ATTENTION, SPOILERS ! LA CRITIQUE QUI SUIT COMPORTE DES ELEMENTS SUSCEPTIBLES DE VOUS REVELER DES ELEMENTS IMPORTANTS DE L’INTRIGUE.

Vous rêviez d’un ménage à trois entre Aliens, le film de zombies et L’Exorciste ? Jaume Balaguero et Paco Plaza l’ont fait ! Une union sulfureuse pour le meilleur et aussi pour le pire. Je m’excuse par avance pour les quelques révélations que je vais devoir faire sur le scénario.

[REC] 2 démarre in media res, à la seconde où s’achevait le premier film, à bord d’un véhicule des forces de police. Quatre agents du RAID espagnol testent leur équipement (dont des paluches fixées à leurs casques). Ils sont en route pour une mission dans l’immeuble barcelonais maudit infesté d’hommes et de femmes atteints par le mystérieux virus qui a occasionné les morts sanglantes du premier film. Les gars ne savent pas trop où ils vont ni pourquoi, on ne leur a donné qu’un minimum d’informations. Ils ont encore le coeur à plaisanter et à discuter foot, citant nommément les plus célèbres joueurs du Barça. Des propos à priori anodins mais qui permettent d’accentuer l’effet de réel voulu par les réalisateurs.

Contrairement au premier opus, on n’a donc plus un point de vue (la caméra de l’équipe de télé) mais plusieurs, Balaguero et Plaza reprenant à leur compte le dispositif des caméras intradiégétiques utilisé par James Cameron dans Aliens, le retour, lorsque les marines effectuent leur première expédition de sauvetage à leur arrivée sur LV426. Dans Aliens, les soldats empruntent un escalier pour descendre plusieurs niveaux, jusqu’à l’enfer ; dans [REC] 2, l’horreur attend dans les étages supérieurs, et les policiers entament leur ascension dans la cage de l’immeuble. L’endroit est sombre, en apparence désert, des taches de sang maculent ici et là le sol et les murs. Un civil accompagne l’équipe, ils ne savent exactement ni qui il est ni ce qu’il cherche, mais il a autorité sur eux et il en sait manifestement plus qu’il ne veut en dire…

Cette partie du métrage est réussie, la tension monte, et quand des infectés font irruption dans le champ pour tomber sur le dos des flics, on ne peut s’empêcher de sursauter. Les brusques bouffées de violence hystérique vous flanquent un coup sur le crâne et le palpitant s’accélère, même si l’identification avec les personnages ne fonctionne pas aussi bien que dans le premier film. Mais le scénario bute sur un écueil car, passé la demi-heure de métrage, le film arrive dans une impasse : comment faire progresser l’intrigue lorsque l’effectif, au demeurant réduit, des policiers se trouve diminué ? Réponse : en introduisant de nouveaux protagonistes dont il faut bien justifier l’arrivée dans l’immeuble. D’où un flashback et un retour casse-gueule à l’extérieur. On fait la connaissance d’un trio d’ados munis d’un caméscope et qui, intrigués par le manège de la police et des pompiers, parviendront à se faufiler pour filmer l’intérieur de l’immeuble en quarantaine. Des personnages que j’ai trouvés irritants, exubérants et bêtes comme peuvent l’être les ados quand ils cherchent à prendre leur pied dans la grosse déconnade. Leur apparition flingue l’ambiance lugubre du film, heureusement de façon provisoire. De retour dans les couloirs obscurs, l’épouvante reprend ses droits.

A présent, vous vous souvenez sans doute de la conclusion de [REC], qui nous a appris qu’une fillette d’une douzaine d’années, cloîtrée par un prêtre dans l’appartement du dernier étage, était à l’origine de la contagion. Une gamine maléfique, un curé… L’Exorciste, bien sûr ! Dans le premier film, l’emprunt au film de William Friedkin passait comme une lettre à la poste car il n’intervenait qu’à la toute fin, et cette histoire de fille recluse était plus suggérée que racontée. Ici, Balaguero et Plaza creusent cette piste en s’engageant pour de bon dans l’ésotérisme, le surnaturel : en vérité, il n’y a pas de virus, l’infection est à mettre sur le compte d’une possession démoniaque. En soi, je n’y trouve rien à redire, cela pourrait même constituer l’élément le plus original de ce second volet, mais franchement, quelle absurde faute de goût que de faire parler les possédés ! Dans le premier film, les ombres, les silhouettes menaçantes qui s’avançaient à pas traînants avant de vous sauter à la gorge étaient auréolées de mystère. Et voilà que l’esprit malin responsable de tout le merdier se pique maintenant de faire la causette aux flics à la façon de Linda Blair balançant son flot d’insultes pornos à Max Von Sydow : "Je suis caché dans la chatte de ta mère, va donc y fourrer ton nez !". A cet instant, [REC] 2 plonge dans le ridicule, ce qui rend d’autant plus amer que le film est malgré tout émaillé de trouvailles excitantes (le "pouvoir" de la caméra à visée infrarouge). Un des derniers plans du métrage finit d’enfoncer le clou en repompant ce bon vieux Hidden de Jack Sholder, grand prix à Avoriaz il y a plus de 20 ans. Un titre que les co-réalisateurs auront sans doute découvert, étant adolescents, en VHS, tout comme L’Exorciste ou Aliens, en squattant le vidéo-club de leur quartier. Dommage qu’un talent désormais reconnu comme Balaguero puisse être influencé ainsi, tel le geek de base, par ses amours cinéphiliques de jeunesse. La fin en pointillés annonce un troisième acte dont l’action se déroulerait en dehors de l’immeuble. Au vu des excellents résultats du film au box office espagnol, il est très probable que [REC] 3 voie le jour…