Je me remémore les gamins que nous étions dans les années 1980 et qui jouions à Rampage sur Atari ST. À l’origine, le jeu était apparu sur borne d’arcade, et l’adaptation sur ordi personnel 16 bits était de bonne facture (il y eut des versions ultérieures sur console, jusque dans les années 2000). Pas de scénario, juste une trame d’une simplicité biblique : des « kaiju » géants, dirigés par les joueurs, sèment la destruction dans une série de villes nord-américaines, affrontant les balles de fusil et les chars d’assaut de la Garde nationale. Chaque pâté de maison réduit à l’état de ruines donnait l’accès au niveau/à la ville suivante et ainsi de suite. Le gameplay était archi-répétitif, mais il y avait de quoi jubiler à s’exciter à deux ou trois joysticks simultanés dans les bruitages de buildings qui s’écroulent.
Si un film comme celui de Brad Peyton avait pu voir le jour à l’époque (soit en 1986 pour être exact), serait-on allé le voir ? Oui, sans aucun doute, on aurait tapé direct dans notre argent de poche le jour même de la sortie pour aller voir George (le singe géant), Lizzie (le lézard) et Ralph (le loup-garou) concasser de leurs grosses pognes de la tôle, de l’acier et du béton. Et on aurait été un peu déçus, j’en suis sûr, de constater qu’on n’est plus, dans le film, du côté des monstres mais de leurs adversaires humains, c’est-à-dire, principalement, un primatologue joué par Dwayne Johnson (au physique, cela dit, un peu limite pour ce qui est de passer pour un citoyen comme vous et moi). On aurait été consterné, j’en suis sûr, de voir que George, dans le film, n’est plus un scientifique qui aurait muté en primate hargneux, mais un bon gros gorille qui, avant de virer — provisoirement — bête fauve, discute avec « the Rock » en langue des signes et ponctue ses traits d’humour de doigts d’honneur rigolards… Cet anthropomorphisme benêt traverse tout le film, avec Johnson qui n’en finit pas de s’exclamer « George ! George ! » et de rappeler à tout le casting que le gros gorille, c’est son copain. À côté de ce sentimentalisme balourd, les scénaristes ont bien sûr prévu des motifs, plus ou moins discutables, pour que tous les monstres géants du jeu vidéo existent aussi dans le film et aillent fracasser Chicago. Et Rampage de s’inscrire dans la longue, longue lignée de films US capitalisant sur des images surabondantes de destructions à grande échelle. Au bout du compte, seule la première scène du film s’avère digne d’intérêt, avec un joli suspense dans une station spatiale où une scientifique affronte un rat de labo devenu géant. Les autres occupants de l’endroit ont déjà péri, des débris de corps humains flottent en apesanteur… Une ambiance sombre et plaisamment gore qui laisse entrevoir ce qu’aurait pu être ce Rampage sur grand écran si les producteurs de la chose avaient visé un autre public que celui des 10-14 ans.
Film sorti dans les salles le 2 mai 2018.