• Khimaira : Pourriez-vous nous présenter brièvement l’histoire de Seigneur des Neiges et des Ombres ?
Sarah Ash : Gavril est un jeune et pauvre peintre portraitiste qui hérite du trône de l’Azhkendir, une terre enneigée et lointaine dans les royaumes du Nord. Avec le trône, il reçoit également un héritage bien plus sombre : le Drakhaoul, un esprit puissant qui prend possession du corps du Drakhaon et lui donne des pouvoirs inimaginables. Ces pouvoirs pourraient aider Gavril à sauver son peuple de l’invasion orchestrée par le prince Eugène du Tielen, assoiffé de puissance, mais le jeune homme apprend trop tard que le prix à payer pour ses nouvelles capacités est terrible…

• K : Dans ce premier volet des Larmes d’Artamon, on ressent tout au long du récit une forte influence nordique : les noms de vos personnages, la culture, l’environnement. D’où vous vient cette inspiration ?
S.A : Lorsque j’ai imaginé les royaumes de l’Azkhendir et du Muscobar, j’étais fortement influencée par l’histoire et les légendes russes, spécialement celle du Prince Vladimir (The Little Red Sun of Kiev) et ses chevaliers de la Table Ronde. C’était amusant de s’imaginer vivant à l’époque relativement éclairée de la Grande Catherine alors que vos voisins du Nord seraient restés figés dans une sorte de Haut Moyen-Âge superstitieux. Alors que le royaume du Tielen ressemble plus à la Suisse ! Mais une majeure partie de mon inspiration me vient de mon amour pour la musique russe que j’apprécié depuis ma plus tendre enfance.

• K : Le personnage principal de votre histoire est Gavril Andar, le Drakhaoul de l’Azhkendir. Ce monstre assoiffé de sang qui se tapit dans le cœur d’un jeune garçon innocent…le Drahkaoul, par son nom et par ses particularités, fait tout de suite penser à la célèbre légende du conte Dracula. Comment est née cette créature ?
S.A. : Pour inventer le nom de « Drakhaoul », je suis remontée dans le temps jusqu’à l’histoire de Vlad Tepes (Vlad l’Empâleur, dont l’histoire de vie a sans doute influencé Bram Stoker lorsqu’il écrivît « Dracula »), me rappelant qu’en roumain, le mot « drac » signifie dragon. Mais il y a bien plus de choses qui qualifient le Drakhaoul que la seule nature vampirique de ses envies ! Et plus Gavril apprend à connaître son démon intérieur, plus il découvre des secrets surprenants sur ses véritables origines.

• La façon dont la jeune Kiukiu et sa grand-mère Malusha utilisent la musique pour communiquer avec les morts et combattre le Mal laisse penser que vous êtes vous-même très sensible à cet art. La musique vous aide t-elle à écrire de la fantasy ?
S.A. : J’ai reçu une formation de musicienne, donc la musique est très importante à mes yeux. J’aime écouter de la musique lorsque j’écris (cela m’aide à retrouver l’atmosphère de la scène sur laquelle je travaillais la fois d’avant, même lorsque les ouvriers sont occupés à percer des trous dans la maison d’à côté). Ainsi, chaque roman a sa propre « bande sonore » secrète ! Par exemple, lorsque j’ai commencé à écrire « Seigneur des Neiges et des Ombres », j’ai découvert la musique que Rheinhold Glière avait écrit pour un ballet appelé « The Bronze Horseman », monté à Saint Petersburg. J’ai également beaucoup écouté la merveilleuse musique évocatrice de Georgi Sviridov qu’il avait composé pour le film « Snow Storm » (basé sur l’histoire de Pushkin). Dans la « Troika », on peut littéralement sentir ce froid et cette neige qui tombe inlassablement.

• Seigneur des Neiges et des Ombres contient tout ce qu’un amateur de fantasy peut espérer de mieux : une intrigue captivante et romanesque, des personnages particulièrement fouillés et « humains », un dosage subtil de merveilleux et d’horreur : vous semblez avoir trouvée une recette d’une admirable efficacité ?
S.A. : Merci, j’apprécie beaucoup le compliment ! Je voulais écrire le genre d’histoire de fantasy que j’aime lire moi-même : une histoire avec des personnages attachants, ni bons ni mauvais, mais qui sont crédibles avec leurs défauts. Lorsque je travaillais sur le monde d’Artamon, je voulais créer un univers qui tienne la route avec une histoire similaire à la nôtre –mais dans lequel on pouvait trouver des créatures mythologiques (anges, dragons, démons). Mon vœu a été exaucé, en tout cas, pour ma part !

