L’été ayant fait son œuvre, les saisons de théâtre recommencent petit à petit et, faute de spectacles à commenter pour l’ instant, je vous propose un petit topo sur une pièce surprenante et novatrice : « Quartier 3, destruction totale ». Avis aux gamers, amateurs de zombies, de massacres et de théâtre (oui c’est possible de regrouper toutes ces fabuleuses qualités en une seule personne, je vous l’assure !), enfin l’univers du jeu vidéo arrive sur scène.

Quartier 3 est le nom d’un jeu en réseau, au centre de la pièce. Il en est le personnage principal, c’est par lui que tout commence et que tout se joue. On y joue en équipe, dans un quartier infesté de zombies, le but étant, évidemment, de survivre. Tous les adolescents en sont fous, tous poursuivent le même objectif : arriver au niveau final, pénétrer dans la fameuse Maison, pour sortir du Quartier et finir le jeu.
Or, ce quartier résidentiel virtuel prend petit à petit des allures du quartier, bien réel, dans lequel vivent les joueurs. Le thème du jeu vidéo, qui semble bien loin des fauteuils rouges de la Comédie Française, est en réalité parfaitement adapté à l’art dramatique, puisqu’il questionne la réalité, or, le propre du théâtre est de refléter, fidèlement ou non, l’état du monde, donc du réel.

Dans « Quartier 3 destruction totale » on ne sait jamais où se situe la frontière. Est-on dans le jeu, dans la réalité, ou quelque part entre les deux ?  Avis aux metteurs en scène, non seulement un peu de culture geek est indispensable pour saisir quelques subtilités- comme les nom d’armes, de lieux, ou de missions, écrits avec une majuscule, à l’instar de nombreux jeux vidéos- et relire plusieurs fois le texte.

Le mélange entre l’univers du jeu et la réalité n’est pas grossier, et c’est cela qui le rend intéressant. Il n’y a pas, à proprement parler, deux espaces séparés. Très vite, ce qu’on identifie comme l’univers du jeu parasite le réel, tout en subtilité, et le réel parasite le jeu. Une phrase, un mot utilisé dans le jeu qui trouve son écho dans la réalité, l’environnement, à la fois similaire et commun aux deux univers, tout en étant différent…
La thématique et la construction du jeu vidéo sont partout présentes.  L’équivalent des gardes ? Les membres du Conseil de Quartier. Le Conseil de Quartier ? Une sorte  d’ « Umbrella Corporation » façon  « Resident Evil ». Les armes ? Un Téléphone, un Taille-Haie récupéré sur une pelouse…

L’auteur décrit, non sans humour, la vie bien régentée des banlieues américaines, les habitudes et le mode de vie des parfaits américains moyens qui y vivent. Sauf que le mal, le revenant animé par les pulsions les plus primitives, fait irruption dans ce monde parfaitement normé. Des hordes de zombies ravagent les jardins, dévorent allègrement M. et Mme Tout le Monde.
Les parents, les premières victimes , sont absents de l’univers du  jeu…du moins au début. Excédés, traditionnellement inquiets de la sempiternelle violence des jeux vidéos, ils s’inquiètent du bien être mental et physique de leurs progénitures dépendantes à leurs écrans. Rien de bien original, me direz vous. Sauf qu’un des joueurs passe la ligne, il entre dans la Maison Finale, tue la femme à l’intérieur…C’est drôle, elle ressemble curieusement à la mère d’un de ses amis. Plus drôle encore, ces sirènes de pompier et de police qui hurlent à sa fenêtre, bien réelle celle-ci.

Je salue l’initiative de cette jeune auteure américaine, qui est d’amener au théâtre l’univers qui est le nôtre : la vie virtuelle, les nouvelles formes d’évasion que sont les écrans, le thème d’une époque en crise qu’est celui du zombie. Le théâtre s’est toujours voulu reflet du monde, dans cette pièce, il s’y attelle et s’ancre parfaitement dans notre contemporain, gamer ou non.

JENNYFER HALEY, « Quartier 3, destruction totale », edition Espace 34 ( disponible à la FNAC sur commande)