bout en bout. Retenez simplement que Shade est un jeu de rôle sortant des sentiers battus par les autres. D’une grande originalité, il sera source de nombreuses soirées animées et riches en rebondissements. À essayer d’urgence!