• K : En 2009, les deux autres titres du cycle Les Larmes d’Artamon paraîtront également au Livre de Poche. Que pensez-vous du succès que rencontre votre trilogie et qu’a-t-il apporté à votre carrière d’écrivain ?
S.A. : J’ai été absolument enchantée que mes romans soient publiés et lus en France. Enfant, je suis tombée amoureuse des romans d’Alexandre Dumas. Il a été et reste l’un des écrivains qui m’inspirent le plus dans l’écriture de mes livres. L’une des meilleures choses que m’a apportée la publication de la trilogie, c’est le fait de recevoir des emails de lecteurs du monde entier. Je suis toujours ravie de les lire. J’aime particulièrement savoir quels sont leurs personnages préférés –ou ceux qu’ils détestent le plus-. C’est très gratifiant.

• Vous avez également rédigée un préquelle aux Larmes d’Artamon, édité en juin 2008 chez Bragelonne. En quoi rejoint-il Seigneur des Neiges et des Ombres ainsi que les autres tomes de la série ?
S.A. : « La Traque de l’Ombre » parle de l’histoire de Célestine de Joyeuse, une chanteuse (et un membre de la Commanderie) de Francia que le lecteur rencontre pour la première fois dans le second livre de la trilogie d’Artamon. Francia est une vieille ennemie du Tielen, donc cela fut une entreprise fascinante que d’imaginer une nouvelle façon de voir les évènements qui se déroulent à Artamon à travers le regard d’un « ennemi ». Le second (et dernier) roman, « Flight into Darkness », qui devrait sortir en 2009, continue de raconter l’histoire de Célestine et livre de nouveaux aperçus des évènements extraordinaires qui se déroulent dans le troisième livre de la trilogie, « Les Enfants de la Porte des Serpents ».

• K : Jusqu’ici, vous vous êtes consacrée entièrement à la fantasy. Qu’est-ce qui vous attire dans ce genre littéraire au sein duquel les femmes tiennent une place encore trop restreinte ?
S.A. : Ce qui m’attire dans ce genre en tant que lectrice acharnée d’une part et écrivain de fantasy d’autre part, c’est que ce type de littérature appartient à un genre ancien, qui remonte aux premiers contes que l’on se racontait au coin du feu et qui nous ont été transmis à travers les siècles sous la forme de légendes et de mythes. Je suis fascinée par la façon dont ces vieilles histoires nous montrent de quelle manière nos ancêtres interprétaient leur monde. La fantasy peut jouer ce rôle pour nous aujourd’hui, même si je crains de faire là une allégorie ! Et il me semble qu’il y a des femmes écrivains fabuleuses qui ont su montrer la voie : Ursula LeGuin, Diana Wynne Jones, Robin Hobb, Ellen Kushner, et oui, je pense que je ne peux pas finir cette liste sans citer J.K. Rowling !

• K : Quels sont vos projets et vos attentes pour les prochaines années à venir ?
S.A. : Eh bien, j’espère toujours que ma trilogie attirera l’attention d’un studio de dessins animés japonais ! En tant que fan incontesté du manga et des animés, c’est mon vœu le plus cher que de voir ma trilogie réinterprétée par un artiste japonais ! Mais jusqu’à maintenant, j’ai beaucoup travaillé sur ma prochaine série de fantasy qui porte le titre de « To the Angelspire » pour l’instant. L’histoire se déroule quelques centaines d’années avant la trilogie d’Artamon et je suis très enthousiaste à l’idée de mettre en œuvre ce projet ! Le personnage principal est un garçon paria, Kaspar, qui se retrouve projeté au sein d’une cour royale corrompue en raison de ses « capacités » spéciales.

Nos remerciements particuliers à Anne Bouissy-Volcouve, qui dirige la collection Livre de Poche chez Hachette, pour sa contribution précieuse lors de la réalisation de cette interview.
Propos recueillis et traduits par Mélanie Lafrenière