Arthur Blond est un égyptologue travaillant au bureau de Rétroarchéologie. Entre les cours qu’l donne et où il ne parvient pas à se faire respecter et l’Office qui l’emploie qui va fermer (notamment après le retentissant échec de la restitution de l’obélisque de la place de la Concorde à l’Egypte, brisé dans le transport), il n’a que peu d’occasions de se réjouir. Pour se changer les idées, il essaye de se procurer un peu de nicotine, par patchs le plus souvent, mais aussi parfois avec une vraie nuigrave. L’un comme l’autre lui sont fournis par Melchior, un dealer un peu spécial qui sévit depuis le Petit Kosovo, un quartier de Paris. Mais le petit fonctionnaire Arthur Blond va être brutalement entraîné dans une affaire qui le dépasse et dans laquelle gravitent les émirs du proche orient et divers services secrets qui veulent tous se procurer la coarcine, une plante d’Amazonie que Sidonie, l’ancienne compagne d’Arthur, a hybridée avec succès pour en tirer une substance aux effets inattendus : le tétracoarcinicol.

Très bien écrit, rondement mené, ce roman emploie le ressort classique du petit fonctionnaire sans envergure qui, confronté à des circonstances extraordinaires, va révéler une véritable force d’âme. Mais Lorris Murail prend garde de ne jamais sombrer dans le cliché. L’issue reste incertaine jusqu’à la dernière minute et, si le suspens n’est pas à proprement parler haletant, on s’accroche néanmoins à l’intrigue dont on attend le dénouement. Les personnages sont complexes, ambigus, y compris le héros, ce qui contribue grandement à éviter les poncifs éculés. Roman pessimiste, nuigrave l’est certainement en se plaçant dans un futur incertain mais qu’on devine proche et où il ne fait pas vraiment bon vivre. Tout le roman est ainsi imprégné d’un cynisme non dénué de réalisme et nous montre une vision désabusée de la science comme de la politique… autant dire, de l’homme.

En résumé, nuigrave est un roman intelligent, sans grande originalité mais qui pourtant ne sent pas trop le déjà vu. Lorris Murail y croise avec habileté des thématiques très actuelles (écologie, relations avec le moyen-orient, souci de longévité…) et nous invite à les prendre avec un certain recul, presque du détachement. Belle réussite pour une première incursion dans le domaine de la SF pour cet auteur qu’on espère retrouver prochainement dans ce même domaine.