Voici une nouvelle arrivée dans le monde de la bande dessinée qui fait du bruit: celle des frères Peru! Olivier et Stéphane viennent de sortir leur premier album, Shaman, chez Nucléa². Sorti mi-février, l’album remporte un accueil chaleureux auprès du public. L’univers que les auteurs créent est riche tant au niveau du scénario qu’au niveau du dessin. Toute l’action se passe dans la Ville-monde, une ville tentaculaire pleine de secrets. La quête? Celle du savoir ultime. Dans ce monde, les archivistes vont mener un combat pour la vérité et s’opposer au pouvoir exercé par les shamans. L’action prend place dans des décors à l’architecture imposante et nous mène au milieu de combats parfois très violents. C’est certain, les frères Peru aiment que ça bouge et ils nous le montrent! Pour Khimaira, ils ont arrêté le temps d’un instant leur course effrénée pour répondre à quelques questions…

Khimaira: De quelle formation êtes-vous issus et quel est votre parcours dans la BD jusque chez Nucléa²?
Steph: Après un parcours scolaire classique jusqu’au BAC et quelques années d’études on s’est lancé sans filet dans le monde de la BD. On s’est vite professionnalisé en dessin et couleurs sur des petites histoires courtes et des couvertures avec Semic, ce qui fut notre point de départ dans le monde de la bd. Puis on a commencé à travailler la série Shaman chez Pointe Noire. L’éditeur ayant mis la clef sous la porte on a opté pour Nucléa², un autre éditeur qui relançait sa production grâce à une nouvelle structure et un staff issu des Humanoïdes Associés.

K: Vous avez réalisé Shaman à deux. Expliquez-nous qui fait quoi (scénario, dessin, couleurs, story board…) et comment se passe cette collaboration entre frères.
Olive: En ce qui concerne le scénario, le découpage et les dialogues on fait tout à deux. On en parle beaucoup, on note des tas de choses, des scènes, des détails, on griffonne des mises en pages et l’histoire se construit toute seule quand on trie ou qu’on amalgame nos idées. Le fait d’écrire à deux nous permet de nous corriger automatiquement et tirer la meilleure chose possible des idées de l’un ou l’autre.
Steph: Sinon Olive dessine et moi je fait les couleurs…mais un de ces quatre, on espère bien faire l’inverse.

K: Shaman semble issu de l’univers du jeu de rôle. Les jeux de rôles constituent-ils pour vous une grande source d’inspiration?
Olive: Pas jusqu’à il y a peu. Les jeux de rôles nous ont toujours intéressés par leur aspect graphique, mais depuis quelques années, on en a lu et illustré quelques-uns et on a pu constater que les univers de jeu étaient toujours très fouillés et bourrés de bonnes idées. Maintenant on les considère comme un domaine culturel à part entière qui recèle des petits chefs-d’œuvre qu’on soit joueur ou non. Les jeux de rôles ne sont pas principalement notre source d’inspiration pour Shaman, mais c’est sur qu’ils ont leur part dans notre univers autant que la littérature ou le cinéma.

K: Dans notre monde, les shamans sont définis comme des prêtres-sorciers, à la fois devins et thérapeutes. Dans votre BD, comment les définiriez-vous?
Steph: Tels qu’ils sont pour tout un chacun. Des sorciers assez mystiques et proches de la nature. Il sont en général associés à une notion écologique et nous avons voulu garder ce principe intact dans la série.
Olive: La seule innovation que l’on s’est permise réside dans le fait que leur pouvoir sert la politique de la Ville-monde et que leur fonction peut ainsi perdre de sa noblesse. Petit à petit on éclaircira l’origine de leurs pouvoirs et on détaillera l’histoire qui les lient à la cité.

K: Les shamans font régner la loi et l’ordre dans la Ville-Monde et s’oppose à une poignée d’hommes érudits, les archivistes, qui essayent de savoir, démasquer complots et mensonges. Peut-on considérer le régime en place comme une « dictature » et les archivistes comme des « résistants »?
Olive: Tout à fait. La Ville-monde à beau être l’unique endroit civilisé connu, elle n’en est pas moins une dictature aux allures de démocratie. Les shamans ne sont qu’une partie du pouvoir qui tient la cité. L’armée, le savoir, l’éducation et l’apparente démocratie sont aussi des instruments de soumission qui permettent de juguler tout soulèvement populaire ou politique. Effectivement les archivistes pourraient, quant à eux, être considérés comme des résistants ou des renégats, et leur seule arme reste l’érudition et sa transmission aux générations futures. Ils sont illégalement , bien qu’idéologiquement soutenu par une partie du peuple, le seul mouvement dissident et réfractaire au pouvoir en place.

K: La Ville-monde est décrite comme « le berceau et le cercueil de l’homme ». Pourtant, une partie de l’action se passe aussi en dehors de cette Ville-Monde, dans les Terres dévastées… Dites-nous en plus sur cette Ville-Monde, qu’y avait-il avant, comment est-elle née?
Olive: Aie…Il nous serait difficile d’en dire plus sur L’histoire de la Ville-monde sans révéler des choses importantes qui doivent rester mystérieuses jusqu’au dénouement de la série.
Son histoire doit rester inconnue, seule compte le statut unique et atemporel qu’elle s’est forgé au fil des siècles. Elle est le seul endroit « civilisé » dans lequel l’homme soit capable de vivre, de ce fait elle en devient le monde. Ses secrets ne seront révélés qu’au compte goutte…

K: La représentation de la ville est impressionnante et elle regorge de détails. Est-ce que les bâtiments, l’architecture, sont quelque chose que vous aimez particulièrement dessiner?
Steph: En effet, mais plus que ça et dans le cadre de Shaman, la Ville-monde peut être considéré comme un personnage. Elle n’est pas seulement un décor. Plus qu’une composante de l’histoire, elle en est un fondement. Il nous apparaissait important de la montrer vaste et étouffante, c’est pourquoi on l’a représenté sous plusieurs angles qui lui donnaient de la hauteur et de la profondeur. Elle devait vivre par elle même et ne pas avoir d’âge ni de limite, d’ou la multitude de décors et détails.


