Prévu en cinq cycles de deux albums, la série Okko (Delcourt) en est aujourd’hui à son troisième tome, premier du cycle de la terre. Alors que le samouraï rônin, le moine au saké, l’étrange Noburo et le jeune Tikku poursuivent leurs aventures au milieu d’un japon imaginaire empli de kamis et de démons, Khimaira a posé quelques question à Hub, scénariste et dessinateur de la plus intéressante bande dessinée au parfum d’Asie sortie ces toutes dernières années.

K: En 1996 vous dessiniez un manga sur un scénario de Gess. Nous étions alors dans la SF mais déjà avec un univers très asiatique. Une passion pour le manga ?

Hub: Pas exactement, je venais de découvrir des mangas tel que le célèbre Akira ou Appleseed, j’éprouvais un certain intérêt pour ce type de narration, pour le format et le graphisme. C’était nouveau. Toutefois, je considère cette première expérience dans la bande dessinée comme un semi échec. Je n’étais pas au point et je manquais de maturité… Je le confesse.

K: Depuis cette précédente BD, vous vous êtes tourné vers le dessin animé, le cinéma et les jeux. Ces expériences ont-elles modifié votre rapport à la BD, votre technique ?

Hub: Probablement, au travers de ces multiples expériences, j’ai pu tester différentes techniques et côtoyer de nombreux artistes. Il est toujours bon de pouvoir échanger et confronter ses processus de création.
K: Sur Okko, vous signez également le scénario…
Hub: Jusqu’à présent j’avais toujours travaillé en groupe. Sur Okko j’avais une idée précise. Je prenais un certain risque en laissant tout tomber pour revenir à mes premiers amours, à savoir la bande dessinée. Je voulais pouvoir assumer seul un éventuel échec et ne pas me cacher derrière d’autres personnes.

K: Sur le second cycle, le story-board est co-signé avec Emmanuel Michalak. Quel a été son apport ?

Hub: J’ai rencontré Emmanuel Michalak il y a un an de cela. J’étais très impressionné par son travail de découpage. Je lui ai proposé de m’aider sur le story-board, il a rapidement accepté. Je lui soumettais une première ébauche de découpage, puis il rebondissait dessus en corrigeant certains points de vue ou axes de narration. Notre collaboration est excellente, Emmanuel comprend quasiment instantanément mes envies de narration. Il n’hésite pas à critiquer de façon constructive les passages qui le nécessitent. Nous allons continuer à utiliser cette méthodologie de travail sur le prochain album du cycle de la terre.

K: Vous affirmez que la série est une interprétation libre du japon médiéval. Pourtant on peut constater une solide connaissance de la culture japonaise, non ?

Hub: En effet, sans être un spécialiste hors pair de la culture nippone, je pense posséder des bases assez solides. Je puise dans ces connaissances les éléments qui me permettent de crédibiliser mon univers fictif : L’empire du Pajan.

K: L’univers asiatique fascine les européens, encore plus lorsqu’il s’agit de leurs légendes ou de leurs samouraïs. Peut-on dire qu’Okko compile ce qu’il y a de plus attrayant dans une fantasy au parfum d’asie ?

Hub: J’essaye en tout cas ! Je voulais à l’origine créer une série qui puisse être fédératrice et ne pas s’adresser qu’au spécialiste du genre. Trouver un équilibre entre un album trop codifié et tomber dans la simplicité n’est pas toujours chose facile. De plus, je ne souhaite pas simplement surfer sur un effet de mode. 

K: Dans la série, quel est votre coup de cœur?
Hub
: Je n’ai pas vraiment de coup de cœur. Tous mes personnages principaux fonctionnent en résonance entre eux. Je les aime et ils me le rendent bien ! Ils me permettent de facilement passer de la comédie à des situations plus proche de la tragédie. Je ne suis pas dans le manichéisme, mon univers est dangereux et sans pitié. Je n’épargne pas mes héros, d’avance qu’ils m’en excusent !

K: Tikku est le conteur de l’histoire de son maître Okko et de ses compagnons. Lorsqu’il raconte son récit, il est déjà vieux. A la fin des 5 cycles, devrait-on connaître le sort final de Okko ? Le tome 3 voit la disparition (temporaire ?) d’un des compagnons, allez-vous vous diriger vers une fin tragique ?
Hub: Au dernier cycle, celui du vide, le lecteur possédera la réponse à toutes les questions qu’il est en droit de se poser. Le passé et les mystères entourant chacun de mes héros lui seront dorénavant familiers… Mais d’ici là, la route est encore longue !
Pour ce cycle et le destin tragique qui semble se dessiner pour certains de mes personnages, je préfère ne pas trop en parler de peur d’éventer mes effets de surprise. Il faudra donc faire preuve de patience jusqu’à l’année prochaine ! Mais j’ai déjà démontré que lorsque le scénario l’imposait, je n’hésitais pas à sacrifier la vie de héros qui me sont pourtant chers, je pense notamment à Petite Carpe…Snif, snif.

K: Le concept et votre dessin ont été accueillis à bras ouvert par la critique et le public. Quelle a été votre réaction à ce chaleureux accueil ?

Hub: Comment ne pas être heureux ! Mais je ne considère pas cela comme un aboutissement, bien au contraire, je me remets constamment en doute. Je vois mes erreurs et les points perfectibles.
 
K: La fantasy, est-ce un genre qui vous accroche particulièrement ?
Hub: J’aime la fantasy quand elle sort des sentiers battus et qu’elle fait preuve d’originalité. A mon sens, même si l’univers décrit est riche, il ne doit jamais empiéter sur les personnages.
La Quête de l’oiseau du temps de Letendre et Loisel est l’exemple parfait d’une œuvre magnifique illustrant mon propos.

K: Quels sont vos futurs projets ?

Hub: Je me concentre sur Okko et ses compagnons, j’en ai encore pour pas mal d’années avant de me poser de légitimes questions sur mes futures envies artistiques. Il serait dangereux de se disperser avant ! D’ici là que les kamis vous protégent !