Les amateurs de fantastique gothique ne rateront jamais la chance d’une balade imaginaire dans le Londres victorien. Alors cet été, impossible de passer à côté de Phantasmagoria, qui, dès les toutes premières pages, nous installe sur la scène d’un théâtre de l’horreur des plus familiers. Les rues pavées et embrumées de la capitale anglaise, aux heures nocturnes, résonnent des appels à l’aide d’une jeune dame en robe longue. Mais qui est à ses trousses ? Ce ne sera pas Jack l’Éventreur, mais un sorcier — attention, un gentil sorcier, le dénommé Professeur Hawke — qui, on le verra très vite, a d’excellentes raisons de courir après la demoiselle.

Pour les lecteurs cinéphiles, la ressemblance dudit professeur avec l’acteur Peter Cushing saute aux yeux, et l’on se dit que dans les années 1960-70, le scénario d’El Torres aurait pu faire le bonheur des producteurs de la Hammer. En fait, il n’y aura pas un mais deux sorciers, comme des frères ennemis, des personnages pas vraiment antagonistes mais aux styles et aux tournures d’esprit opposés. L’intrigue les met aux prises avec des forces obscures qui font peser sur Londres la menace d’une invasion d’entités maléfiques et surnaturelles. Ça fait peur, mais on s’amuse surtout de la façon experte des auteurs de travailler et réagencer des figures et motifs popularisés depuis 150 ans par les grand auteurs de l’époque, Conan Doyle, Bram stoker et même le vénérable autant qu’illustre Charles Dickens, en dehors de toute considération de genre. L’histoire combine des cas spectaculaires de possession démoniaque avec une imagerie empruntée aussi bien aux Indes coloniales qu’à l’Égypte ancienne. On va également se promener du côté de la Cathédrale Saint Paul, on s’aventure au fond des égoûts et on passe même un peu de temps entre les murs de l’infâme Bedlam Hospital, le sinistre asile pour aliénés. Encore une fois, ce n’est pas neuf, on a déjà vu cela couché sur papier aussi bien qu’au cinéma, mais El Torres maîrise son sujet. Pour ce qui est du dessin, le parti pris d’un noir et blanc tranché, en clair-obscur, fait quant à lui songer à From Hell d’Alan Moore et Eddie Campbell, une référence incontournable. Cela dit, et ce qui suit n’engage bien sûr que le chroniqueur, le style de Joe Bocardo flatte davantage l’œil que les planches d’aspect plus brut, griffonné, d’Eddie Campbell. Une lecture très, très agréable.

En librairie le 18 juillet 2025.