K: Et les scènes gores et les monstres, d’autres « moments de plaisir »?
Steph: Euh…oui. On est pas des types très recommandables. On y peut rien mais, ces trucs là sortent de notre imagination tout seul.

K.: Kyrsam, Riot et Skeld font partie des personnages principaux. Trois pillards des Terres dévastées qui vont être embarqués dans une drôle d’aventure puisque ce sont eux (plus particulièrement Skeld) qui vont rentrer en possession de la clef… Décrivez-nous ces personnages aux personnalités bien distinctes. Et Skeld devient-il l’homme le plus puissant de la cité, seul capable d’influencer le cours des choses?
Steph: Skeld, Riot et Kyrsam sont trois amis d’enfance qui se considèrent comme des frères. Ils ont été élevés ensemble et sont très proches les uns des autres même si leurs caractères antagonistes ne facilitent pas toujours leur entente. Skeld est plutôt le débrouillard, un peu dur à cuire de la bande. Riot est le plus sage ou le plus peureux des trois et se montre souvent de mauvaise d’humeur. Kyrsam quant à lui est le chien fou du trio. Très prompt à l’action et la rigolade, il fonce tête baissé dans toutes les situations sans jamais mesurer les conséquence de ses actes.

Olive: En ce qui concerne le « pouvoir » de Skeld, on peut avouer qu’effectivement il devient bien plus puissant que le commun des mortels. Mais ce pouvoir a des limites et une contrepartie. Il fait de Skeld une arme incontrôlable capable du meilleur comme du pire. Ce pouvoir n’est pas une bénédiction et ne fait pas de lui un surhomme héroïque, il fait de lui un paria traqué pour une chose qu’il n’a pas voulu.

K: Les trois ombres semblent attirées par « le bijou », la clef. Ce sont des personnages non humains, la mort les accompagne… Vous les représentez avec le visage caché. Qu’est-ce que cela signifie?
Olive: Les trois ombres ont une longue histoire que l’on n’expliquera sans doute pas avant le tome 03. Même s’ils ne sont que des personnages secondaires, leur mystère doit rester entier…pour le moment!!

K: Et les filles dans tout ça? Elles ne sont pas nombreuses. Et, les deux seules convoquées par Thorin lors de la réunion exceptionnelle pour éradiquer définitivement la secte des archivistes vote pour l’état d’urgence sans manifester aucune hésitation (contrairement aux hommes). Pourquoi ce rôle « ingrat »? Zaia serait-elle la seule femme à avoir un rôle « positif » important à jouer?
Olive: Disons que ce 1er tome met en place l’intrigue et les protagonistes. D’autres femmes viendront rejoindre les rangs des personnages de Shaman. Si elles sont si peu présentes dans ce 1er opus c’est qu’on voulait les utiliser à bon escient et ne pas les afficher en sorcières ou greluches se trémoussant en string à l’affût du premier crétin venu qui serait prêt à dégrafer leur corsage. Il nous apparaissait important de sortir un peu du cliché BD qui fait des femmes des personnages frivoles à la poitrine toujours opulente.
Steph: Dans le monde de Shaman, et malgré l’apparente dictature qui régit la Ville-monde, on voulait créer une espèce de monde égalitaire ou la femme et l’homme ont les mêmes droits et des tempéraments en conséquence, d’où le rôle « ingrat ». La situation se rétablit dès les tomes 02 et 03, des femmes tiennent le beau rôle.

K: Vous avez réalisé de nombreuses pages à bords perdus. Est-ce là une façon de mieux faire entrer le lecteur dans votre univers?
Steph: Il y a un peu de ça et puis, on voulait surtout en foutre plein la vue et en donner pour son argent au lecteur. En plus c’était un bonne chose pour les panoramas de la Ville-monde. Les fonds perdus lui permettaient d’exister au delà des limites du papier.


K: Combien d’albums sont prévus et à quel rythme comptez-vous les sortir?
Olive: Pour l’instant, on a écrit la série en 4 tomes.
Le Tome 02 sortira en octobre et le tome 03 dans les 7 à 8 mois qui suivent.
Steph: En tant que lecteurs on a jamais aimé suivre des séries aux parutions trop espacées alors on va faire en sorte de tenir un bon rythme.

K: Envisageriez-vous un jour de travailler chacun de votre côté, avec un autre scénariste ou un autre dessinateur?
Olive: Non. On serait moins bons.
Steph: C’est clair.

 

« Les conseils d’Olivier et Stéphane Peru « 

– BD?
Tout ce que font et vont faire les frères Peru..

– Livre?
Tous les classiques; Howard, Tolkien, Moorcok, Rice, King, Zimmer-Bradley et des plus récents, comme Stan Nicholls….

– Musique?
Tant que ça fait bouger la tête, c’est que c’est de la bonne…que ce soit du rap, du rock, ou du métal pro….

– Ciné?
Un des grands chocs cinématographiques de l’enfance, Conan le Barbare… Le deuxième choc est venu, plus tard, avec Starship Troopers…. Il y a eu un paquet de films entre les deux, Braveheart, Gladiator,…. mais ça reste nos 2 films clés…. Et Peter Jackson se débrouille pas mal avec LOTR… C’est du grand art…

– Le premier conseil à un jeune auteur BD qui voudrait se lancer?
Travailler, Persévérer et ne jamais reculer face à l’adversité.